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Anne Brasseur: «Ce n’était pas mieux avant, c’était différent»


«À l'époque, on connaissait les quelques journalistes sur la place qui étaient des institutions. Il n'y avait pas non plus cette avidité de certains politiques de se précipiter sur chaque micro», indique Anne Brasseur. (photo: le Quotidien)

Anne Brasseur rend son tablier. Après 42 ans passés dans la politique, celle qui a été réélue depuis 1975 à la Ville de Luxembourg et 1979 à la Chambre des députés décide de vivre désormais sans contrainte.

Elle évoque ses débuts en politique, les moments qui ont marqué sa carrière, l’évolution des politiques et des comportements. Discussion à bâtons rompus.

Votre démission résulte d’une décision mûrement réfléchie, mais elle a surpris son monde…

Anne Brasseur : Avant les dernières élections de 2013, je savais que j’étais candidate pour la dernière fois. Cependant, je me suis dit que je n’allais pas finir mon mandat pour permettre au prochain de la liste de me succéder encore en début d’année. J’en avais parlé à Xavier Bettel immédiatement après les élections de 2013 et j’en ai informé Corinne Cahen quand elle est devenue présidente et bien évidemment Lydie Polfer et Colette Flesch. Tous les autres ont été surpris, car ils n’ont été informés que très peu de temps avant mon annonce.

Pourquoi?

Je voulais communiquer moi-même. Je ne voulais pas que quelqu’un d’autre interprète mal ma décision. Il faut savoir lâcher, c’est tout.

Doit-on vous considérer comme une retraitée à plein temps?

Disons que ce qui m’importe, c’est de ne plus avoir de contraintes au quotidien. Mais j’ai encore beaucoup d’activités. On m’a demandé de devenir membre du curatoire de la Fondation Friedrich Naumann* en Allemagne, je suis membre du jury du prix des droits de l’homme de la ville de Nuremberg, je reste encore pendant quelques mois au Conseil de l’Europe où j’ai encore pas mal de travail à faire et j’aurai encore des missions ponctuelles sur les droits de l’homme et sur la bonne gouvernance du sport. Je voudrais ne plus avoir de responsabilités.

Vous siégez en tant que députée luxembourgeoise au Conseil de l’Europe, serez-vous remplacée?

Non, je peux encore terminer le mandat, c’est prévu par le Conseil de l’Europe, et je siégerai jusqu’au 1er juin.

Vous avez 42 ans de carrière politique derrière vous. Comment l’avez-vous vue évoluer?

Il y a une évolution de la société donc il y a une évolution de la politique, bien que la politique devrait pouvoir anticiper, mais c’est toujours difficile. Quand j’ai commencé, il y avait encore beaucoup de membres de la Chambre des députés qui avaient un emploi et aujourd’hui ce n’est presque plus possible, la politique s’est professionnalisée. Ce qui a changé, c’est le nombre de projets de loi liés à l’Europe avec des dossiers très techniques. Donc le nombre des collaborateurs au sein de la Chambre des députés a triplé. Pour les groupes politiques, au début, nous disposions d’une secrétaire et d’un attaché tous deux à mi-temps.

En 1979, les députés s’exprimaient-ils encore en français?

Oui partiellement, surtout pour les projets de loi soumis à la commission juridique. Le ministre des Affaires étrangères s’exprimait en français à l’assemblée et la déclaration sur l’état de la Nation se faisait également en français comme toute la procédure d’ailleurs. Nous disions « la séance est ouverte », « la parole est à untel », et l’intitulé des projets des lois n’était pas traduit en luxembourgeois comme c’est le cas aujourd’hui. Cela a changé quand Jean Spautz est devenu président. Je me souviens d’une anecdote avec monsieur Brebsom qui était doyen d’âge. Nous avions organisé un tirage au sort et à l’huissier qui tenait l’urne, il a dit : « Reuselez-la bien! » (NDLR : rëselen en luxembourgeois signifie secouer).

Dans la façon de faire de la politique, diriez-vous, comme certains nostalgiques, que « c’était mieux avant »?

Non. Ce n’était pas mieux avant, c’était différent. Ce qui a énormément changé les choses, ce sont les réseaux sociaux, les médias. À l’époque, on connaissait les quelques journalistes sur la place qui étaient des institutions. Il n’y avait pas non plus cette avidité de certains politiques de se précipiter sur chaque micro. La communication était différente. Ce qui a surtout changé dans le monde en général, c’est la montée des populismes et des nationalismes. Le repli sur soi à l’époque n’existait pas et il faut s’inquiéter des évolutions y compris dans les pays membres du Conseil de l’Europe.

Quel a été votre sentiment après le résultat sans appel du référendum sur le droit de vote des étrangers?

J’étais triste parce que nous vivons dans une société où règne une telle diversité où des hommes et des femmes qui viennent vivre chez nous devraient avoir leur mot à dire parce qu’il y va de la représentativité de ceux qui sont élus. Si j’étais attristée, je n’étais pas surprise pour autant.

Retrouvez l’intégralité de l’interview du lundi dans votre Quotidien du lundi 22 janvier.

Geneviève Montaigu

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