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Automobile : ces garanties qui peuvent rapporter gros [dossier]


Face à une panne anormale, toutes les marques ne se valent pas, certaines offrant des gestes commerciaux selon des barèmes connus d'elles seules. (photo archives LQ)

Si votre voiture vous fait le coup de la panne, méfiez-vous des vices cachés. Sachez qu’il existe, en plus de la garantie constructeur, deux autres garanties méconnues… qui peuvent vous faire économiser gros!

Face à une panne prématurée ou anormale sur votre auto, le vendeur peut être amené à assumer les frais de réparation ou à vous rembourser. Mais il va falloir se battre! Des experts nous donnent leurs précieux conseils.

Pour un automobiliste, la fin de la garantie constructeur signe le début d’un voyage en terre inconnue : après 2, 3, 5 ans de garantie, il est temps de rouler à ses risques et périls. Un volant qui ne tourne plus rond? Un moteur de lève-vitre qui flanche? Un turbo qui tousse? La réparation est désormais pour votre poche, répondra certainement le vendeur. Et l’automobiliste, fataliste, sortira son porte-monnaie.

Pourtant, dans certains cas, il existe une solution qui peut vous sauver la mise  : invoquer la garantie légale. Celle-ci prend deux formes : la garantie légale de conformité et la garantie contre les vices cachés.À la différence de la garantie contractuelle conclue avec le vendeur, ces garanties sont inscrites dans le code civil.

La première exige que la voiture corresponde à la description faite par le vendeur, et protège l’acheteur pendant les deux ans suivant l’achat du bien (neuf ou d’occasion). Acheter une voiture avec des vitres manuelles alors que le contrat stipulait des vitres électriques suffit par exemple à l’invoquer. Vous l’aurez deviné, ce genre de défaut survient rarement.

La seconde couvre les erreurs de conception, de fabrication et de montage rendant le véhicule (neuf ou d’occasion) impropre à l’usage ou le réduisant tellement que l’acheteur y aurait réfléchi à deux fois avant d’acheter s’il avait été au courant. Il s’agit par exemple d’une courroie de distribution mal fixée qui saute à seulement 30 000  km. Là, les cas sont certainement plus fréquents, surtout dans le marché de l’occasion.

Mais comment prouver ce défaut de conformité ou ce vice caché?

C’est bien là le problème, nous explique Me Saliha Dekhar, avocate au Luxembourg  : « La garantie légale, c’est l’ultime recours, quand la garantie constructeur est dépassée. Mais c’est aussi la garantie la plus difficile à faire valoir, car il faut prouver que le vice était antérieur à la vente. Soit on a un cas d’école, comme une pièce qui tombe fréquemment en panne, par exemple un défaut de construction sur un airbag qui a déjà fait l’objet d’une campagne de rappel. Là, forcément, c’est un défaut antérieur à la vente. Soit il s’agit d’un cas plus délicat, et il faut alors se demander si le défaut est lié ou non à l’usure normale d’une pièce, et donc faire intervenir un expert .»

Car toute panne n’est pas forcément anormale ou prématurée, confirme Christophe Baeten, expert automobile à la société Autex  : « Tout s’use sur une voiture, même le volant. Donc si on veut jouer sur les mots, beaucoup de défauts peuvent être rangés dans la catégorie des pièces d’usure. Il est d’ailleurs rare que des pièces aient une faiblesse notoire et que ce défaut ait existé à la conception du véhicule. Le vice caché, lui, doit être prouvé, et l’antériorité du défaut doit également être prouvée. Qui dit que ce n’est pas l’utilisation d’un mauvais carburant, la conduite dans un environnement poussiéreux ou encore un mauvais conducteur qui sont à l’origine de la panne? »

Ceux qui en font une affaire de principe

À l’inverse, certains vices cachés sont plus facilement prouvables  : « Les courroies de distribution par exemple, il y a des obligations de remplacement à des intervalles prescrits, en années ou en kilomètres. Si telle marque dit qu’elle doit être changée à 160  000  km, ça veut dire qu’elle tient au minimum 160  000  km et donc que tout défaut survenant avant est considéré comme anormal. »

C’est pourquoi les experts comme Christophe Baeten doivent réaliser de véritables enquêtes techniques. « Parfois, un vice caché est évident. Et parfois, même de coûteuses analyses d’huile ou de carburant ne nous aident pas .»

Tout cela, évidemment, n’est pas gratuit. Les personnes que nous avons rencontrées, et qui ont décidé de se battre en justice, cachent l’immense majorité de ceux qui renoncent à toute poursuite, effrayés par la perspective de frais supplémentaires. « La plupart des automobilistes lésés ne vont pas jusqu’au stade du contentieux, surtout pour des véhicules d’occasion achetés pour 5  000 ou 10  000 euros », constate M e Dekhar.

« Il faut attendre des mois de procédure, être privé du véhicule à cause des expertises, avancer des frais de justice et d’expertise… Mais certains en font une affaire de principe. Car la plupart du temps, les vendeurs espèrent décourager leurs clients en s’engageant dans un bras de fer. Or j’ai pu constater qu’en ne privilégiant pas le dialogue, les professionnels ne font qu’encourager les consommateurs à faire valoir leurs droits .»

Et parfois, comme en témoigne un client combatif (lire Le Quotidien du 11 avril), les consommateurs gagnent!

Romain Van Dyck

Tout ce qui brille…

… n’est pas or! Mieux vaut y regarder à deux fois avant d’acheter une voiture, constate Me Dekhar  : « Il y a de plus en plus de petits garages et revendeurs qui s’installent au Luxembourg et qui savent comment appâter le chaland. Ils vendent exclusivement des voitures de luxe et de sport, avec un kilométrage élevé, mais qui sont bien présentées. » Et qui, parfois, tombent en panne peu de temps après… « Je ne veux pas faire de généralités, mais je constate que les cas de vices cachés ressortent souvent de litiges avec ce genre de petits vendeurs récents. » Et « avec des réparations qui dépassent souvent le coût d’achat et un vendeur aux abonnés absents », la plupart des clients, surtout ceux qui viennent de loin, abandonnent…

L’expert Christophe Baeten approuve : « Il ne faut pas confondre petit marchand d’occasion et garage. Il y a de très bons petits garages. Les problèmes surviennent plus avec des vendeurs qui n’ont pas d’atelier, qui nettoient bien la voiture  : un coup de karcher sur le moteur et hop, elle brille. Ces gens-là achètent des voitures d’origine douteuse en Allemagne ou ailleurs. Les cas suspects qu’on doit expertiser sont souvent des voitures qui ont eu de multiples propriétaires, sans suivi, ou avec de faux tampons dans de faux carnets d’entretien… »

Et si ce genre de mésaventure peut arriver partout, dites-vous qu’un grand concessionnaire aura davantage intérêt à défendre sa réputation qu’un revendeur sorti de nulle part…

Sales réputations

 

C’est une conversation qu’on a tous eue : telle marque automobile serait plus serviable et commerçante que telle autre. Sauf que les ragots font difficilement des infos. C’est pourquoi nos experts, s’ils n’en pensent pas moins, se gardent bien de pointer ouvertement telle ou telle marque.

Tout juste Jean-Loup Stradella, juriste au Centre européen des consommateurs, concède que, « à force d’expérience, on remarque que, pour une même pièce défectueuse, certaines marques appliquent quasiment toujours une prise en charge à 100  % des réparations, tandis que d’autres marques vont le faire à 50  %, sans qu’on sache pourquoi ». Ce qui laisse penser qu’il existe d’obscurs barèmes internes.

L’expert Christophe Baeten constate, lui, qu’« on voit vraiment des politiques commerciales très différentes d’une marque à l’autre. Certaines sont plus souples, d’autres diront non avant de vous écouter et vous enverront promener, gentiment, avec un petit café. Certaines n’ont aucune transparence sur les garanties et lorsqu’on leur demande des documents pour connaître leurs notes techniques, leurs raisons, etc., on ne peut rien obtenir, pas même une photocopie. » Mais tout cela, vous l’aurez compris, relève d’expériences personnelles qui n’ont pas valeur de loi !

D’obscurs barèmes

Dans la presse, on trouve des barèmes donnant la prise en charge des vices cachés par les constructeurs. Souvent établis par des experts automobiles, ils prétendent que si un joint de culasse, un étrier de frein ou un amortisseur tombent en panne de façon «anormale ou prématurée» avant X kilomètres, les constructeurs devraient financer tout ou partie de la réparation.

baremes

Des fuites de barèmes officieux?

Problème  : « Officiellement, ces barèmes n’ont aucune valeur juridique », résume Jean-Loup Stradella, du Centre européen des consommateurs. La preuve, « les chiffres peuvent varier d’un barème à l’autre. » Mais officieusement, « le juge peut tout à fait s’en inspirer pour prendre sa décision dans un litige, même s’il ne mentionnera jamais ce barème ». Car au Luxembourg, comme ailleurs, « les juges ne sont pas forcément connaisseurs en matière automobile ».

M e Dekhar abonde  : « Je vous confirme qu’au Luxembourg il n’existe pas de barème comparable. Ce qui ne veut pas dire que les professionnels du droit ne peuvent pas s’en inspirer. »

Christophe Baeten va plus loin  : « Ces barèmes sont certainement des fuites. Car il y a des barèmes constructeurs internes qui ne sont évidemment pas publiés. C’est ce qu’on appelle en allemand « Kulanz », une extension commerciale de garantie. Ce sont donc des gestes commerciaux qui ne sont pas dans le barème de la garantie constructeur, mais où le constructeur admet que pour la bonne marche commerciale avec le client, il est de bon aloi de lui offrir une partie de la prise en charge de cette réparation . Et chaque constructeur a sa propre cuisine interne. Un constructeur va être plus généreux pour ses embrayages qui sont fragiles, un autre va faire plus de largesse pour une vanne… » Car il faut savoir « que la plupart de ces pièces sont fabriquées par des sous-traitants…»

Et puis «il y a l’obsolescence programmée, qui dans l’automobile est un problème avéré ».

Vices cachés : que faire ?

Avant les problèmes

L’expert Christophe Baeten vous encourage à faire entretenir votre véhicule dans un garage agréé, idéalement chez le concessionnaire qui vous a vendu le véhicule. Pourquoi?

Parce que « les garages toutes marques, même avec la meilleure volonté, n’ont pas les mêmes outils et expériences de votre véhicule que le concessionnaire spécialisé ». Et puis « dans la mesure du possible, évitez le low cost en entretien et en réparation. Ce n’est pas que les travaux seront forcément moins bien faits, mais vous n’aurez pas les mêmes chances d’obtenir des largesses commerciales en cas de problème. »

Car « il faut savoir que quand les garages agréés font des travaux sous garantie, bien souvent ils mettent aussi de leur poche. Car les fabricants leur remboursent des « temps barèmes » pour la réparation, qui sont souvent trop courts. Donc si vous n’avez jamais mis les pieds chez eux et qu’en plus vous demandez un véhicule de prêt, le garage n’aura pas envie de servir un client occasionnel comme un client régulier. »

business laws

Après les problèmes

Un mot d’ordre  : essayez de régler l’affaire à l’amiable. Car les vices cachés sont difficiles à prouver, l’expertise du véhicule n’est pas gratuite, et l’affaire peut traîner des mois voire des années devant les tribunaux, tout en vous privant du véhicule.

Jean-Loup Stradella, du Centre européen des consommateurs, conseille donc de faire une première réclamation écrite au vendeur, en décrivant le problème. Si cela ne marche pas, contactez alors des organismes qui proposent une assistance juridique, comme l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC), ou le Centre européen des consommateurs (c’est gratuit).

En dernier ressort, prenez un avocat. Et battez-vous! « Ce n’est souvent qu’à l’extrême limite, quand le vendeur professionnel reçoit l’assignation devant le tribunal, qu’il se rend compte qu’il va devoir plier, car il sait que la mauvaise publicité lui coûtera plus cher que de rembourser le client », constate M e Dekhar. Et quand d’autres professionnels s’entêtent malgré tout, « ils se font alors condamner, et perdent sur toute la ligne! »

«Vendu en l’état» : attention!

Contrairement à une idée reçue, la clause «vendu en l’état», que certains professionnels apposent sur la carte grise au moment de la vente, ne suffit pas à exclure la garantie des vices cachés, nous explique Me Dekhar. «Même si cette clause est au contrat et que le client la signe, elle n’est pas opposable au client, car elle est abusive. Le professionnel ne pourra jamais se défaire de sa responsabilité en mentionnant une telle clause. Il est toujours présumé connaître la préexistence du vice caché.»

Par contre, en cas de vente d’un véhicule entre particuliers, c’est plus problématique, concède-t-elle : «Autrefois les juges étaient assez laxistes, en disant que vu qu’il s’agit de vente entre amateurs, il serait injuste de demander au vendeur amateur d’être au courant des vices cachés. Mais maintenant, les juges sont moins tolérants, du moins, dans la jurisprudence française. Car, au Luxembourg, on ne voit pas beaucoup ce genre de clause entre particuliers, moi en tout cas, je ne l’ai pas vu.»

Un commentaire

  1. Qui prend en charge les fuites d’huile moteur sur mon véhicule d’occasion en sachant que celui-çi est garantie jusqu’au mois de Septembre 2019 .45000 km à l’achat . L’expert que j’ai nommé me précise que ces défauts étaient présents au moment de la vente . Est ce AUDI ou le vendeur de véhicule

    Merci pour votre réponse .

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