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Ben Fayot : «Revoir les méthodes d’enseignement des langues»


La réforme des lycées a peu de chances d'entrer en vigueur en septembre prochain. Les travaux en commission s'annoncent laborieux. Ben Fayot en sait quelque chose. (Photo : Editpress)

Les réformes des lycées sont rares et ce n’est pas pour rien. Ben Fayot, l’ancien député socialiste et professeur de lettres, qui a été président de la commission de l’Éducation nationale, insiste pourtant pour que les méthodes d’enseignement soient revues et adaptées à la réalité luxembourgeoise.

Les travaux sur la réforme des lycées qui ont débuté en commission parlementaire prendront-ils beaucoup de temps selon votre expérience?

Ben Fayot : Nous avons consacré un temps assez long à réformer les lycées. On peut regretter que ce travail qui était très avancé ait été jeté aux orties. Historiquement, toute réforme du secondaire dure longtemps. La dernière de 1968 a duré au moins dix ans! Le travail que nous avons entrepris en 2009 avec la ministre Mady Delvaux faisait suite à une demande des directeurs de lycées. Nous avons eu des centaines de réunions avec les enseignants sur le terrain avant d’avoir un projet de loi déposé et avisé par le Conseil d’État, des vingtaines de règlements grand-ducaux préparés et discutés en commission parlementaire, bref tout ce travail a été stoppé net. Quand nous avons négocié le programme du gouvernement en 2013, ce projet de loi élaboré devait être le point de départ de la réforme du lycée à entreprendre par le nouveau gouvernement. Or je constate qu’il n’en est rien et que ce point du programme n’a pas été respecté.

Que vous inspire le nouveau texte que propose le ministre Claude Meisch pour réformer enfin le secondaire?

Je ne sais pas exactement ce que veut faire monsieur Meisch, sauf donner plus d’autonomie aux lycées. Je suppose qu’il ne veut pas se brûler les doigts avec les syndicats d’enseignants et qu’il veut donc donner le plus de latitude possible aux différents lycées et leur permettre ainsi de faire un peu ce qu’ils veulent.

L’autonomie des lycées, cela vous gêne?

L’autonomie est un maître-mot aujourd’hui dans l’enseignement, mais j’ai un problème avec cette approche. Il faut quand même une certaine cohésion pour que les diplômes qui en sortent soient valorisants pour tous les élèves. Le ministre a déjà réformé l’examen de fin d’études secondaires en supprimant des épreuves pour intégrer dans le diplôme final les résultats des deux dernières années obtenus en classe. En principe, c’est une bonne chose, mais cette demande absolue d’autonomie et sans autre précision, cela me semble poser un certain nombre de questions.

Les lycées vont se spécialiser dans leur offre de formation. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose?

La diversité des lycées, c’est un autre point. Nous aurons des lycées luxembourgeois qui proposeront un bac international d’autres non, ou des filières européennes, des lycées techniques ou classiques ou mixtes, en tout cas une grande diversité rendue nécessaire par l’énorme afflux d’élèves dans les lycées par rapport à la situation que nous connaissions il y a 30 ou 40 ans. La sélection était alors plus stricte et ceux qui échouaient se dirigeaient vers l’école moyenne, l’école de commerce et de gestion ou vers une formation technique. Aujourd’hui, tout le monde va au lycée et il faut s’accommoder de cette grande diversité amplifiée par la diversité linguistique des élèves. Nous essayons d’y répondre par des lycées de toutes sortes. Le futur Schengen-Lycée Bad-Mondorf sera-t-il accessible à des élèves du pays tout entier? Il faudrait des règles uniformes pour permettre l’accès de ces lycées à tous les élèves qui désirent s’y inscrire. À la fin, le diplôme qu’ils obtiennent est-il le même? Plus précisément, a-t-il la même valeur pour tous? Je me pose la question. Donc la diversification des lycées est une bonne chose, mais comment est-elle accompagnée d’un point de vue didactique et pédagogique, c’est-à-dire par rapport au contenu et aux méthodes?

Est-il nécessaire de revoir les méthodes d’enseignement au Luxembourg en général?

Les méthodes d’enseignement dans les lycées sont souvent vieilles de 100 ans. Mêmes si elles ont évolué, elles restent souvent traditionnelles et il faudrait se pencher sur ces méthodes, surtout en ce qui concerne l’enseignement des langues. L’université a un rôle important à jouer dans la recherche de méthodes didactiques adaptées à l’environnement luxembourgeois. Il y a le Script qui est un think tank pour accompagner la réforme, il y a les commissions nationales des différentes branches où sont représentés les professeurs de lycées et nous avons aussi le Lucet (Luxembourg Centre for Educational Testing), une cellule de monitoring des résultats scolaires qui établit des statistiques. Mais à côté de cela, il faudrait un centre de recherche à l’université de Luxembourg qui se consacre à cette question. C’est important.

Faut-il remettre en cause le multilinguisme dans les lycées?

Le multilinguisme dans les lycées vise à aller le plus loin possible dans chaque langue. Ce n’est plus possible aujourd’hui étant donné la diversité des origines linguistiques des élèves et la diversité de l’utilisation des langues. Il faudrait se pencher sérieusement sur cette question de l’usage des langues dans l’enseignement luxembourgeois et on ne l’a jamais fait jusqu’à présent.

Entretien réalisé par Geneviève Montaigu

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans Le Quotidien papier de ce lundi

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