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Échange de vœux et de coups entre les partis luxembourgeois

L’année politique est lancée. Jeudi soir, le DP, déi gréng et le CSV avaient convié à leurs pots de nouvel an. Tandis que les uns ont vanté leurs mérites, les autres ont dégainé.

Le DP sans Bettel, mais avec foule

Le Melusina était plein comme un œuf et il y régnait une chaleur étouffante. Le DP a apprécié le succès de cette cérémonie des vœux sans grands discours mais avec quelques satisfecit.

Une fois n’est pas coutume, le DP ne s’est pas retrouvé aux Arquebusiers dans le très chic quartier de Belair, mais dans la célèbre discothèque du Grund, le Melusina. L’accueil était prévu à partir de 18h30, mais la salle était déjà quasiment comble quinze minutes avant l’heure et les invités ne cessaient d’arriver. Vu de la mezzanine, on voyait une foule compacte plutôt figée sur la piste de danse.

Une heure plus tard, quelque 400 personnes cessaient leurs discussions pour enfin écouter les discours. Celui du secrétaire général d’abord, Claude Lamberty, et celui de la présidente Corinne Cahen, ensuite. À la surprise générale, le Premier ministre, Xavier Bettel, en déplacement à Paris, n’a pas pu assister au pot du nouvel an de son parti et c’est bien la première fois qu’il ne participe pas à un raout libéral. Il avait déjà reporté la cérémonie des vœux à la presse prévue hier matin et il n’a pas pu honorer le rendez-vous du soir non plus.

Qu’à cela ne tienne, ils sont venus nombreux. Beaucoup de jeunes, beaucoup de femmes, quelques anciens et de nombreuses têtes inconnues. On y croisait des entrepreneurs et aussi deux ou trois transfuges du CSV. Le secrétaire général, Claude Lamberty, apprécie la vue aussi, celle qu’il a de l’estrade. Elle lui rappelle une autre soirée passée en ce lieu il y a sept mois lors des élections européennes qui ont offert au parti deux députés : Charles Goerens, indétrônable, et Monica Semedo en nouvelle venue. Ils étaient là tous les deux jeudi soir et ont été chaleureusement applaudis.

Aider ceux qui en ont le plus besoin

«Ce soir, nous voulons fêter avec tous nos députés et les membres du gouvernement», lance Claude Lamberty. Si les députés sont presque tous présents, il manquait quelques ministres à l’appel. Mais Pierre Gramegna, lui, est présent. C’est par lui que commencera la présidente Corinne Cahen. «Il tient les finances de l’État bien en main», dit-elle, et c’est ce qui importe. Grâce à des finances saines, le gouvernement «peut aider ceux qui en ont le plus besoin», ajoute la présidente du parti, ministre de la Famille et de l’Intégration et à la Grande Région.

Pierre Gramegna est aussi celui qui a la charge de mener une réforme fiscale. «C’est un gros dossier, mais la fiscalité touche les sujets qui nous sont chers comme la politique climatique et le logement», déclare Corinne Cahen.

La cheffe du parti libérale mettra l’accent sur le vivre ensemble. Cela tombe bien, l’assistance est assez multiculturelle. En se faufilant parmi la foule, on entend du français, de l’anglais et même de l’espagnol. C’est assez nouveau. «Le DP fera tout pour le vivre ensemble et c’est ma fierté de présidente de ce parti», dit-elle.

Présent également, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch. Là encore, la présidente soulignera la politique éducative de son parti qui offre selon elle les mêmes chances à tous les élèves en leur proposant une offre qui leur convienne pour préparer leur avenir professionnel.

Corinne Cahen rappelle que ce gouvernement a un gros programme. Elle ne fera pas un long discours, tout juste dix minutes, pour passer en revue les dossiers des libéraux. Les siens sont pour l’instant dominés par le projet de loi qu’elle a présenté au dernier Conseil de gouvernement et qui concerne le troisième âge. L’opposition n’avait pas manqué de la bousculer les années précédentes, arguant que le troisième âge était le grand oublié de la coalition.

La ministre Cahen a très brièvement évoqué le projet de loi qui consiste à établir plus de transparence dans les tarifs pratiqués par les maisons de retraite : «C’est un projet de loi qui offre en outre un site internet avec les prix des maisons de retraite. Nous voulons une transparence des prix, ce qu’ils incluent. Et idem pour les centres de jour. Il s’agit surtout d’établir des critères de qualité et de la transparence», dit-elle. La ministre ne veut pas en dévoiler davantage, car elle va bientôt présenter son projet à la presse.

Geneviève Montaigu

Le DP a attiré beaucoup de jeunes et de femmes. (Photo Julien Garroy)

Le DP a attiré beaucoup de jeunes et de femmes. (Photo Julien Garroy)

Déi Gréng fêtent leur millier d’adhérents

Les verts avaient plusieurs raisons de fêter la nouvelle année. Parmi elles, la nette augmentation du nombre de leurs membres.

Réunis aux Rotondes de Luxembourg-Bonnevoie, les écolos se sont félicités de leur succès, mais ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Déi Gréng prennent du poids et ils tiennent à le faire savoir : le nombre de leurs membres a quasiment doublé en un peu plus de six ans. En effet, comme l’a souligné la coprésidente du parti, Djuna Bernard, déi gréng sont parvenus à atteindre «le chiffre magique». «Notre parti comptait quelque 600 membres en 2013 avant d’entrer dans la majorité gouvernementale. Aujourd’hui, nous sommes un millier. Cela s’explique par deux raisons : d’une part, notre parti a fait du bon travail au niveau de toutes ses sections (nationale, communales, européenne…) et, d’autre part, les idées programmatiques du parti sont de plus en plus adoptées au sein de la société.» Le second coprésident du parti, Christian Kmiotek (photo), a indiqué que c’était «mission accomplie !», avant, pour lui, de qualifier l’année 2019 de «superbe année verte». De quoi nourrir tous les espoirs pour 2020 et la décennie qui s’annonce.

En effet, le traditionnel pot de nouvel an des écolos avait débuté sur une note d’espérance, adressée à Félix Braz, ancien ministre de la Justice, victime d’un accident cardiaque à l’été dernier : «Les remaniements ministériels, qui s’apparentent à la roue qu’un hamster fait tourner ne sont pas le plus important dans ce contexte, mais bien le rétablissement pas à pas de Félix.»

Outre cette parenthèse d’introduction, les verts ont également salué le fait que l’ancien député-maire de Differdange, Roberto Traversini, ait «tiré les conséquences de son erreur personnelle».

Polluer l’environnement, ce n’est pas gratuit !

Avant, pour eux, d’aborder l’avenir et notamment le changement climatique contre lequel ils s’engagent plus que tout. La réduction d’ici 2030 des émissions de gaz à effet de serre (CO2) à hauteur de 55%, via la prochaine réforme fiscale et donc par le biais d’une taxe carbone introduite pour 2021, a ainsi largement été saluée par la base du parti.

«Cela ne figurait pas dans l’accord de coalition gouvernementale, mais polluer l’environnement, ce n’est pas gratuit !», s’est exclamée la députée Djuna Bernard. «Avec l’arrivée des transports publics gratuits dans sept semaines, nous agissons aussi dans le domaine du social», a renchéri Christian Kmiotek, tout en évoquant la nécessité de mettre un terme à la crise du logement. «Les jalons nécessaires pour que le pays aille mieux en 2030 sont désormais ancrés», a-t-il estimé.

Plus généralement, Djuna Bernard s’est projetée vers un avenir plein d’espoirs, fait de «nouveaux discours politiques», empreint de «multilatéralisme» et placé sous le signe «de discussions sur des contenus réels» et d’«alternatives politiques.» La coprésidente a ainsi conclu son allocution en ces termes : «Je me suis engagée en politique pour changer les choses et pour que les questions essentielles soient débattues, en 2020, dans le contexte d’une culture de la discussion. Je suis contre la haine et contre toute forme d’engagement politique polarisé à base de tweets (…), car ce monde-là n’est pas celui dans lequel je souhaite agir !»

Claude Damiani

Le nombre de membres de déi gréng a quasiment doublé en six ans. (Photo Julien Garroy)

Le nombre de membres de déi gréng a quasiment doublé en six ans. (Photo Julien Garroy)

Le CSV seul contre tous

Le camp chrétien-social fustige la coalition tricolore. Le gouvernement mènerait une politique égoïste, sans tenir compte du «bien-être des gens». Il s’agit du message clé délivré lors du pot du nouvel an.

Un «changement de perspective». Le CSV, toujours écarté du pouvoir, veut sortir de la «structure tenace» formée par la majorité et l’opposition. «Il est grand temps de changer cette donne», clame Félix Eischen, secrétaire général du parti, en ouverture du pot du nouvel an, ayant réuni plusieurs centaines de militants à Niederanven.

Martine Hansen dresse le bilan comptable : «On a introduit 10 propositions de loi, présenté 20 amendements et déposé 66 motions. Si déjà le gouvernement mène une politique de la coquille vide, il aurait intérêt à tenir compte de nos propositions constructives. Or l’arrogance du pouvoir a pris le dessus. Tout a été rejeté.»

Sans surprise, le principal parti d’opposition a tiré à boulets bleus, rouges et verts sur le DP, le LSAP et déi gréng. Le scénario est classique mais rend difficile tout rapprochement entre les deux camps. «On ne veut pas permettre au Premier ministre de bénéficier de la tranquillité qu’il ambitionne. Et nous n’allons pas nous laisser museler», balance la cheffe de fraction du CSV.

Ce gouvernement n’agit que pour son propre bien-être

La stratégie du camp chrétien-social est claire. «Les raisons du départ d’Étienne Schneider sont aberrantes. Il s’est fait élire pour servir les gens. Maintenant, il décide de partir pour retrouver sa vie. Cela démontre une nouvelle fois que ce gouvernement n’agit que pour son propre bien-être. Les problèmes et le bien-être des gens ne les intéressent pas», affirme Martine Hansen.

L’autre son de cloche est donné par Frank Engel, qui a vécu hier soir son premier pot de nouvel an comme président du CSV. «Il nous faut à nouveau nous consacrer aux plus démunis. Cette frange de la population n’accorde plus sa confiance aux partis établis, dont le CSV. On va mettre de manière renforcée le focus sur ces gens, même s’il sera compliqué d’agir dans l’immédiat vu qu’on est dans l’opposition», indique le successeur de Marc Spautz. Pour résumer : le CSV est le parti qui s’occupe des gens modestes, tandis que la majorité ne s’occupe que de «(ses) copains».

Les chrétiens-sociaux restent vent debout contre la «croissance aveugle», comptent poursuivre leur offensive dans le domaine du logement et veulent mener une «véritable politique climatique». «Une hausse des accises sur le carburant ne sert nullement la cause climatique. Les simples citoyens sont les grands perdants. Il faut arrêter de harceler le salarié habitant au fin fond du pays et qui doit se rendre en voiture de Doncols à Ettelbruck pour travailler», martèle Frank Engel.

Dernière proposition en date : limiter le transit des poids lourds pour freiner le tourisme à la pompe. «L’Autriche le fait. Le courage manque au Luxembourg», déplore le président. Il cite aussi l’Autriche comme exemple en ce qui concerne la composition du nouveau gouvernement : une coalition conservatrice-verte. «Ce modèle n’est pas encore possible au Luxembourg. Mais qui sait ce qu’il en adviendra dans les années à venir ?», met en perspective Frank Engel. «On est prêt à reprendre la responsabilité pour ce pays», conclut-il. Reste à savoir si le «changement de perspective» souhaité aura finalement lieu en 2023.

David Marques

L'ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, chaleureusement célébré par les siens. (photo Alain Rischard)

L’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, chaleureusement célébré par les siens. (photo Alain Rischard)

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