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En Syrie, des Pokémons en larmes parmi les ruines


"L'idée m'est venue en lisant les infos et en voyant l'actualité syrienne côtoyer celle de Pokémon Go", explique M. Akil, la trentaine. (photo AFP)

Un Pokémon pleurant dans un quartier dévasté, un autre aux côtés de jihadistes: des artistes syriens utilisent des créatures du jeu qui passionne la planète pour sensibiliser aux horreurs de la guerre en Syrie.

Les petites créatures imaginaires apparaissent également sur des pancartes brandies par des enfants syriens qui lancent un appel à les sauver de l’enfer d’une guerre qui a fait plus de 280.000 morts, selon des photos partagées cette semaine sur internet.

Le jeune graphiste et web designer syrien Saif Aldeen Tahhan a monté des photos où le smartphone n’affiche plus les personnages Pikachu et consorts mais un ours en peluche près d’un corps sans vie, un livre au milieu d’une classe dévastée par des bombardements ou encore une bouée de sauvetage qui flotte près d’un canot pneumatique rempli de réfugiés.

Cet artiste de 26 ans qui a quitté son pays en 2011 vers l’Egypte a lui même pris la mer en août 2014 — comme des millions d’autre réfugiés– pour gagner l’Italie avant de s’installer au Danemark. « J’espère que le message parviendra au monde entier », a-t-il écrit sur sa page Facebook. « Je voulais attirer l’attention sur la souffrance des Syriens dans cette guerre », explique-t-il.

La guerre se banalise

Vendredi, un autre artiste syrien, Khaled Akil, a publié sur son blog des photos de presse détournées où apparaissent Aquali dans une rue dévastée par les bombardements, Dracaufeu sur un tank auprès de jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui sème la terreur en Syrie et ailleurs, et Pikachu triste près d’une voiture calcinée.

« L’idée m’est venue en lisant les infos et en voyant l’actualité syrienne côtoyer celle de Pokémon Go », explique M. Akil, la trentaine. « J’ai recherché des photos de destruction de ma ville Alep et j’ai imaginé le jeu Pokémon Go en Syrie et l’impact de la guerre sur ces créatures », poursuit-il.

« C’était un projet simple, mettre en lumière les évènements en Syrie. Mais malheureusement après cinq ans de conflit, la machine de guerre est devenue une information banale de tous les jours », déplore-t-il.

Des militants syriens ont aussi profité de la folie Pokémon pour partager sur les réseaux sociaux des photos d’enfants brandissant des appels à l’aide via ces créatures virtuelles.

« Je suis de Kafranbel, sauvez-moi », affirme par exemple un Pikachu sur une pancarte brandie par un garçon. Cette localité se situe dans la province d’Idleb (nord-ouest). Tenue par la branche syrienne d’Al-Qaïda et ses alliés rebelles, cette province est quotidiennement bombardée par les avions du régime syrien et de son allié russe.

@ Moustafa Jano Janographic

@ Moustafa Jano Janographic

Ces photos, postées par le réseau militant des Forces révolutionnaires de Syrie (RFS), montrent aussi des enfants de Kafar Zita ou Kafar Nabouda, des localités du centre de la Syrie, aux mains de rebelles opposés au président Bachar al-Assad.

Ce même réseau a tweeté une photo avec un Pikachu en larmes aux côtés d’un enfant devant un immeuble portant les séquelles d’un bombardement, avec le hashtag #PrayForSyria (Priez pour la Syrie).

La chasse virtuelle des petits monstres enfièvre adolescents et trentenaires de la planète, les joueurs de Pokémon Go les capturant sur leur smartphone grâce à la réalité augmentée, une technologie qui fait apparaître des éléments virtuels dans le monde réel.

Si le jeu n’est pas officiellement disponible en Syrie, il est accessible via un serveur proxy mais il est moins prisé que dans le reste du monde.

Les joueurs syriens font face à de nombreux obstacles en plus des combats. Un joueur a ainsi confié à l’AFP avoir poursuivi un Pokémon à Damas avant de réaliser que la créature se trouvait près d’une voiture aux vitres teintées appartenant aux redoutés services de renseignements. « J’ai décidé qu’il valait mieux laisser filer » le Pokémon.

Le Quotidien / AFP

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