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Esch : le moral brisé d’un commerçant cible de cambriolages


Abdennabi Khaidar : «J'ai envie de laisser la vitrine comme ça, que les gens voient l'ambiance de travail rue du Brill.» (Photo Hubert Gamelon)

Le gérant de la boutique KPC Computer, rue du Brill, vient de subir deux cambriolages en trois mois. C’est le ras-le-bol.

Quand on est entré dans sa boutique, il a presque retrouvé le sourire. «On s’intéresse à mon sort !» Difficile, pourtant, de passer à côté du forfait : deux gros impacts étoilent la vitrine du KPC Computer, situé rue du Brill, à Esch-sur-Alzette. «Les malfaiteurs ont agi dans la nuit de samedi à dimanche. Ils ont balancé des parpaings. Ils voulaient voler des ordinateurs et des smartphones… tout ce que je répare et que je vends depuis 14 ans.» Raté. Lors du précédent cambriolage, en juillet, Abdennabi Khaidar avait fait mettre du verre feuilleté. L’informaticien s’est installé à Esch en 2002. «La rue du Brill était déjà en perte de vitesse, mais bon, les loyers étaient moins chers.»

Sa vitrine, au sens figuré du terme, est aussi la vitrine de son savoir-faire. Un travail digne d’un horloger, appris dès les années 90. Le jeune homme de Casablanca s’était formé. Une société pétrolière l’avait repéré pour assurer des postes à responsabilités dans la maintenance informatique. Dubaï, Angleterre, Allemagne, France : du matériel haut de gamme passe entre ses mains et aujourd’hui, il sait réparer n’importe quelle machine. Problème, cette vitrine vient de voler en éclats pour la cinquième fois de sa carrière.

Une délinquance ordinaire

«Je subis un cambriolage tous les deux ans, calcule-t-il. Et cet été, deux fois de suite.» La boutique KPC a été vandalisée en juillet avec la même méthode : «Ils viennent à deux, ils jettent des briques en pleine nuit jusqu’à ce que la vitrine cède, et ils se servent.» Quand il a reçu un coup de fil à 3h, l’informaticien savait ce qui l’attendait. «C’est la police monsieur Khaidar, il faut venir sur place.» Et lundi, dans la rue : «Toi, c’est pas ton jour… J’en ai marre de l’entendre celle-là. Je veux travailler en sécurité, je ne veux plus des mots de compassion. Quand je suis revenu au boulot, j’avais envie de laisser la vitrine cassée exprès, pour que les gens voient ce qui se passe.»

Ironie du sort, les assureurs sont passés la semaine dernière pour évoquer le préjudice subi en juillet. «Ça va encore être de la paperasse, du temps de perdu, du travail en moins.» Abdennabi Khaidar est lassé. Il a l’impression que rien ne se passe pour sauver la rue du Brill. «En 14 ans, j’ai vu tellement de boutiques ouvrir et fermer… De temps en temps, je croise un ancien commerçant, je ne le reconnais même pas.» Les clients du KPC sont en revanche fidèles. «Il faut être sérieux pour durer autant. Je ne suis pas la petite boutique qui vend des portables rafistolés n’importe comment.»

Abdennabi Khaidar avait rencontré sa femme au Luxembourg au tournant des années 2000. Le couple s’était ancré dans le pays, plutôt qu’au Maroc, «où dès que tu as un pépin, ça ne va plus.» Le monsieur est élégant, s’exprime dans un français choisi. Il raconte son adolescence à «Casa», la lecture du journal francophone Le Matin, «celui des élites, des penseurs, ça fait toujours bien au café», sourit-il. C’est un homme investi dans la vie du Luxembourg aujourd’hui. Ceinture noire de karaté, 5e dan, il a créé le club de Mondercange. Pas une bonne nouvelle pour ceux qui voudraient le titiller… «Non, coupe-t-il. Le karaté est un état d’esprit, ce n’est pas pour cogner.»

L’informaticien va négocier un grillage en fer avec son propriétaire. «Si ce n’est pas possible», il fera «comme les autres» : il quittera la rue du Brill. Et on ne pourra pas dire que les commerçants du coin n’auront pas fait d’efforts.

Hubert Gamelon

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