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Esch-sur-Alzette : deux lycéens menacés d’expulsion vers leur pays d’origine


Selon le comité des élèves, ces deux Albanais sont des "exemples parfaits d'une intégration réussie dans notre société. Ils parlent tous les deux les trois langues officielles du Grand-Duché". (Photo : Archives LQ)

Le comité des élèves du lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette (LGE) prend la défense de deux élèves d’origine albanaise qui doivent être expulsés vers leur pays d’origine. Le ministère veut bien discuter.

Mais pour discuter, il faudrait que la direction de l’Immigration parvienne à retrouver la famille, la mère et ses deux enfants, qui s’évapore dans les airs. Quant au danger que le comité des élèves décrit dans son communiqué, il n’est pas établi dans la version des autorités luxembourgeoises. Ce n’est pas la première fois que des élèves s’opposent à la décision du gouvernement et à celle des autorités judiciaires d’expulser l’un des leurs. C’est d’ailleurs souvent l’été que ces mouvements de solidarité donnent de la voix, dans la logique des choses : le gouvernement a décidé de laisser les élèves achever leur année scolaire avant de les renvoyer chez eux.

Souvent, aussi, ces élèves sont originaires des Balkans et ils fréquentent des établissements scolaires luxembourgeois depuis plusieurs années. Dans le cas que défend le comité des élèves du lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette (LGE), il s’agit de deux élèves d’origine albanaise qui doivent retourner dans le pays qu’ils ont fui il y a cinq ans «pour cause d’insécurité», selon le comité des élèves.

L’hebdomadaire Woxx a révélé ce nouveau cas d’expulsion et l’action des élèves qui se disent «choqués et alarmés» couplée à celle des enseignants qui, selon l’hebdomadaire, auraient signé une pétition. D’après le comité des élèves qui s’expriment dans un communiqué envoyé aux médias hier matin, ces deux élèves albanais, un frère et sa sœur, sont «des exemples parfaits d’une intégration réussie dans notre société. Ils parlent tous les deux les trois langues officielles du Grand-Duché et présentent d’excellents résultats au lycée».

Si les élèves sont choqués, c’est parce qu’ils craignent que cette famille, la mère et ses deux enfants, ne soit victime d’un règlement de comptes en Albanie. En effet, le communiqué signé par le président du comité, Sébastien Baedis, et le secrétaire, Liam Bremer, décrit un environnement dangereux. «Dans leur pays d’origine, les parents, en tant qu’avocats, n’étaient pas bien vus par la mafia albanaise. Cette dernière a menacé de mort la famille et a placé plusieurs explosifs aux alentours de leur domicile, ne laissant à la pauvre famille que le choix de s’enfuir dans un autre pays», informe le comité.

La direction de l’Immigration ne dispose pas de la même version. Joint hier par Le Quotidien, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, Jean Asselborn, sans vouloir dévoiler de détails sur l’affaire, s’est contenté de dire que la version des élèves n’était pas la même que celle établie par ses services. «La famille a été deux fois déboutée par la justice. Elle a refusé le retour volontaire et on la cherche depuis plusieurs jours car la direction de l’Immigration doit appeler la mère et les enfants pour confronter leur version et la nôtre», explique le ministre.

Le père assassiné ?

D’après les élèves, le père a été retrouvé sans vie dans sa chambre d’hôtel en Albanie en juin dernier et il s’agirait d’une mort violente. «Afin de financer le séjour au Luxembourg et de ne pas vivre aux coûts de l’État luxembourgeois, le père a même renoncé à une demande d’asile et a choisi de faire des allers-retours entre les deux pays», précise le communiqué des élèves du LGE.

Cette version ne correspondrait en rien à celle que la direction de l’Immigration a entre les mains. Cette famille qui est effectivement au Grand-Duché depuis cinq ans se volatilise quand les services de l’État veulent lui signifier son arrêté d’expulsion. «Je suis d’accord avec la démarche des écoliers que j’apprécie d’ailleurs et j’espère que l’on parvienne à avoir un dialogue avec la mère et les enfants», déclare Jean Asselborn.

«Jusqu’à présent, ils ont été déboutés à deux reprises par les autorités judiciaires et je ne suis pas Erdogan, je respecte ces décisions. En revanche, si je devais constater qu’un réel danger existe pour cette famille, je prendrai la bonne décision», poursuit le ministre qui ne veut pas «trancher le dossier par média interposé». «Si un dialogue honnête peut s’établir je veux bien discuter», assure encore le ministre. Pour le reste, il déclare ne pas vouloir s’exprimer en public sur un dossier complexe, rappelle que la famille est activement recherchée et affirme que «les faits relatés dans la presse ne correspondent pas à des informations objectives».

Le nombre croissant de demandeurs de protection internationale en provenance des Balkans empoisonne les pays de l’Union européenne qui ont classé leurs pays d’origine dans la catégorie des «pays sûrs». «On est en train de diluer le statut de demandeur de protection internationale», s’inquiète finalement Jean Asselborn. «Nous revendiquons que les autorités en charge révisent leur avis négatif concernant la demande d’asile de la famille et qu’ils lui donnent la possibilité d’une nouvelle vie en sécurité au Luxembourg», conclut de son côté le comité des élèves du LGE.

Geneviève Montaigu

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