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Fin du tiers payant : ne rêvez pas…


Le LSAP et déi gréng sont favorables au tiers payant généralisé, mais pas le DP. (Photo : archives lq)

Pour les socialistes, les verts, ou encore la Patiente Vertriedung, le tiers payant doit disparaitre. Mais le DP s’y oppose, tout comme l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD).

Les pires ennemis de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) reviennent à la charge. La Patiente Vertriedung, qui représente les droits des patients, n’a pas manqué l’occasion de rappeler au bon souvenir des négociateurs une certaine pétition en faveur du tiers payant généralisé qui avait recueilli 6 700 signatures. Deux des trois partis, le LSAP et déi gréng, y sont favorables, tandis que le parti du formateur, le DP de Xavier Bettel, n’est franchement pas attiré par l’idée comme il l’avait laissé entendre par la voix de ses députés-médecins, Alexander Krieps et Edy Mertens, lors du débat à la Chambre des députés consécutif au succès de la pétition.

Le tiers payant, défendu par le ministre de la Sécurité sociale et son parti qui en a fait une promesse électorale, serait mort. La lettre au formateur envoyée par la Patiente Vertriedung prend donc des airs de baroud d’honneur alors que son président, René Pizzaferri, un des ténors de l’OGBL, doit déjà savoir que l’idée est enterrée. En tout cas, dans le milieu syndical, c’est ce que l’on croit savoir.

Le corps médical refuse le dialogue

Ce jour du débat à la Chambre des députés, le 26 février dernier, à huit mois des élections, «il a été décidé que le ministre de la Sécurité sociale se réunisse avec tous les partenaires de négociation, la CNS et le corps médical, afin de mettre en œuvre le plus rapidement et le plus efficacement possible le « tiers payant généralisé ». À ce jour, toutefois, le gouvernement actuel n’a présenté aucune mesure concrète sur la manière et le moment de mettre en œuvre le « tiers payant généralisé ». Ce retard étant vraisemblablement une conséquence du refus de dialogue de la part du corps médical», écrit la Patiente Vertriedung qui considère le dossier comme une priorité absolue et demande aux partis en négociation d’en faire autant. Rien n’est moins sûr.

Ils sont nombreux à manifester une incompréhension face au refus catégorique de l’AMMD d’assister à l’introduction du tiers payant généralisé. Les professionnels redoutent une mise en péril de la qualité des soins médicaux et médico-dentaires par une restriction de leur liberté thérapeutique. Elle est déjà menacée, selon les médecins, depuis la publication de l’ordonnance de la CNS qui limite depuis le 1 er janvier dernier les remboursements pour les laboratoires d’analyses médicales déjà soumis au régime du tiers payant. Pour l’AMMD, cela démontre l’emprise que veut avoir l’État sur la manière de faire de la médecine au Luxembourg. «De toute évidence et en conséquence directe, le patient ne bénéficiera pas des analyses que le médecin a cependant jugées utiles en établissant son ordonnance», écrivait l’AMMD il y a quelques mois.

«Seule solution acceptable»

Les médecins y voyaient également l’avènement d’une médecine à deux vitesses, car il y aura toujours des patients assez riches pour renoncer au remboursement de certaines analyses désormais refusées par la CNS pour cause de cumul. La Patiente Vertriedung ne voit pas en quoi le tiers payant généralisé introduirait une différence de traitement. L’ASBL insiste même sur le fait que le tiers payant obligatoire «doit être considéré comme la seule solution acceptable», estimant que «tout écart par rapport à un usage obligatoire du tiers généralisé est synonyme de perte pour le patient ainsi que de travail administratif supplémentaire pour le patient ainsi que pour la CNS».

« N’est-ce pas absurde que les patients doivent payer leur médecin alors qu’ils sont remboursés ensuite? », interrogeait Jill Sterba, l’auteur de la pétition en faveur du tiers payant généralisé. Justement, le travail administratif incomberait aux médecins, craint l’AMMD qui veut se concentrer sur le patient et pas sur la paperasse. Quant à la digitalisation de tout le système, c’est Alexander Krieps qui s’en était moqué au printemps à la Chambre des députés. Il qualifiait l’idée du tiers payant généralisé de « projet idéaliste », parce que la Caisse nationale de santé ne serait « pas foutue de le mettre en œuvre » et parce que les logiciels informatiques ne sont pas uniformisés dans les différents services des hôpitaux, selon lui.

Écouter la voix des patients

La Patiente Vertriedung ignore superbement l’argument et rappelle les chiffres qui illustrent selon elle l’urgence d’introduire ce nouveau régime : en 2015, 226 756 chèques ont été émis par le CNS, dont 203 024 ont été encaissés à la banque le jour même. «Cela peut être perçu comme une indication claire que les patients ont besoin d’un remboursement immédiat», écrit l’ASBL au formateur.

Autre avantage, selon les représentants des patients : le système lourd et souvent stigmatisant du tiers payant social serait également supprimé et les médecins n’auraient plus de difficulté avec les patients qui ne sont pas à même de payer leurs honoraires, affirment-ils en substance.

La Patiente Vertriedung invite le formateur à écouter la voix des patients et à donner la priorité aux plus de 500 000 assurés, par rapport aux 2 000 médecins. Mais ces derniers sont de très bons clients du parti libéral qui a réussi à peser lourdement dans la balance pour faire modifier en partie le projet de loi hospitalière qui avait déclenché la guerre entre l’AMMD et la ministre de la Santé, Lydia Mutsch.

Il semble que le prochain ministre de la Santé pourrait faire l’économie d’une nouvelle bataille avec le corps médical, à moins que le programme du gouvernement consente à une introduction par étapes ou au moins à l’ouverture d’une discussion sur le sujet.

Geneviève Montaigu

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