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La place financière luxembourgeoise a évité une crise majeure


Une faillite de l'opérateur luxembourgeois TLPO aurait mis en péril ses clients qui sont des institutions financières ou des entreprises pour lesquelles une coupure de connexion, même de quelques heures, peut être dramatique sur le plan économique. (illustration Editpress)

Telecom Luxembourg Private Operator vient de trouver un repreneur, évitant une crise majeure pour la place financière luxembourgeoise.

En septembre dernier, l’opérateur télécom luxembourgeois Telecom Luxembourg Private Operator, situé à Gasperich, avait fait une demande de mise sous gestion contrôlée, une procédure assez rare au Luxembourg qui consiste à permettre à une société en difficulté d’éviter la faillite en lui laissant le temps de vendre ses actifs. Une procédure normalement réservée aux institutions bancaires eu égard à la nature sensible de leurs activités.

Cette procédure s’explique par le contexte délicat qu’implique la faillite d’un opérateur télécom dans la mesure où les clients de TLPO sont des institutions financières ou des entreprises pour lesquelles une coupure de connexion, même de quelques heures, peut être dramatique sur le plan économique. En effet, TLPO dispose d’infrastructures de connexion très importantes depuis le rachat, en février 2015, du réseau de fibre optique de Luxconnect.

Doubler les moyens de connectivité

Pour rappel, Luxconnect a été créé par l’État en 2006 afin de doter le pays d’une connectivité internationale digne de ce nom. En 2015, Luxconnect avait rempli sa mission en disposant d’une vingtaine de connexions en fibre optique vers l’étranger faisant du Grand-Duché un leader mondial en termes de bande passante internationale, autrement dit, un atout de choix pour un pays qui figure également parmi les mieux équipés en matière de centre de données Tiers IV (la meilleure norme en termes de sécurité au niveau des centres de données).

Ainsi, pour prendre la mesure de la situation, il suffit d’imaginer une banque de la place cliente d’un opérateur comme TLPO, et donc ayant des données dans les centres de données de l’opérateur en question, en plus d’utiliser ses infrastructures de connexion, pour imaginer le cataclysme économique dans le cas où cet opérateur tomberait en faillite, coupant ainsi, purement et simplement, le courant. Dans cette hypothèse, la banque en question se trouverait ainsi démunie, incapable de travailler, perdant des millions d’euros par heure et en faisant perdre autant à ses partenaires et clients. Heureusement, cette situation a pu être évitée, grâce aux dirigeants de TLPO, dont Jérôme Grandidier, le président de TLPO, qui a eu à cœur de sauver son entreprise, ses employés, la pérennité de ses clients et d’éviter un véritable tremblement de terre sur la place financière. Mais cet avertissement sans frais devrait alerter les autorités publiques sur le risque élevé qu’encourent des sociétés financières comme des banques qui ne prennent pas la mesure du danger. «Il faut comprendre le contexte. Quand l’État luxembourgeois a décidé de créer Luxconnect, c’était en partie à cause du refus de Google d’installer son centre de données européen au Luxembourg, car le pays ne disposait pas d’infrastructures réseaux redondantes et de plusieurs opérateurs de grande taille hormis celui de la Poste», souligne Jérôme Grandidier, cofondateur de TLPO.

Depuis, du chemin a été fait, mais il reste encore plusieurs problématiques importantes, comme l’explique Jérôme Grandidier : «L’informatique a pris de plus en plus de place dans les entreprises et dans le secteur sensible de la finance. Aujourd’hui, c’est plus grave d’être coupé d’internet que du téléphone. La majorité des entreprises ont leurs outils dans un cloud et cela ne va faire qu’augmenter. Donc, s’il n’y a plus internet, les sociétés s’arrêtent complètement de fonctionner.»

Deux priorités pour les banques

La solution à cette problématique semble toute trouvée, la redondance. Ce terme, que tout directeur informatique n’a de cesse d’avoir à la bouche, consiste à doubler les moyens de connectivité pour permettre d’avoir, en cas de panne sur un réseau, un second réseau informatique à disposition. Seulement voilà, la législation ou les règlementations n’imposent pas aux sociétés sensibles d’avoir deux opérateurs différents. Ainsi, beaucoup de sociétés financières, dont les banques de la place luxembourgeoise, disposent en effet d’installations redondées, mais au sein du même opérateur. «C’est déjà une bonne chose et ces entreprises disposent, via un opérateur, de tout ce qu’il faut en termes de redondance. Mais si un opérateur a une faille sur un de ses réseaux, il y a également un risque sur ses autres réseaux», souligne Luc Lutot. D’autant plus que, comme le souligne Jérôme Grandidier, «financièrement et techniquement, pour une banque, avoir deux opérateurs télécoms, ce n’est pas insurmontable, au contraire».

En conclusion, les banques de la place devraient avoir deux priorités : avoir deux opérateurs télécoms différents et des données cryptées. «Actuellement, très peu de banques cryptent leurs données. Il suffit d’une pince spéciale pour récupérer toutes les données des banques», souligne Jérôme Grandidier. Le Luxembourg, dont les politiques ne cessent de faire la promotion du niveau avancé en matière d’infrastructures et de règlementations dans le secteur des nouvelles technologies, montre ainsi que le pays doit encore faire du chemin pour minimiser un risque important pour l’économie du pays. Une problématique dont la CSSF semble avoir pris conscience avec ce cas.

Jeremy Zabatta

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