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Pour le Sénat, l’affaire Benalla montre des « dysfonctionnements majeurs »


Le faux témoignage sous serment devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq, voire sept ans d'emprisonnement. (archives AFP)

« Dysfonctionnements majeurs » au sommet de l’État : la Commission des lois du Sénat a frappé un grand coup mercredi en demandant des poursuites contre l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, mais aussi la saisine de la justice sur les déclarations des principaux collaborateurs du président.

« La sécurité du président de la République a été affectée », a affirmé le président de la commission d’enquête Philippe Bas, en présentant à la presse le rapport parfois accablant pour l’Élysée de la commission d’enquête après six mois de travaux, 40 personnes entendues au cours de 34 auditions.

Au centre de l’affaire la plus retentissante depuis le début du mandat de Macron, Alexandre Benalla et son acolyte Vincent Crase, ex-employé de la République en marche, ont dormi en prison mardi soir, après la révocation de leur contrôle judiciaire. Dans une lettre au président du Sénat Gérard Larcher, les membres de la commission présidée par Philippe Bas (LR) demandent de saisir le parquet « des déclarations » des deux intéressés. Ils soupçonnent un « faux témoignage » de Benalla sur le « périmètre de ses fonctions » à l’Élysée et « son rôle dans le dispositif de sécurité du chef de l’État », mais aussi sur l’utilisation de ses passeports diplomatiques.

Alexandre Benalla et Vincent Crase sont en outre soupçonnés d’avoir menti au sujet du contrat de sécurité privée pour le compte du Russie Iskander Makhmudov, alors que les révélations du site Mediapart, peut-on lire dans la lettre, laissent supposer « l’implication de M. Alexandre Benalla dans la négociation dudit contrat alors que ce dernier était encore en fonction à l’Élysée ». Dans l’enregistrement sonore publié par le site d’information, les deux hommes évoquent les répercussions de leurs ennuis judiciaires sur la société de Crase, engagée dans un contrat de sécurité avec le milliardaire russe. Contrat qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête récente du parquet national financier.

Le faux témoignage sous serment devant une commission d’enquête parlementaire est puni de cinq, voire sept ans d’emprisonnement, rappelle la Commission.

Tout aussi explosif pour Emmanuel Macron, les commissaires demandent au bureau du Sénat de saisir la justice pour vérifier « un certain nombre d’omissions, d’incohérences et de contradictions » relevées lors des auditions des plus hauts collaborateurs du chef de l’État. Sont nommés le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler et le chef de cabinet Patrick Strzoda, mais aussi le chef du groupe de sécurité de la présidence, le général Lionel Lavergne. La décision finale de saisir ou non la justice reviendra au Bureau du Sénat.

« Incompréhensible indulgence »

D’une manière générale, la Commission pointe une série de « dysfonctionnements majeurs au sein des services de l’État » qui ont pu « affecter » la sécurité du président et « les intérêts » du pays, évoquant des « pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté » et un « sérieux manque de précaution dans la prévention des conflits d’intérêts de certains collaborateurs », en référence au contrat russe.

Philippe Bas a notamment listé des « sanctions insuffisantes au départ, une justice tenue à l’écart, un permis de port d’arme irrégulier, un port d’une arme par Alexandre Benalla en présence du président de la République ». Mais aussi « non respect des règle de déontologie sur les conflits d’intérêt, maintien en possession de M. Benalla d’un téléphone crypté, de passeports diplomatiques ou de service qui n’ont pas été récupérés, absence d’instructions données à la Police aux frontières de ne pas permettre à M. Benalla de sortir au moyen de ses passeports diplomatiques ou de service ».

Selon le vice-président Jean-Pierre Sueur, Benalla avait « lui-même envisagé un ‘décret secret’ du président de la République pour l’autoriser à porter une arme ». « Et nous en fournissant la preuve ! », a-t-il martelé. La vice-présidente de la commission, Muriel Jourda, a achevé la charge : « Nous avons regretté l’incompréhensible indulgence de la hiérarchie d’Alexandre Benalla, qui a conservé dans l’équipe de l’Élysée un collaborateur qui avait gravement manqué à ses devoirs ». « Ce qui frappe en réalité ce n’est pas tant la sanction qui a été infligée en mai, mais bien la confiance qui a été maintenue à Alexandre Benalla jusqu’en juillet », a ajouté la sénatrice.

« Cela fait tout de même beaucoup, si bien que les faits constatés le 1er mai apparaissent maintenant comme la partie émergée d’un iceberg », a encore résumé Philippe Bas dans une allusion aux violences perpétrées en marge des cortèges de manifestants par Benalla ce jour-là. La commission plaide ainsi pour la fin des « collaborateurs officieux » au sein de la présidence de la République.

LQ/AFP

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