Accueil | A la Une | Moselle : dernières grappes, dernières pépites

Moselle : dernières grappes, dernières pépites


Les raisins ont été triés précisément. Ceux touchés par le botrytis (comme à Sauternes) ont été séparés des autres (Photo : DR).

Mardi, Jean-Marie et Lisa Vesque (domaine Cep d’or, à Hëttermillen), ont réalisé des vendanges tardives d’auxerrois à tomber par terre !

Qualité parfaite, quantités tellement élevées qu’elles frôlent les limites des rendements autorisés et, maintenant, des vendanges tardives avec des maturités jamais vues, même par les anciens. Les vignerons de la Moselle parleront longtemps de ce millésime qui a fait tomber toutes les barrières.

« Ma mère, qui est âgée de 83 ans, est venue nous aider pour vendanger cette parcelle d’auxerrois, sourit Jean-Marie Vesque. Elle est toujours aussi passionnée et elle n’en revenait pas de voir des raisins avec une telle maturité : même pour elle, c’est du jamais vu!» L’anecdote suffit à poser le cadre d’un automne idyllique sur la Moselle. Sous les rayons rasant d’un soleil toujours aussi généreux, le spectre des couleurs de la vigne, de l’or jaune à la brique, n’est jamais aussi large qu’en ce moment. Et lorsqu’il reste des grappes sous les ceps, ce sont chacune de véritables petits trésors.
Celles qu’a vendangées le domaine Cep d’or la semaine dernière viennent d’une parcelle d’auxerrois plantée à Remich qui, à l’origine, n’était pas destinée à être vendangée un 16 octobre. «Normalement, nous voulions faire du vin de base pour le crémant, mais dès le tout début du mois de septembre, les raisins affichaient entre 92 et 94 degrés Oechsle, trop pour du crémant! Alors nous avons décidé de prendre le risque de les garder encore un peu… plus d’un mois en fait!» Il faut dire que le sol argileux du secteur se prête parfaitement à cette expérience.

Une sélection grain par grain
L’intuition s’est révélée payante puisque l’automne délivre des journées parfaites. Les matins frais où la brume recouvre souvent la vallée jusqu’au sommet des coteaux est une bénédiction pour le développement du botrytis, ce champignon qui absorbe une grande partie de l’eau contenue dans les baies pour n’en laisser que le sucre. C’est exactement le même principe qui joue dans le sauternais, où la rivière Céron joue le même rôle que la Moselle ici.
Mardi, il a donc fallu toute une journée pour vendanger les 20 ares à huit paires de bras. «C’était long parce que nous avons effectué un tri très précis entre les baies touchées par le botrytis et celles qui ne l’étaient pas, explique Jean-Marie Vesque. Parfois, il a fallu diviser les grappes en plusieurs parties pour qu’elles intègrent le bon bac.» Les vendanges tardives classiques (sans botrytis) ont réuni des auxerrois à 120-122 degrés Oechsle, ce qui est déjà considérable. La sélection de grains nobles, elle, dépasse les… 180 degrés Oechsle.

« Trockenbeerenauslese » à la luxembourgeoise ?
Du jamais vu, donc, on le disait. À tel point qu’avant de faire quoi que ce soit à la cave, le vigneron a passé un coup de fil au contrôleur des vins de l’Institut viti-vinicole, Aender Mehlen, pour lui proposer de constater par lui-même l’état exceptionnel de ses raisins et ses qualités hors norme. De là est née une discussion intéressante : et pourquoi ne pas introduire dans la législation de l’Appellation d’origine contrôlée Moselle luxembourgeoise une distinction pour ces sélections de grains nobles, comme le fait déjà l’Allemagne avec le Trockenbeerenauslese? «Toutes les années ne s’y prêteront pas, mais cela permettrait de différencier les vendanges tardives classiques de ce type de sélection extraordinaire», soutient Jean-Marie Vesque.
Et si les vendanges ont débuté dans les tout premiers jours de septembre au domaine, elles ne sont pour autant pas encore tout à fait terminées. «Il nous reste quelques rangées de gewurztraminer que nous gardons encore un peu», glisse mystérieusement le vigneron. Pour du vin de glace, au cas où la température tomberait sous -7 °C cet hiver? «Nous n’en avons pas beaucoup», sourit-il. Ces ceps sont protégés de l’appétit des oiseaux et des morsures de la pluie par les filets. Advienne que pourra !

Erwan Nonet

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.