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Mutilations génitales féminines : « Il faut briser le tabou »


Les raisons de la perpétuation de cette pratique ancestrale sont multiples : tradition, cohésion sociale, contrôle de la sexualité des femmes, entre autres. (illustration AFP)

Les mutilations génitales féminines, plus communément regroupées sous le terme d’ «excision», sont un acte cruel, considéré comme une violation des droits de l’Homme, encore pratiqué dans 30 pays. Depuis plus de 50 ans, la Fondation Follereau vient en aide aux populations les plus vulnérables.

Les chiffres donnent le vertige : pas moins de 200 millions de femmes à travers le monde ont subi une mutilation génitale : clitoridectomie, excision, infibulation… Elles seraient 90 millions sur le territoire africain, mais ce type de violence à l’encontre des femmes se retrouve également dans plusieurs pays d’Asie et du Moyen-Orient (entre autres : l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, le Yémen) ainsi que dans certaines communautés indiennes d’Amérique du Sud.

Au total, une trentaine de pays pratiquent encore les mutilations génitales féminines, ou MGF, ces «interventions qui altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales», telles que les définit l’Organisation mondiale de la santé. Les raisons de la perpétuation de cette pratique ancestrale sont multiples : tradition, cohésion sociale, contrôle de la sexualité des femmes, beauté, prétendues vertus bénéfiques pour la santé, hygiène…

Les conséquences pourtant sont terribles pour la santé des filles et des femmes, comme l’explique Clémentine Gloire, gestionnaire de projets à la Fondation Follereau, dont un service est entièrement dédié à la lutte contre l’excision : «Les risques sont nombreux à court terme comme à long terme : infections directes (les opérations sont souvent effectuées dans des conditions sommaires, avec des lames de rasoir, des petits couteaux, non stérilisés évidemment), douleurs physiques pendant les rapports sexuels ou en urinant, incontinence, fistules, accouchements à risques (avec l’infibulation, le risque d’enfant mort-né est accru)…»

Domination masculine

Les conséquences psychologiques également peuvent être lourdes, d’autant que certaines femmes ne se souviennent pas avoir été victimes d’une mutilation. Et le tabou entourant ces pratiques ou plus généralement le sexe féminin est tel que les victimes peuvent parfois ignorer simplement leur problème ou n’osent pas aborder le sujet.

Expression des inégalités entre les hommes et les femmes et de la domination masculine ancrées dans des sociétés patriarcales, les MGF ne sont pas seulement une «affaire de femmes», contrairement à une idée (trop) largement répandue. «Les hommes ne sont pas toujours impliqués directement, mais contribuent à la pression sociale», insiste Clémentine Gloire. En refusant d’épouser une femme non excisée, en fermant les yeux sur cette pratique alors qu’ils ont le pouvoir de s’y opposer, les hommes participent à sa perpétuation.

Pour lutter contre les MGF, informer et sensibiliser, encore et toujours, est absolument indispensable. «La plupart des gouvernements en Afrique ont marqué leur volonté de lutter contre les MGF en promulguant des lois», souligne Clémentine Gloire. Le Burkina Faso réprime officiellement les MGF depuis 1996. Le Mali lui, n’a pas de loi, mais a mis en place un «Comité national de lutte contre la pratique de l’excision».

©GAMS Belgique

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Les enfants aussi

Mais le taux de prévalence reste élevé : 83% des femmes de 15 à 49 ans au Mali et 76% au Burkina ont subi des MGF. Surtout, une tendance à mutiler des enfants de plus en plus jeunes (moins de un an parfois) se dessine, alerte Clémentine Gloire.

«Le cadre légal est encourageant mais ne garantit pas l’adhésion de la population. Il faut donc surtout agir au niveau local. La Fondation Follereau, avec ses partenaires locaux qui servent de relais, s’attache à déconstruire les clichés via des causeries, des théâtres-forums, des séances d’informations plus formelles ou des conseils dispensés lors des consultations dans les centres de santé. Nous engageons aussi les discussions avec les chefs de village afin qu’ils se positionnent contre cette pratique, sans quoi les femmes vont craindre d’être exclues de la communauté.»

Des séances d’information spécialement destinées aux hommes sont également organisées, ainsi qu’auprès des enseignants. «Cette thématique reste encore difficile à aborder dans les classes», précise Clémentine Gloire. «Il faut briser le tabou.» En parallèle, la Fondation s’attache à réorienter les exciseuses vers d’autres activités génératrices de revenus et leur fournit des formations en fonction des besoins locaux : couture, tissage, maraichage…

Au Luxembourg, aucun cas n’a été officiellement recensé, mais la Fondation assure travailler sur l’identification d’un projet qui permettrait d’aller à la rencontre des populations immigrées susceptibles de pratiquer les MGF.

Tatiana Salvan

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