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Procès LuxLeaks : sur le parvis de la Cité judiciaire, entre soutien et écœurement


Antoine Deltour lors de son arrivée à la Cité judiciaire. (photo Hervé Montaigu)

Venues des quatre coins de l’Europe, mais aussi du Canada, près de 200 personnes ont fait le pied de grue, lundi après-midi, devant la Cour supérieure de justice pour soutenir les trois prévenus du procès LuxLeaks. Certains n’ont pas hésité à exprimer leur dégoût.

L’heure était au rassemblement, lundi, sur le parvis de la Cité judiciaire, à une heure et demie du début du procès. Membres du comité de soutien, députés européens, représentants d’associations et de syndicats de journalistes, ONG, sans parler des nombreux journalistes venus couvrir l’évènement : le plateau du Saint-Esprit était en effervescence, lundi après-midi, avant l’arrivée de ceux que tous les manifestants présents considèrent comme «les trois héros de notre temps», dixit l’eurodéputé grec de la gauche européenne, Stelios Kouloglou.

«Écœurés par la justice et le gouvernement»

Parmi les messages de soutien les plus revendicatifs, figure celui du secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ), Ricardo Gutierrez, qui a exprimé «un écœurement vis-à-vis de la justice luxembourgeoise qui s’acharne sur des gens qui n’ont fait que leur travail», de même qu’«un écœurement vis-à-vis du gouvernement luxembourgeois (…) Il est urgent que ce gouvernement cesse avec cette situation d’hypocrisie», s’est-il exclamé.

Car à l’instar d’autres manifestants – ils ont été 21 à prendre la parole sur le parvis de la Cité judiciaire – Ricardo Gutierrez a dénoncé l’immobilisme de l’exécutif et notamment du ministre de la Justice, Félix Braz, qui «laisse traîner dans un tiroir de son bureau un projet de loi destiné à protéger les lanceurs d’alerte, afin de ne pas interférer sur le procès, or c’est justement cela l’interférence», selon Magali Paulus, des comités Tax Justice Luxembourg et de solidarité avec les inculpés.

Cela étant, les manifestants se sont également insurgés de l’absence de cadre législatif européen. «La portée de ce procès, que nous condamnons socialement, va au-delà du droit luxembourgeois; il est question de liberté d’expression en Europe», a renchéri Cannelle Lavite de l’ONG Blueprint for Free Speech.

Cette dernière y est également allée d’une citation de Michel Foucault datant de quelques mois avant sa mort en 1984 : «La parrêsia est donc, en deux mots, le courage de la vérité chez celui qui parle et prend le risque de dire, en dépit de tout, toute la vérité qu’il pense, mais c’est aussi le courage de l’interlocuteur qui accepte de recevoir comme vraie la vérité blessante qu’il entend.» De son côté, le Canadien Alain Deneault, du collectif québécois Échec aux paradis fiscaux, a estimé que «parler des paradis fiscaux qui dissimulent est déjà une victoire».

Plus radical, le député déi Lénk David Wagner, a, quant à lui, déclaré qu’«on sort de la légalité civilisée», alors que Dominique Pradalié, de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), a porté un jugement sans équivoque aucune : «C’est pour les empêcher de nous informer qu’ils sont traînés devant les tribunaux.»

ALJ et SJL, au nom de la liberté de la presse

Les présidents de l’ALJ (Association luxembourgeoise des journalistes), Roger Infalt, et du SJL (Syndicat des journalistes), Luc Caregari, ont également témoigné leur solidarité envers le journaliste Édouard Perrin, mais également vis-à-vis des lanceurs d’alerte inculpés. «Il en va de la liberté d’expression tout court», a jugé Roger Infalt, après avoir indiqué se rallier entièrement aux propos tenus par Ricardo Gutierrez. Luc Caregari, lui, s’est dit «très consterné par l’acharnement de la justice», avant de souligner qu’Édouard Perrin n’avait «pas que fait son travail», mais qu’il l’avait également «bien fait».

Alors que tous ont condamné ce deuxième procès et appelé à la relaxe «des trois héros qui ont œuvré pour l’intérêt général», le porte-parole du comité de soutien à Antoine Deltour, François Thiery, a espéré «ne pas devoir revenir une 3e fois», face au spectre d’un procès en cassation, tandis qu’une frange limitée de manifestants criait à tue-tête : «Juncker en prison! Juncker en prison!»

Texte : Claude Damiani. Vidéo : Sylvain Amiotte. Photos : Hervé Montaigu.

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Romain Deltour : « Antoine doit être protégé par la jurisprudence »

Présent lundi à Luxembourg, Romain Deltour, le frère d’Antoine, était confiant quant à l’issue du procès : « Antoine a joué un rôle de lanceur d’alerte, et ce dès l’appropriation des documents, et donc il doit être protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme. »

Romain Deltour pointe une « incohérence » dans le jugement de première instance, qui reconnaît son frère et Raphaël Halet comme lanceurs d’alerte tout en les condamnant à de la prison : « Le caractère d’intérêt public de leur démarche n’aurait pas été suffisant pour les protéger. Ils n’auraient été lanceurs d’alerte qu’au moment de donner les documents au journaliste, et pas au moment de les copier. Or on sait que le processus de devenir un lanceur d’alerte ne se fait pas du jour au lendemain, et Antoine avait une vision critique de l’évasion fiscale dès la copie des documents. Il est clair et net qu’il l’a fait dans l’optique d’un lanceur d’alerte. »

Sy.A.

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