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Vincent Bolloré perd un nouveau procès de presse en France


Vincent Bolloré en juin 2014. Le milliardaire français avait attaqué un reportage retraçant son parcours. Les magistrats ont relaxé le journaliste qui l'avait réalisé. (Photo : AFP)

Le tribunal correctionnel de Nanterre a jugé mardi que le portrait-enquête de l’industriel Vincent Bolloré diffusé en 2016 dans l’émission de France 2 Complément d’enquête n’était pas diffamatoire. Il a en conséquence relaxé la chaîne et l’auteur du reportage qui épinglait également une filiale de la société luxembourgeoise Socfin.

 

Tristan Waleckx « n’est pas allé sur place au Cameroun pour enquêter », mais « pour braconner une histoire qui devait illustrer sa thèse préconçue », a estimé samedi l’avocat de Vincent Bolloré au sujet du portait de l’homme d’affaires réalisé en 2016 par le journaliste français. « La reconnaissance pénale du caractère diffamatoire des propos tenus sonnerait comme un désaveu d’une forme de journalisme qui allie propos tronqués et approximations superficielles », avait-il ajouté dans un entretien à l’AFP.

Tristan Waleckx avait été mis pareillement sur le gril le 4 avril par le défenseur de l’homme d’affaires breton qui avait dénoncé un travail journalistique « à charge » lors d’une audience devant le tribunal correctionnel de Nanterre. « Tout est vrai dans ce que j’ai dit », s’était défendu le journaliste d’investigation, qui avait travaillé six mois sur cette enquête.

Du papier de cigarettes à Canal+

Dans sa décision rendue hier, le tribunal lui donne raison, estimant que dans huit passages du reportage dont les propos étaient incriminés, aucun n’était « constitutif d’une infraction ». Et dans le neuvième, qui évoquait l’éventualité de « passe-droits » octroyés au groupe Bolloré dans un appel d’offres au Cameroun, si les propos pouvaient être en soi considérés comme diffamatoires, le tribunal a néanmoins souligné « l’absence d’animosité personnelle » de l’auteur du reportage et le « sérieux de son enquête ». « L’insinuation de passe-droits peut paraître excessive » mais n’a été utilisée qu’en « plein exercice de la liberté d’expression du journaliste », ont tranché les magistrats.

Dans le reportage diffusé en 2016 par France et qui a été récompensé par le prestigieux prix Albert-Londres, le journaliste retraçait le parcours de l’homme d’affaires, de la reprise de la fabrique familiale de papier à cigarettes OCB en Bretagne à la construction de son empire, en passant par la reprise en main de Canal+ et sa présence en Afrique.

Neuf passages de 72 minutes étaient mis en cause par l’entrepreneur, ainsi que par ses sociétés Bolloré SA et Bolloré Africa Logistics, également parties civiles. Etaient notamment visés les extraits consacrés aux activités de la Socapalm, une filiale camerounaise de la multinationale luxembourgeoise Socfin qui produit de l’huile de palme. Vincent Bolloré est actionnaire à hauteur de 38,7% de Socfin, dont l’actionnaire majoritaire est l’homme d’affaires belge Hubert Fabri (50%). Des sous-traitants de cette Socapalm, pour certains présentés comme des mineurs payés à la tâche, travaillant sans vêtements de protection et logeant dans des conditions insalubres, y témoignaient face caméra.

Bolloré réclame 50 millions d’euros

Le reportage, intitulé Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien?, évoquait également les conditions d’attribution d’une concession portuaire de la ville camerounaise de Kribi en 2015, le journaliste posant la question d’éventuels « passe-droits » ayant profité à Vincent Bolloré.

Tristan Waleckx s’est dit mardi « très soulagé » et « hyper heureux, même s’il y avait une chance sur mille pour qu’on puisse perdre ». Le tribunal a en outre condamné les parties civiles à verser chacune 3 500 euros à France 2 et au journaliste Tristan Waleckx au titre des frais de justice. « Ce que prouve aussi l’audience d’aujourd’hui, c’est que Vincent Bolloré attaque mais se fiche de gagner ». « Il perdra forcément en appel mais ce qui l’intéresse », c’est « d’embêter les journalistes, de leur faire perdre du temps et de leur faire peur » en intentant contre eux des procédures « chronophages », a-t-il estimé.

« La liberté d’informer a gagné!! Trop heureuse pour lui et pour nous tous!! », s’est pour sa part réjouie la présentatrice de France 2 Elise Lucet.

Le 12 juin, le tribunal correctionnel de Paris doit cependant trancher le volet économique de ce dossier: Vincent Bolloré réclame aux mêmes 50 millions d’euros d’indemnisation pour atteinte à ses intérêts commerciaux. Une troisième procédure est en cours au Cameroun, la Socapalm ayant attaqué elle aussi en diffamation Tristan Waleckx et France Télévisions.

L’avocat de Vincent Bolloré et de ses sociétés Bolloré SA et Bolloré Africa Logistics, tous trois parties civiles, n’était pour sa part pas joignable dans l’immédiat.

« Procédures-baillons »

Le 29 mars dernier, Socfin et Socapalm avaient déjà été déboutés par le tribunal correctionnel de Paris dans un procès en diffamation intentée par Socfin et Socapalm contre deux ONG et trois médias français. Ils étaient poursuivis pour avoir fait état en avril 2015 d’« accaparements » de terres appartenant aux riverains des plantations de palmiers à huile et d’hévéas contrôlées par Socfin. Les juges avaient alors estimé que même si les propos litigieux étaient diffamatoires, les prévenus pouvaient être relaxés au titre de la bonne foi, compte tenu notamment « de l’existence démontrée de revendications portées par certains riverains des plantations » de la Socfin et de la Socapalm. Les deux sociétés ont fait appel de ce jugement.

La vingtaine de médias et ONG actuellement poursuivis par Vincent dénoncent des « procédures-baillons » destinées à les intimider pour les faire taire.

Le Quotidien

 

 

 

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