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Yves Wagner (ACL) : « La prévention plutôt que la répression »


Le président de l'ACL souhaite mettre l'accent sur l'accidentologie afin de comprendre les causes des accidents sur les routes du pays. (photo Alain Rischard)

Radars fixes, sécurité routière, contrôle technique ou encore mobilité : Yves Wagner, président de l’Automobile Club du Luxembourg, plus grande association luxembourgeoise, aborde les grands thèmes qui font l’actualité automobile du pays.

Le Quotidien : Combien de membres l’Automobile Club du Luxembourg (ACL) compte-t-il actuellement?

Yves Wagner : Nous comptons près de 174 000 membres, ce qui n’est pas négligeable, d’autant plus que ce nombre est en croissance, alors que le pays est assez petit. Cela fait de l’ACL la plus grande association du Luxembourg.

Il y a quelques années, l’ACL avait affirmé vouloir mettre l’accent sur les résidents étrangers qui, contrairement aux Luxembourgeois, n’ont pas ce réflexe naturel de s’affilier à l’ACL…

Nous ne faisons pas de différence entre les nationalités. Par contre, il est vrai que nous avons fait des efforts sur notre communication. Traditionnellement, nous communiquons en français et en allemand, mais cela a changé dans la mesure où nous communiquons aujourd’hui davantage en portugais et en anglais afin de toucher un plus large public.

Cette année a été plutôt chargée pour l’ACL, entre l’arrivée des radars fixes, le scandale Volkswagen, la campagne-choc de la Sécurité routière, la réforme du contrôle technique…

L’ACL a toujours des années chargées. Dans l’ensemble, cette année s’est bien passée. Nous sommes à la fois contents et reconnaissants vis-à-vis des différentes instances, qu’elles soient publiques ou politiques, de nous avoir englobés dans les différentes discussions ayant trait aux sujets que vous venez de mentionner. Nous avons donc pu participer activement à toutes les réunions importantes et donner notre point de vue.

Donc, quand j’affirme que l’année s’est bien passée, j’entends par là que je suis content que l’on nous ait écoutés. Certains diront que c’est la moindre des choses pour une association de la taille de l’ACL, mais cela n’a pas toujours été le cas dans le passé. On peut même dire que nous sommes considérés par les instances du pays comme un interlocuteur privilégié.

Est-ce que l’on peut dire que vous avez le même « pouvoir » que votre homologue allemand, l’ADAC (Allgemeiner Deutscher Automobil-Club)?

Je ne pense pas que l’on puisse raisonner en termes de pouvoir ou de puissance. L’ADAC c’est en Allemagne, l’ACL au Luxembourg. Ce sont deux pays différents, avec des structures différentes, des processus de décision différents, avec des gens différents et des mentalités différentes. Tout ça pour dire que l’on ne peut pas les comparer. Et comme vous parlez de pouvoir, je pense que le nôtre est tout aussi important que celui de l’ADAC, mis à part que notre manière d’aborder les sujets et de discuter est différente.

Passons au sujet des radars. Vous êtes-vous habitué au régime répressif mis en place?

De manière générale, nous ne sommes pas en faveur d’un tel régime répressif, surtout quand celui-ci est utilisé de façon exclusive. Nous pensons qu’il y a beaucoup de choses à faire en matière de prévention afin que la répression ne soit pas nécessaire. Ça, c’est le cadre général, mais nous comprenons que dans une certaine mesure et dans un certain nombre de cas, on ne puisse pas éviter ce type de mesure.

Par contre, nous avons toujours affirmé que la répression ne réglerait pas le problème de la sécurité routière. Ainsi, dans toutes nos réunions, que ce soit avec la Sécurité routière, l’Association nationale des victimes de la route (AVR), ou avec les ministères, nous avons toujours dit vouloir un plan global dans lequel la répression peut être un outil, mais un outil parmi d’autres. Nous préférons privilégier la prévention.

Que faut-il faire, selon vous, sur le thème de la prévention?

Il y a énormément à faire, mais le premier élément – d’ailleurs cette année nous avons fait le forcing sur ce sujet – c’est de se doter d’études d’accidentologie.

C’est-à-dire?

Il est un peu trop facile, et parfois populiste, de dire que la vitesse est responsable de tout, même s’il est vrai que la vitesse n’arrange pas les choses en cas d’accident. Mais il peut y avoir d’autres causes, et il est important d’analyser dans le détail ces autres causes. Au Luxembourg, cela n’existe pas, et cela n’a jamais existé. Nous n’avons pas de statistiques précises sur les causes.

Cette année, nous avons donc travaillé dans ce sens, avec les différents ministères, la police et l’université. Nous avons réussi à avoir leur soutien afin de contribuer à la création d’un groupe d’experts en accidentologie. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais c’est nouveau dans les faits. Nous croyons aujourd’hui, plus que jamais, à la réussite de cette idée.

Vous voulez donc un outil permettant d’analyser les causes d’accident sur les routes du pays?

Oui. Le but est de comprendre les accidents. À partir de cette compréhension, on pourra identifier les zones dangereuses, améliorer les infrastructures et la signalisation. Comprendre en profondeur les origines des accidents, cela permettra aussi de faire de la prévention. Mettre un radar là où il y a eu un accident tragique, c’est une action politique de façade. L’ACL n’est pas intéressé par cette approche politicienne. Nous préférons comprendre ce qui s’est vraiment passé lors d’un accident afin de prendre des mesures en adéquation avec les causes. Il nous faut donc une réelle analyse.

Après, un politicien vous dira que s’il y a un radar, les gens rouleront moins vite et cela évitera les accidents. On ne le conteste pas, mais ce n’est pas une solution. Et puis, on ne peut pas mettre des radars partout, ou alors, mais c’est ironique, allons jusqu’à brider la vitesse des voitures! Non, plus sérieusement, l’ACL pense qu’il y a d’autres choses à faire.

Actuellement, il y a 20 radars fixes au Luxembourg. Sont-ils situés pour éviter des accidents ou pour gagner de l’argent?

Honnêtement, il y a un peu les deux. Je parlais de notre bonne collaboration avec les différentes instances politiques, et je dois dire que l’ACL a participé à toutes les réunions pour définir des emplacements pour les radars. Lors de ces réunions, nous avons essayé d’établir une cartographie des endroits accidentogènes. Le seul problème c’est qu’entre le moment où l’on a réalisé cette carte et le moment de choisir les emplacements, les endroits dangereux ont pu changer.

De plus, on a observé que les radars n’étaient pas tout à fait aux endroits indiqués. On nous a alors expliqué que c’était pour des raisons techniques. Il est donc évident qu’il y a certains emplacements qui ne sont pas des plus adéquats.

Par exemple, quel est le radar le moins bien placé?

Le radar fixe situé à Hollerich. Il est même, je pense, plus dangereux qu’autre chose. On voit souvent des automobilistes qui freinent tardivement pour ne pas se faire flasher ou alors au contraire abaissent leur vitesse bien avant le premier panneau limitant la vitesse à 90 km/h, ce qui est tout aussi dangereux sur une autoroute.

Vous êtes-vous déjà fait flasher par un radar fixe?

Non, je touche du bois pour le moment.

Venons-en à la dernière campagne choc de la Sécurité routière. Vous l’avez trouvée choquante?

Les campagnes de la Sécurité routière existent depuis longtemps. J’ai l’impression que les gens s’habituent à ce genre de panneaux quand ils ne sont pas choquants. S’ils se révèlent efficaces, cela ne me dérange pas de faire des panneaux choquants, car les accidents sont choquants et si on veut sensibiliser les gens, il faut leur montrer cette réalité choquante. Donc, personnellement, cela ne me dérange pas.

Les contrôles techniques peuvent maintenant être faits par les garagistes. Cela va dans le sens de l’ACL. Est-ce une satisfaction?

On est « juste » content pour le moment, mais ce n’est que le début. La loi est récente, et il faut voir comment les choses vont évoluer. Aujourd’hui, il y a encore une très forte majorité des gens qui passent par la SNCT pour effectuer leur contrôle technique. Alors, oui, il faut dire que les choses se sont améliorées à la SNCT. Et si un automobiliste fait les choses dans les règles de l’art, avec un rendez-vous, etc., tout se déroule bien même en termes d’attente.

Par contre, dès que vous avez un contretemps, et que vous changez de rendez-vous, tout se complique. Les gens se retrouvent avec un autre rendez-vous et souvent à une date postérieure à la date limite. Donc, oui, c’est une satisfaction, mais il y a encore des choses à améliorer.

L’occasion de rappeler que l’ACL effectue aussi le contrôle technique…

Oui, pour les voitures historiques. On n’en parle pas assez, mais c’est vraiment un rendez-vous agréable et convivial. Souvent, on voit venir des clubs de passionnés d’une marque ou d’un modèle de voiture, on échange beaucoup. C’est un peu plus cher qu’un contrôle technique normal, mais c’est une atmosphère et une ambiance complètement différentes.

Dans les prochaines années, quels sont les objectifs de l’ACL?

L’ACL est une entreprise, même si c’est une ASBL. Nous avons une stratégie globale en fonction d’un budget déterminé à intervalles réguliers. Cela nous a permis d’investir récemment dans un centre d’appel plus moderne afin de répondre aux attentes de nos membres, mais aussi pour améliorer nos services notamment en ce qui concerne l’assistance à domicile. On ne réfléchit pas en termes d’objectifs, mais plutôt en termes de stratégie. À l’ACL, cette stratégie est axée sur la mobilité.

La mobilité, un terme assez large…

Justement. C’est important de le dire, car je pense que c’est un peu mal compris. À l’ACL, c’est l’individu qui est membre et pas la voiture. Le but de l’ACL est de travailler en faveur de la mobilité de l’individu et non de la voiture. Le meilleur exemple est le suivant : si votre porte de garage est en panne et que votre voiture est bloquée à l’intérieur, l’ACL peut intervenir et vous venir en aide. La mobilité de l’individu dépasse donc le simple fait d’avoir une voiture. Nous travaillons sur des services de géolocalisation, d’assistance à domicile, de centre d’appel multilingue, le tout dans une seule optique : améliorer la mobilité de l’individu.

Le projet Yellow Cab (NDLR : service de taxis à prix réduit créé en 2012 par l’ACL au profit de ses membres), qui a aussi trait à la mobilité, est aujourd’hui définitivement au placard?

Oui. Ce n’est pas notre métier et nous n’allons pas faire le métier des autres.

Pour conclure, pourquoi devenir membre de l’ACL quand on voit qu’avec une carte Visa ou une assurance, on bénéficie d’une assistance en cas de panne?

C’est vrai que les gens sont concentrés sur l’aspect dépannage et qu’il y a énormément de services offrant le dépannage. Que ce soit quand vous achetez votre voiture, une assurance ou même une carte de crédit, des services de dépannage sont compris, ce qui fait qu’au final les gens sont surassurés. C’est donc difficile de les convaincre de venir à l’ACL, car c’est vrai, ils sont surassurés. Mais malheureusement, la seule façon de constater la qualité d’un service de dépannage, c’est de tomber en panne.

Vous pouvez me croire ou non, mais quand vous avez un accident et que vous nécessitez un dépannage, avec l’ACL, le dialogue par téléphone sera fait dans votre langue, le dépannage sera fait rapidement, dans la bonne humeur et sans discussion sur les prix ou les modalités. Alors que via un assureur, le service de la carte de crédit ou autre, vous avez une forte chance de tomber sur une personne qui ne parle pas votre langue, avec qui il faudra discuter des modalités et des prix en fonction de la position où vous êtes en Europe, etc. Bref, ce sera plus compliqué qu’avec l’ACL.

C’est aussi simple que ça. Mais comme je vous l’ai dit, la seule façon de s’en rendre compte, et donc de convaincre les gens, c’est qu’ils tombent en panne et constatent par eux-mêmes.

Jeremy Zabatta

2 plusieurs commentaires

  1. Je suis parfaitement d’accord avec ACL et je truve que les radar sont juste pour gagner d’argent. Je trouve qu’une convention recue pour avoir roulé à 51 km/h dans une zone de 50 km/h, n’est qu’une repression et qu’on puisse pas parler de la prevention !
    A cette difference infime, je trouve que l’on devienne de « contribuables » au Budget de l’Etat et ça ne m’etonne pas du tout de voir combine de gens ont commence à rouler à 30 – 40 km/h dans les zone de 50 km/h ou meme 70 km/h. Même moi, après ce depassement de <5 km/h, invisible sur le board de la voiture, je vais m'assurer de ne plus depasser les 40 km/h. Et je n'appelle pas cela de la conduit preventive.

    Dommage !

  2. Je ne suis pas d’accord avec le president de l’ACL. Défendre les automobilistes et critiquer en permanence les controles n’est pas une bonne réponse au nombre
    croissant d’accidents journaliers au Luxembourg et qui relèvent TOUS d’un excès de vitesse. Je pense qu’au contraire, les sanctions ne sont pas bien appliquées
    pour des raisons politiques , peur de perdre des votants . Comment expliquer le comportement des conducteurs de ce pays .
    Ce n’est pas de röle de l’automobil Club de monter les membres contre les règles de sécurité !
    RLH membre de l’ACL .

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