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LuxLeaks, ou un trait sur le passé


Décevant. La sensibilité politique déi Lénk, qui avait préparé 36 questions sur l’affaire LuxLeaks, a bien déchanté, hier matin.

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« C’est fou la manière dont la Chambre des députés est traitée », s’est insurgé hier Justin Turpel. (Photo : Isabella Finzi)

Non, SwissLeaks ne s’est pas invité à la commission des Finances et du Budget (Cofibu) hier matin. Personne ne l’a réclamé alors que le ministre de tutelle, Pierre Gramegna, était présent pour répondre aux 36 questions posées par la sensibilité politique déi Lénk concernant une autre fuite, l’affaire LuxLeaks et ses centaines de tax rulings, appelés aussi rescrits fiscaux ou encore décisions anticipées.

D’ailleurs, Laurent Mosar, député CSV, préfère de loin parler de « décisions anticipées », sans doute parce que le terme de « ruling » est trop associé à l’idée de « fraude fiscale » dans l’inconscient collectif. Le député CSV évoque une « coloration très négative » du terme « ruling ». Soit. Peu importe le nom qu’on lui donne, il s’agit d’une politique très avantageuse du fisc luxembourgeois qui lui permet d’attirer les multinationales sur son territoire.

> Mille milliards d’euros s’échappent tous les ans

La Gauche avait préparé un long questionnaire à l’intention du ministre qui avait le temps de préparer ses réponses avant d’arriver au grand oral d’hier matin. Mais la Gauche est repartie plus que déçue de l’entrevue. Justin Turpel, membre observateur à la Cofibu, reconnaît que le ministre a répondu à toutes les questions, mais il n’a rien dit de « concret ».

Concernant l’inventaire des rulings, le ministre a bien reconnu qu’il existait, mais pour les décisions anticipées datant d’après 2008. « Le ministre ne veut pas se lancer dans la tâche de dresser un inventaire avant cette date, cela représente trop de travail », explique Justin Turpel. S’il a bien senti une forme d’agacement dans les rangs des socialistes et des verts qui eux aussi auraient souhaité des réponses claires à des questions qui l’étaient tout autant, Justin Turpel a également observé «une certaine volonté de poser un couvercle sur toute cette affaire» qui émanait du CSV et du DP.

Pierre Gramegna ne livrera pas de montants. « Il n’a pas voulu se dérober, mais c’est difficile de dire quels sont les montants en jeu et livrer les détails de ces rulings », défend pour sa part Laurent Mosar. Toute la partie relative à l' »envergure financière » des rulings sera survolée selon Justin Turpel qui trouve « scandaleux » que mille milliards d’euros échappent chaque année aux États membres de l’UE. « Ces États devraient coopérer, mais il paraît que certains pays veulent conserver l’optimisation fiscale », regrette le député déi Lénk.

> Le CSV se justifie

Oui, en effet, c’est ce que le ministre Pierre Gramegna a déclaré hier matin et ce que confirme d’ailleurs Laurent Mosar : « Je pousse toujours mon groupe politique à aller vers une harmonisation de l’assiette fiscale, puisque le commissaire Pierre Moscovici veut aller dans cette direction. Au niveau de l’échange des rulings, de plus en plus de gouvernements ne veulent pas d’échange automatique, mais une publication des différentes multinationales. Cette discussion au niveau des échanges va encore durer des années. Le gouvernement luxembourgeois est en faveur d’un tel échange et moi aussi, sous certaines conditions. »

Mais le député CSV se demande si un consensus sera trouvé au niveau de l’UE, « car certains pays auront plus d’intérêt que le Luxembourg à bloquer ces échanges. Les grandes entreprises allemandes se plaignent déjà auprès de leur gouvernement, car elles estiment que le principe est contraire à la protection des données », déclare Laurent Mosar, qui en profite pour souligner que la réunion d’hier matin lui a paru « très positive ».

« Le Luxembourg collabore à l’enquête en cours à Bruxelles, mais il ne veut pas « nourrir » ceux qui critiquent le Luxembourg et le CSV est d’accord pour mettre le couvercle sur le pot ! », critique encore Justin Turpel.

Question numéro 27 : 3Quelle était l’idée derrière l’annonce faite suite à la publication d’un certain nombre de documents par la chaîne de télévision France 2, d’instaurer au sein du gouvernement un groupe de travail concernant le « tax-ruling » ? ». Réponse : le groupe de travail n’existe pas. Réaction de Justin Turpel : « C’est fou la manière dont la Chambre des députés est traitée. Tout le monde attend sur la commission spéciale du Parlement européen et l’enquête de la Commission européenne et tout le monde espère que la tempête va passer », peste Justin Turpel.

En attendant, il s’amuse à observer la position très inconfortable des socialistes et des verts qui s’oppose à celle du DP et du CSV.

« Toutes ces problématiques sont d’une complexité extrême, même moi qui suis avocat d’affaires, j’ai des problèmes pour m’y retrouver », reconnaît Laurent Mosar qui comprend parfaitement Pierre Gramegna dans son incapacité à répondre à toutes les questions dans le détail.

> Le scandale étouffé ?

Ce qui intéresse plus particulièrement le député CSV, c’est la réorganisation des services de l’administration des Contributions. Donc, l’avenir. Du passé, tirons un trait ?

« Les administrations fiscales pourraient mettre un terme à ces pratiques d’un trait de crayon. Obama n’aura pas la majorité au Congrès pour cette initiative, il aimerait bien que les multinationales paient plus d’impôt aux États- Unis. Il faudrait donc modifier les conventions bilatérales. Il s’agit d’une guerre économique, tout le monde veut que ces multinationales soient dans une confortable position et si elles paient trop d’impôt, elles ne sont plus concurrentielles », dit-il.

Justin Turpel, lui, soupçonne justement tous ces avocats d’affaires de vouloir étouffer le scandale de l’évasion fiscale, « parce qu’ils ont eux-mêmes des clients qu’ils veulent protéger ».

De notre journaliste Geneviève Montaigu

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