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L’agent secret mystère du procès LuxLeaks


Une vue de la salle d'audience lors de l'ouverture du procès LuxLeaks en première instance, le 26 avril dernier. (photo archives Jean-Claude Ernst)

Dans un billet publié lundi sur son blog, l’ancien député dei Lénk Justin Turpel s’insurge de la surveillance du procès LuxLeaks par un agent du Service de renseignement de l’État (SREL). Les autorités démentent.

Avec son éternelle chemise à carreaux, ses lunettes noires et sa posture droit comme un «i», le présumé agent du SREL qui suit les affaire judiciaires à connotation politique est connu comme le loup blanc par les journalistes, particulièrement par les chroniqueurs judiciaires qui en ont fait un sujet de plaisanterie. Que ce soit le procès Bommeleeër ou l’actuel procès en appel de l’affaire LuxLeaks, il est invariablement assis sur les bancs réservés au public. Concentré à l’extrême, il ne semble pas rater une miette de ce qui se dit dans le prétoire.

Cette omniprésence a le don d’agacer Justin Turpel. L’ancien député déi Lénk et membre du comité de soutien aux inculpés du procès LuxLeaks s’en est largement ému hier sur son blog par la publication d’un billet intitulé Procès LuxLeaks sous haute surveillance du SREL. Militant de gauche de toujours, il rappelle qu’il a été lui-même objet de la surveillance du SRE (ancien nom du SREL) «la majeure partie de [sa] vie» et s’interroge sur les raisons de la présence remarquée de cet agent au procès LuxLeaks, aussi bien en première instance qu’en appel. Présence ne se limitant pas au seul procès, mais aussi aux manifestants entourant LuxLeaks, comme l’avait révélé le 26 avril Le Quotidien, au lendemain d’une soirée de soutien aux lanceurs d’alerte et au journaliste poursuivis dans l’affaire LuxLeaks. Interpellé par nos soins au moment de quitter le Casino syndical où se tenait la soirée, il avait alors nié être en mission officielle.

Le ministère d’État dément

C’est aussi ce que disent les services du Premier ministre qui a le SREL sous sa tutelle et que nous avons joints lundi. Après s’être informé auprès de la direction du Service de renseignement, un collaborateur de Xavier Bettel nous indique que le «SREL n’a pas eu de membres qui ont suivi le procès ou une réunion du comité de soutien» aux lanceurs d’alerte et au journaliste qui ont révélé le scandale LuxLeaks.

Quant aux députés qui sont membres de la commission de Contrôle parlementaire du SREL, ils n’ont pas souhaité commenter les informations diffusées par Justin Turpel. «Nous avons une obligation de secret qui ne nous permet pas de commenter quoi que ce soit», certifie l’élu CSV Claude Wiseler, rappelant que la commission dont il est le président «contrôle a posteriori la légalité de ce que fait le service». Autre membre de la commission de Contrôle, le socialiste Alex Bodry va dans le même sens.

À se demander dès lors si l’agent du SREL, ou du moins présumé comme tel, agit de son propre chef ? «Devons-nous supposer que cette observation se fait sans l’autorisation légalement prescrite», s’interroge Justin Turpel sur son blog. L’ancien député répond à sa manière à la question : «Au cas où un agent aurait observé et suivi individuellement, en électron libre, les audiences du procès et les manifestations du comité de solidarité, on se verrait renvoyé au temps où chaque agent du SREL faisait un peu ce qui lui semblait utile.»

Le «temps» dont parle Justin Turpel est celui d’avant la réforme du service qui est entré en vigueur en octobre dernier. Un «temps» où le service avait échappé au contrôle de l’exécutif et où chaque agent agissait à sa guise, l’ancien directeur Marco Mille étant même allé jusqu’à enregistrer secrètement Jean-Claude Juncker, son ministre de tutelle. Un «temps» aussi où des milliers de citoyens étaient fichés et surveillés pour leurs opinions politiques. Des dérives qui ont grandement contribué à faire tomber le gouvernement de Jean-Claude Juncker en 2013 et auxquelles la nouvelle coalition a voulu mettre un terme, interdisant dorénavant «toute surveillance politique interne».

«Lanceur d’alerte au sein du SREL»

Restent les motivations d’une telle surveillance si elle est effectivement avérée. «Quelles sont les personnes physiques ou morales visées de façon ciblée par cette observation», demande Justin Turpel sur son blog. «S’agit-il des juges ou bien des avocats ? Ou s’agit-il des journalistes, de militant-e-s, ou s’agit-il plutôt d’observer quelles sont les relations entre les militant-e-s venu-e-s de différents horizons entre eux ou avec les journalistes, pour voir qui parle avec qui ?»

Autant de questions qui n’ont pas lieu d’être aux yeux des autorités puisque officiellement cette surveillance n’existe pas. Ironisant sur la présence de l’agent présumé du Service de renseignement de l’État, Justin Turpel avance qu’il se trouve peut-être là «pour se renseigner comment devenir lanceur d’alerte au sein du SREL…»

Fabien Grasser

Un commentaire

  1. et si ce mec allait tout simplement au procès car il a le droit comme tout un chacun d aller assister a un proces

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