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Procès LuxLeaks : quand PwC fustige le « pilleur de know-how » et le « détective opportuniste »


Hervé Hansen et Michel Nickels, avocats de PwC Luxembourg, à leur arrivée à la Cour d'appel de Luxembourg, ce mercredi. (photo JC Ernst)

Pas de pitié pour les traîtres chez PwC, partie civile dans ce procès en appel. Mercredi, l’avocat du cabinet, Me Hervé Hansen, n’a surtout pas daigné reconnaître, ni de près ni de loin, ni le statut ni la motivation de lanceur d’alerte à ses ex-employés, Antoine Deltour et à Raphaël Halet. Quitte à réécrire l’histoire en s’inventant psychologue, en toute « bonne foi » évidemment…

Autant le parquet de Luxembourg daigne cette fois considérer Antoine Deltour et Raphaël Halet comme de potentiels lanceurs d’alerte, autant PwC en reste au stade des voleurs de poules. « Ni l’un ni l’autre n’avait l’animus d’un lanceur d’alerte », a plaidé Me Hansen sans ciller, se plaçant dans la tête des deux ex-employés de PwC. Selon lui, les deux prévenus ont tout bonnement « inventé » cette qualité, « uniquement à partir du moment où ils ont été poursuivis en justice », afin – entre autres vices – de « se ménager un climat favorable au sein des médias ».

Concernant Raphaël Halet, Me Hervé Hansen a soutenu comme en première instance que sa motivation, en contactant le journaliste Edouard Perrin, n’était autre que de débusquer la première taupe (Antoine Deltour) suite à la diffusion de l’émission Cash Investigation. L’avocat de PwC se base ainsi sur les premières déclarations faites par Raphaël Halet au juge d’instruction. Une version sur laquelle était revenu l’ex-employé de PwC lors du premier procès, en expliquant l’avoir inventée sous la pression d’un accord de confidentialité à 10 millions d’euros passé avec le cabinet d’audit en rogne.

« Métamorphose stupéfiante »

Cette « épée de Damoclès » serait une contre-vérité selon Me Hansen. « Raphaël Halet a simplement retourné sa veste quant à la motivation de ses actes. Son seul but était de rechercher l’auteur de la première fuite. Il a voulu jouer au détective de sa propre initiative, pour être bien vu. »

Lire aussi : Procès LuxLeaks : « Vous devrez acquitter Antoine Deltour »

 

Son intérêt pour l’injustice fiscale lorsqu’il a contacté Perrin ? Un « prétexte » pour amadouer le journaliste. Les mots sont durs : « Il n’est rien d’autre qu’un opportuniste. Sa métamorphose en lanceur d’alerte est stupéfiante. » D’autant que, selon Me Hansen, les 14 déclarations fiscales dérobées et divulguées étaient « insignifiantes » et « d’aucun intérêt public ». Voilà pour toi.

Antoine Deltour, un « pilleur » qui fait du « sensationnalisme »

Même sévérité de l’avocat à l’égard d’Antoine Deltour. Au moment où il est tombé par hasard sur les tax rulings sur le serveur du cabinet, celui-ci aurait d’abord commis le crime de vouloir « capitaliser » (un gros mot selon Me Hansen) des documents de formation, ce qui revenait en fait à « piller » des « modèles » précieux du « know-how » de PwC. L’auditeur, dont la démission entrait en vigueur le lendemain, aurait ainsi cherché à « pomper le maximum » pour « son seul intérêt privé, et non pour l’intérêt général ».

Quant à la copie des rulings : « Antoine Deltour n’est devenu ambassadeur de la transparence qu’au moment où il ne pouvait plus se cacher », a asséné l’avocat de PwC Luxembourg, refusant au prévenu le bénéfice de la bonne foi. Un comble pour un cabinet pas vraiment réputé… pour sa « bonne foi ».

« Il faut se sentir lanceur d’alerte au moment des faits pour pouvoir se prévaloir de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme », a a achevé l’avocat.

Répétant une nouvelle fois que les faits révélés n’étaient « pas illégaux », et que « le secret professionnel ne peut être violé impunément », Me Hansen a conclu par un feu d’artifice : « Antoine Deltour a pris tous les documents, au lieu de les caviarder ou de se limiter à quelques-uns. C’est un acte de sensationnalisme ! » Eh oui, sans doute encore pour faire plaisir à ces idiots de médias qui ont propagé l’insignifiante affaire LuxLeaks.

Un « pilleur » et un « opportuniste », voilà donc ce que seraient les deux ex-employés de PwC. Le Parlement européen, qui a décerné le Prix du citoyen européen 2015 à Antoine Deltour, ferait donc totalement fausse route. Qu’on se le dise.

Indignes de vertu

Réclamant un euro symbolique, PwC n’a a priori rien à gagner dans ce procès. Sauf à préserver sa réputation et à dissuader les moutons noirs. En tentant de discréditer ses deux ex-employés comme de vilains petits canards, indignes de toute once de vertu, aux yeux de ses clients et de ses actuels salariés. « Cela n’arrivera plus, car la raison pour laquelle cela est arrivé n’existe pas », faut-il comprendre en creux dans le discours de Me Hansen.

La méthode Coué d’une mauvaise foi cette fois tenace et manifeste. Deux ans après les révélations LuxLeaks, malgré toutes les mesures politiques et le consensus international, les Big Four semblent à des années-lumière d’un quelconque examen de conscience. Même en affichage. Faut-il s’en étonner ?

Sylvain Amiotte

« PwC aurait dû admettre ne pas avoir de préjudice »

Comme en première instance, PwC Luxembourg, partie civile, n’a réclamé qu’un euro symbolique, se refusant à chiffrer un quelconque préjudice, que le cabinet avait pourtant évalué dans un premier temps à 10 000 euros. »Mais il ne faut pas pour autant donner l’impression que l’entreprise n’a pas subi de préjudice », a tenté de nuancer l’avocat de PwC, Me Hansen.

Les commentaires des deux avocats d’Antoine Deltour ont été cinglants : « PwC ne veut pas calculer son préjudice ? C’est sûr, c’est difficile pour un comptable de calculer un préjudice. Pourtant, ce sont les mêmes qui élaborent des tax rulings d’une extrême complexité. PwC aurait dû admettre ne pas avoir de préjudice », a taclé Me Philippe Penning.

Et de rappeler que l’entreprise avait « embauché 200 personnes depuis l’affaire LuxLeaks », que son chiffre d’affaires était en constante progression (+11% en 2015 au Luxembourg, +7% à l’échelle mondiale), et que la réclamation de ce seul euro symbolique est à comparer aux 240 milliards d’euros perdus chaque année par les Etats dans les pratiques agressives d’optimisation fiscale.

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