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Verdict LuxLeaks – Antoine Deltour : « Aucun citoyen ne peut s’en satisfaire »


Marqué par le verdict, Antoine Deltour a décidé de faire appel. (photo Hervé Montaigu)

« Le tribunal de Luxembourg nous incite à fermer les yeux sur les pratiques douteuses des multinationales », déplore le lanceur d’alerte Antoine Deltour, après sa condamnation, mercredi, à 12 mois de prison avec sursis pour avoir contribué à révéler l’affaire LuxLeaks.

Antoine Deltour : «Condamner des citoyens à l’origine de l’affaire LuxLeaks, cela revient à condamner les avancées réglementaires largement saluées à travers l’Europe que ces révélations ont impulsées. C’est aussi une mise en garde adressée aux futurs lanceurs d’alerte au détriment de l’information qui est pourtant cruciale au fonctionnement des démocraties.

Ce que nous dit aujourd’hui le tribunal de Luxembourg : « Si vous voyez passer des milliards qui contournent de manière douteuse les règles fiscales, on vous invite à fermer les yeux. » Je pense qu’aucun citoyen ne peut s’en satisfaire. Donc je vais faire appel.»

Raphaël Halet.

Raphaël Halet.

Raphaël Halet : «Cela a été reconnu et écrit noir sur blanc qu’Antoine Deltour et moi avons été considérés comme des lanceurs d’alerte. C’est écrit aussi que c’est incontestable que les divulgations ont servi l’avancée de la justice et de l’équité fiscale. De ce côté-là, c’est une bonne chose.»

Raphaël Halet ne se dit pas effrayé de se lancer dans un deuxième procès : «À partir du moment où je savais que j’avais un procès, je savais qu’on partait non pas sur un sprint, mais sur un marathon. Que cela dure cinq, dix ou vingt ans, on est préparés pour.»

Lire aussi : Verdict LuxLeaks : reconnus comme « lanceurs d’alerte », mais condamnés

 

 

 

« Cette décision restera une anomalie terrible »

Me William Bourdon, avocat d'Antoine Deltour.

Me William Bourdon, avocat d’Antoine Deltour.

Me William Bourdon (avocat d’Antoine Deltour) : «Nous trouvons cette décision terriblement choquante. Car le tribunal balaie tous nos arguments. Cette décision est extrêmement contestable. Elle est contestable devant l’histoire, elle est contestable juridiquement. Et elle va rester, je pense, pendant longtemps, une anomalie terrible dans l’histoire du droit européen. Cette décision est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, elle est contraire à toutes les directives et projets de directives qui sont aujourd’hui sur la table à l’échelon européen.

Donc on est obligé de considérer que le tribunal a privilégié un message d’intimidation à l’égard de ceux qui seraient tentés d’être des lanceurs d’alerte au Luxembourg ou ailleurs. Et un message de réconfort à l’égard des entreprises. Car par cette décision est dit : « Vous êtes à l’abri. Dormez tranquilles! » C’est une décision qu’il faudra vite oublier.

J’espère qu’une fois que nous aurons plaidé devant la Cour d’appel, cette décision restera comme la marque pas très glorieuse du droit luxembourgeois dans leur volonté de s’inscrire dans la modernité du droit européen. Aujourd’hui, cette décision en est tout à fait une illustration contraire.»

« On ira jusqu’au bout de ce combat »

Me Colin, avocat de Raphaël Halet.

Me Colin, avocat de Raphaël Halet.

Me Bernard Colin (avocat de Raphaël Halet) : «Le tribunal déclare clairement dans son jugement que les deux prévenus doivent être retenus comme des lanceurs d’alerte. C’est clair, c’est net. Le tribunal reconnaît l’intérêt général de l’action des lanceurs d’alerte. Toutefois, il ne va pas jusqu’au bout de sa logique.

Le raisonnement du tribunal est relativement simple : Il considère que ni la loi nationale luxembourgeoise, ni les directives européennes, ni la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne protègent ces lanceurs d’alerte à l’heure actuelle. Nous n’avons pas du tout la même appréciation que ce tribunal. Il est clair que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pouvait et devait conduire à la relaxe des deux prévenus.

À partir de là, on va continuer le combat. Raphaël Halet n’a pas subi tout cela pendant deux années pour s’arrêter là : se laisser juger comme un vulgaire voleur de mobylette. Aujourd’hui, il y aura appel. On ira jusqu’au bout de ce combat, jusqu’au bout de l’application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il n’acceptera jamais d’être condamné pour les faits qu’il a commis, qui étaient dans le cadre de l’intérêt général.»

Fabienne Armborst

Comité de soutien à Antoine Deltour : https://support-antoine.org/

Soutien à Raphaël Halet : https://www.lepotcommun.fr/pot/imv3ux2z

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