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[Cinéma] Egon Schiele, le peintre des femmes, dans un film tourné en partie au Luxembourg


Le jeune Noah Saavedra incarne à l'écran Egon Schiele. En arrière-plan, sa muse de toujours, Wally Neuzil, jouée par Valerie Pachner.

Coproduit par Amour Fou et tourné en partie au Luxembourg, Egon Schiele – Tod und Mädchen, un film de Dieter Berner, se penche sur la courte vie du peintre autrichien, célèbre pour ses nus féminins mais controversé à son époque.

Egon Schiele – Tod und Mädchen – en français, Mort et jeune fille, du nom d’une des célèbres peintures de l’artiste – est un biopic honnête,racontant le combat d’un homme libre cherchant à faire accepter son art jugé provocant.

En 1912, devant le juge qui cherche à le condamner pour ses dessins à caractère érotique – sans oublier des soupçons de détournement de mineurs – il proclame haut et fort : « Je suis un artiste! » Oui, durant sa courte vie, Egon Schiele, emporté par la grippe espagnole à 28 ans, a cherché à faire reconnaître son œuvre, en équilibre entre érotisme et mort, novatrice, et donc choquante. Son désir d’indépendance et de liberté, à fleur de peau, s’est heurté aux réflexes des collectionneurs, à l’armée, au conservatisme des classes dirigeantes viennoises, et à un passé dont l’empereur est l’unique symbole.

Coproduit par Amour Fou et tourné en partie au Luxembourg, le film de Dieter Berner Egon Schiele - Mort et Jeune fille se penche sur la courte vie du peintre autrichien (1890-1918).

Coproduit par Amour Fou et tourné en partie au Luxembourg, le film de Dieter Berner
Egon Schiele – Mort et Jeune fille se penche sur la courte vie du peintre autrichien (1890-1918).

Un peintre et dessinateur «maudit» – malgré un succès sur la fin de son existence – dont l’œuvre s’est nourrie du chaos des épreuves  : celle de la mort de son père, qui a brûlé l’héritage familial, celle de son incarcération, de ses amours déchirées, de la séparation d’avec sa muse, de son mariage «calculé». Autant de moments qu’il s’est appliqué à traduire à travers ses toiles, lui qui, avec son mentor Gustav Klimt – mais aussi Oskar Kokoschka et Koloman Moser pour ne citer qu’eux –, a cherché à imposer une modernité picturale dans la capitale autrichienne.

Le réalisateur Dieter Berner (lire son interview ci-dessous), depuis toujours fasciné par le peintre rebelle, s’est lancé dans l’aventure du biopic après être tombé sur le roman d’Hilde Berger, scénariste pour ce film. Un livre qui place les femmes au cœur du travail de l’artiste, qu’il croque passionnément, d’un trait vif, urgent. Et il y en a eu, des histoires d’amour sulfureuses, même si aucune n’a dépassé, en intensité, celle avec Wally Neuzil (jouée par Valerie Pachner), déjà modèle de Klimt, beauté ardente et moteur de ses choix.

Quête intérieure

Parmi celles qui l’ont inspiré, ou porté, il y a aussi Gerti, sa sœur, premier de ses modèles et dernière à le voir mourir; la danseuse «exotique» Moa Mandu; ou encore les deux filles Harms, Adele et Edith – cette dernière, incarnée à l’écran par l’actrice luxembourgeoise Marie Jung, deviendra sa femme en 1915, et mourra, enceinte de six mois, trois jours avant lui. Egon Schiele – Tod und Mädchen , en partie tourné au Grand-Duché (Wellenstein, Colpach, Dudelange, Kehlen, Fond-de-Gras), raconte, de manière linéaire, cette vie passionnelle faite de rencontres et de recherches d’affranchissement, malgré un destin bien pernicieux  : la Première Guerre mondiale vient en effet interrompre son impulsion créatrice.

Le jeune acteur Noah Saavedra, aperçu dans le dernier James Bond, Spectre (2015), incarne bien la vitalité du peintre qui, finalement, dans sa riche production (300 peintures et quelque 3  000 dessins), est allé à la recherche de son être, ses nombreux autoportraits témoignant bien de cette quête intérieure constante. Rappelons que sa dernière œuvre, inachevée, La Famille , le représente, chair à vif, avec sa femme et son enfant, alors même qu’il n’est pas encore père et ne le sera jamais. Une preuve supplémentaire, s’il en faut, qu’Egon Schiele peignait la vie, sa vie, comme elle venait, à la fois heureuse et torturée. Comme ses corps, livrés à la toile.

Grégory Cimatti

Egon Schiele – Tod und Mädchen, de Dieter Berner. Actuellement à l’Utopia (Luxembourg).

Dieter Berner : «Il y a un vrai amour du cinéma au Luxembourg!»

Présent à Luxembourg en début de semaine, le réalisateur Dieter Berner s’est confié au Quotidien .

Le Quotidien : Pourquoi ce film sur Egon Schiele?

Dieter Berner : Ce qui m’a inspiré, c’est le roman d’Hilde Berger, qui raconte l’histoire de Schiele à travers la vie de cinq de ses modèles. C’est le point de départ de mon film.

Aviez-vous une quelconque connexion avec ce peintre avant la lecture de ce livre?

C’est le peintre de ma génération! Lorsque j’étais à l’école, c’était un artiste confidentiel et c’était étonnant, car mes camarades de classe pensaient tous qu’il était le meilleur peintre de tous les temps. Moi, je ne le connaissais pas. Un de mes amis m’a alors montré certaines œuvres, et c’est comme ça qu’a commencé mon intérêt pour Schiele. Ça a même changé ma façon de voir les choses. Je suis un héritier de l’année 1968, et cet art érotique, en relation avec la mort, était forcément très parlant.

Dans ce sens, peut-il être vu comme un avant-gardiste?

Tout à fait. Il a changé, grâce à ses toiles et ses dessins, le regard que portait la peinture sur les femmes. Il a éliminé l’espace pour laisser parler les corps. Il a quand même mis au premier plan le sexe féminin, et ses différents modèles regardaient le spectateur! Oui, on peut dire qu’il a fait du corps un nouveau moyen d’expression.

Était-ce un féministe avant l’heure?

Je le pense, effectivement… Au lieu de faire de la femme un objet du désir, c’est elle qui au centre de l’image et qui est maîtresse de sa propre sexualité.

Aimez-vous l’œuvre d’Egon Schiele?

(Il rigole) Bien sûr! Pour moi, Schiele saisit des instants de vie. Ses peintures sont des constructions très élaborées et pas du tout improvisées. Son œuvre est toujours un objet d’inspiration, et plus je fais des recherches sur son travail, plus je suis subjugué. Et ça commence à faire pas mal de temps que je m’y intéresse!

Vous avez tourné durant plus d’un mois au Luxembourg. Qu’est-ce que vous a apporté le Grand-Duché?

Je ne connaissais pas le Luxembourg avant ce film, et ça a été une très bonne expérience. Durant ce tournage, j’ai découvert un pays très ouvert. L’équipe avec laquelle j’ai travaillé durant tout ce temps était très professionnelle. Il y a un vrai amour du cinéma au Luxembourg!

Recueilli par G. C.

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