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[Exposition] Jeu de rôles au Casino Luxembourg


Ce sont les cadres des entreprises qui ont inspiré à Jean-Charles Massera son installation vidéo Ad valorem ratio, à découvrir au Casino Luxembourg. (Photo : DR)

Le Casino Luxembourg présente pour la première fois au Grand-Duché, une pièce de l’artiste français Jean-Charles Massera dans le cadre du programme BlackBox.

C’est une véritable expérience que propose l’artiste français Jean-Charles Massera à travers son installation vidéo Ad valorem ratio, présentée dans la BlackBox du Casino Luxembourg. Une immersion dans un monde où l’aliénation rencontre la rêverie, où les codes se font et se défont, un monde que le Luxembourg connaît par cœur, celui de l’entreprise et de la productivité. C’est une belle découverte que le Casino expose et une belle manière de remettre un pied au travail en fin de période estivale.

Pour la première fois au Luxembourg, une œuvre de l’artiste aux multiples facettes Jean-Charles Massera est présentée à travers son installation vidéo Ad valorem ratio.

L’artiste français, révélé en France et en Europe à travers son œuvre littéraire, a choisi de passer de la page à l’écran depuis quelques années, pour continuer à révéler les rouages de nos sociétés. Si, à première vue, l’écart entre les mots et les images peut paraître important, il n’en est rien dans la pratique de cet artiste multiple. «Au cours de ma carrière, j’ai toujours développé l’idée qu’il n’existe pas de forme a priori dans la création. Il y a des enjeux et des questions esthétiques qui doivent alors emprunter la forme la plus juste», explique Jean-Charles Massera.

Après quelques années à développer une création littéraire expérimentale sans rencontrer le succès commercial escompté, Jean-Charles Massera découvre les travaux de Robert Ryman et Vito Acconci à New York en 1992 et c’est un électrochoc, une véritable découverte de l’expérience immersive au cœur des sujets qui le fascinaient jusque-là. «J’ai découvert à travers leurs œuvres qu’il était possible d’activer le sentiment lié à un problème sociétal ou humain et non plus désigner le problème, qu’il était possible de créer l’expérience physique de l’aliénation ou de la violence faite aux corps par exemple», ajoute l’artiste.

L’aliénation des corps

C’est ainsi que sa route s’est tournée vers la création visuelle, tout d’abord en devenant critique d’art, restant ainsi près de sa forme de prédilection, l’écriture. Vito Acconci venait lui aussi de l’écriture et plus particulièrement de la poésie concrète, mais il a vite perçu les limites de la page, les a dépassées pour développer un art performatif. «Comme je viens de l’écriture, je me suis très longtemps interdit d’aller au-delà du champ de la littérature, me sentant comme un usurpateur, jusqu’en 2010», explique-t-il.

C’est à cette date que la page devient image pour développer des idées qui ne sont pas traduisibles en mots comme la question des corps dans l’espace, du genre ou du contrôle de ceux-ci. Il est apparu évident pour lui qu’il fallait faire plutôt qu’écrire. Son installation présentée au Casino Luxembourg, Ad valorem ratio, s’intéresse à un univers particulièrement aliénant, celui du travail. Mais au lieu de traiter comme beaucoup de ses confrères la question des opprimés à travers les prolétaires, c’est aux cadres qu’il s’est frotté. «On a cette idée que les cadres ou les dirigeants sont forcément moins aliénés que les ouvriers parce qu’ils partent un mois par an aux Bahamas, mais même aux Bahamas on peut vivre sous contrôle du système», dit l’artiste.

Le diptyque est fascinant, entre un jeu de champ-contrechamp et un travail du son précis, Jean-Charles Massera entraîne le visiteur avec justesse et humour dans un univers que beaucoup connaissent au Luxembourg, l’entreprise avec ses réunions, ses rendez-vous téléphoniques ou encore ses bruits des talons dans les couloirs. Autant d’éléments et de rythmes qui rappellent la cadence de la productivité et de cette culture devenue presque un mythe fondateur de nos civilisations occidentales. À travers son œuvre, Jean-Charles Massera nous invite à ralentir ce rythme, symboliquement, en prenant le temps d’observer les fesses d’un collègue ou en dégustant un cadeau en pleine conférence téléphonique. En rêvant de ralentir la cadence, l’artiste nous invite à voir cette aliénation à laquelle nous prenons tous part.

Mylène Carrière

Casino – Luxembourg.

Jusqu’au 2 octobre.

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