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Gustavo Gimeno, nouveau chef « excité » de l’Orchestre philharmonique


Gustavo Gimeno, nouveau directeur de l'Orchestre philharmonique du Luxembourg, se sent déjà comme chez lui à la Philharmonie. (photo Fabrizio Pizzolante)

La transition est terminée à l’Orchestre philharmonique du Luxembourg (OPL). Le jeune (37 ans) chef espagnol Gustavo Gimeno remplace Emmanuel Krivine au poste de directeur musical. Rencontre.

C’est ce jeudi soir que se tient, à la Philharmonie, le concert inaugural de Gustavo Gimeno en tant que chef titulaire et directeur musical de l’OPL. Un concert où l’orchestre et le chefseront accompagnés par la soprano Anja Hartero. Au programme, Concert Românesc, de György Ligeti, Sieben frühe Lieder, d’Alban Berg, etla Symphonie n° 1 «Titan», de Gustav Mahler. Avant cette première, LeQuotidien est allé à la rencontredu nouveau chef d’orchestre.

Le Quotidien : Comment vous sentez-vous à quelques jours (NDLR  : l’interview a été réalisée lundi) de votre premier concert avec l’OPL en tant que directeur musical?

Gustavo Gimeno : Là, je suis fatigué après quatre heures de répétition. Mais en général, je suis excité, très positivement excité. Je suis heureux, plein d’envie, de ce premier concert et de tout ce qui nous attend cette saison… Je me sens porté par une équipe fantastique et un orchestre excellent. C’est ce genre de moment dans la vie où « this feels right! » (NDLR : tout est à sa place).

Cela change quoi par rapport aux concerts que vous avez faits l’an dernier en tant que chef invité?

Je me sens désormais à la Philharmonie comme à la maison et les gens de l’OPL sont devenus ma famille. Je n’ai plus un pied ici et un pied ailleurs. Je suis désormais entièrement là.

Votre venue a été annoncée en juin. Comment avez-vous préparé votre arrivée?

En ayant beaucoup de discussions avec la direction et l’équipe. À tous les niveaux : programmation, questions internes à l’orchestre, prises de décision, etc. Je suis venu aussi plusieurs fois. Mais je pense qu’il y a vraiment un déclic qui se fait dans la tête, au moment où on comprend que désormais on a une nouvelle responsabilité. Un directeur invité vient normalement une semaine, il fait quelques répétitions, donne quelques indications et puis repart. Maintenant, en tant que directeur musical, j’ai vraiment la possibilité de changer les choses, en relancer d’autres, insister sur certains points, etc. Ça peut aller d’un détail dans une partition à des points structurels dans le fonctionnement. C’est vraiment excitant. On a vraiment l’impression qu’on peut construire quelque chose.

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À l’annonce de votre nomination, certains se sont étonnés qu’on nomme un directeur musical de seulement 37 ans. C’est vrai que la plupart des grands chefs ont dépassé la cinquantaine, voire la soixantaine. Que répondez-vous à ces personnes qui doutent de vous, non pas à cause de vos capacités, mais de votre âge?

D’abord que, même si beaucoup de grands chefs ont effectivement dépassé la cinquantaine, il y a aussi plusieurs grands directeurs musicaux qui ont la trentaine, voire la vingtaine. Y compris dans de très bonnes maisons. Et puis que je fais de la musique depuis l’âge de 7  ans. Ce qui fait déjà une longue carrière. Sans oublier que j’ai joué dans un des orchestres les plus importants au monde (NDLR : l’Orchestre royal du Concertgebouw, à Amsterdam) pendant onze ans et que j’ai travaillé avec de grands chefs. Et pour finir, je leur dirais que pour ce métier, il me semble très important d’avoir de l’expérience, mais aussi la jeunesse nécessaire pour donner une nouvelle impulsion à un collectif. Après, oui, mon âge, ma nationalité, ma mentalité sont différents de ceux de mon prédécesseur, mais justement, ces différences sont une bonne chose.

Vous avez commencé la musique à 7  ans, mais à quel moment avez-vous senti l’envie de devenir chef d’orchestre?

Dans le fond, je pense que j’ai toujours eu ce désir en moi. Mais je ne lui avais peut-être pas prêté attention jusqu’à ce que je devienne assistant de Mariss Jansons. Il m’a donné confiance en moi et j’ai senti que je ne pouvais plus refouler ce désir intérieur de diriger.

Justement, quels sont les chefs qui vous ont inspiré?

Claudio Abbado et Jansons sont pour moi très importants (NDLR : ils sont d’ailleurs tous deux présents, en photo, dans sa loge à la Philharmonie). Bien sûr, au niveau personnel, parce que j’ai eu la chance de travailler de manière rapprochée avec les deux et que je les connais bien. Mais aussi en tant que musiciens et chefs d’orchestre. Ce sont clairement des exemples à suivre. J’ajouterais Bernard Haitink, et voilà trois grands chefs que j’idolâtre et avec qui j’ai, en plus, eu la chance de travailler.

Beaucoup de chefs d’orchestre débutent dans la musique en tant que violonistes ou pianistes. Vous, vous étiez percussionniste. Est-ce que ça change quelque chose?

Je ne crois pas, non. En tout cas, pas plus que d’autres points qui font d’une personne ce qu’elle est. Car finalement, tous les ingrédients de la vie vous influencent et tous vous creusent un chemin. Je ne pense pas qu’un seul de ces ingrédients, l’instrument que quelqu’un a joué, puisse à lui seul jouer un rôle prépondérant.

En mars dernier, vous avez dirigé votre premier opéra, Norma , de Bellini. Quelle dimension a, ou aura, l’art lyrique dans votre travail?

La plus grande possible. Personnellement, j’adore l’opéra et –  bon, ce n’est pas possible cette saison pour des raisons pratiques  – l’idée est que je dirige un opéra par saison ici à Luxembourg. Et je m’en réjouis d’avance. Professionnellement, c’est très intéressant de diriger un opéra, car il faut coordonner beaucoup plus d’éléments que lors d’un concert. Et puis, c’est toujours très instructif et enrichissant de travailler avec des chanteurs.

Et la musique contemporaine?

Elle a toute sa part. Cette année, on va jouer une première mondiale de Wolfgang Rihm et on est en train de faire des commandes pour les prochaines saisons. D’ailleurs, dans mon concert précédent, dédié à la musique espagnole, nous avions au programme Ravel et de Falla, mais aussi un jeune compositeur, Francisco Coll. Et puis, pour le concert de jeudi (NDLR  : ce soir), la première œuvre que je vais diriger est de Ligeti, décédé il y a quelques années à peine. Je ne compte pas mettre de frontière entre la musique contemporaine et celle non  contemporaine, dans le sens où je compte bien mélanger les deux dans un même programme.

Pour cette première saison, vous avez programmé les premières symphonies de Beethoven, Mahler, Bruckner, Schumann et Chostakovitch. Que voulez-vous montrer ou démontrer par-là?

Je ne veux rien démontrer. Mais je pense qu’il est important de faire de la musique de toutes les époques. Parce qu’il y a plein de bonnes musiques à des périodes différentes et parce que c’est important pour l’évolution d’un orchestre et pour son public. Et puis, comme je le dis dans le programme de la saison, c’est aussi une sorte de symbole dans la mesure où je trouve l’idée d’un début intéressante. Un nouveau début permet de faire le point sur tout ce qui s’est passé jusque-là, sauvegarder ce qui est important, mais aussi définir ce vers quoi nous voulons aller en trouvant une nouvelle voie. Et cela est aussi vrai pour mon arrivée à l’OPL que pour ces compositeurs qui écrivent leur première symphonie.

Quelle vision avez-vous pour l’OPL pour le futur?

L’OPL occupe déjà une grande place au Luxembourg. J’espère qu’elle sera encore plus grande dans le futur. La Philharmonie est devenue une référence dans le pays, l’OPL doit l’être également. Et puis, je souhaite que l’orchestre ait la reconnaissance internationale qu’il mérite. Et pour y arriver, il faut faire plus d’enregistrements –  il y en aura, c’est juste une question de temps  – et des tournées internationales, surtout en Asie. Et pour ça, il faut du temps et beaucoup d’investissement. On y travaille justement!

Pablo Chimienti

 

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