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Le CAL entre deux âges


Affilié à la Luxembourg Art Week et délocalisé cette année du côté du Tramsschapp, le salon du CAL cherche à se donner une meilleure visibilité et une nouvelle jeunesse. Mais il reste à faire.

Jusqu’à dimanche, ils sont 42 artistes, issus pour la plupart du Grand-Duché, à exposer leur travail au Tramsschapp. Une énième édition du salon du CAL (Cercle artistique de Luxembourg) qui, s’il prouve ses envies de nouveautés, reste en équilibre entre deux époques.

Voilà déjà des mois que l’honorable CAL – rappelons qu’il fêtera ses 125 ans en 2018 – a entamé sa révolution. Nouveau président (Marc Hostert), nouvelles ambitions – celles d’être plus jeune et visible – et nouvelle dynamique, surtout depuis que son salon annuel est affilié à la récente Luxembourg Art Week, rutilant TGV censé porter dans son sillage une locomotive à vapeur… Mieux : délocalisé au Tramsschapp pour laisser l’ambitieuse foire d’art prendre ses aises, il dispose d’une plus grande surface (800 m2) et d’une semaine supplémentaire pour montrer ses envies d’innovation.

Un déménagement pris toutefois, pour certains, comme un désaveu, pour d’autres comme un cruel isolement, sentiment toutefois vite dissipé devant l’afflux de visiteurs lors du vernissage vendredi soir. «Ouf», lâche-t-on du côté de l’organisation, rassurée par l’affluence et les retours du public. «Beaucoup nous disent que c’est riche et harmonieux», témoigne-t-on ainsi sur place. Même son de cloche chez l’ancien président du CAL, Michel Petit, traînant discrètement son sourire bienveillant dans les allées. «On sent une réelle vivacité de la scène. Et il y a de nombreux artistes que je ne connais pas, signe que les nouveautés sont là!», précise-t-il.

53 ans de moyenne d’âge

Un avis cependant à relativiser quand on sait que, parmi les 135 candidatures – un record! –, la moitié des artistes retenus sont membres titulaires du CAL (pour ce faire, il faut avoir été sélectionné pour le salon au moins trois fois sur cinq ans), sans oublier certaines signatures récurrentes. Que dire, alors, de la moyenne d’âge des 42 représentants de cette mouture 2017, évaluée à 53 ans – l’un d’entre eux a même 83 ans! Bien sûr, le rendez-vous du CAL ne lutte pas avec d’autres manifestations, à l’instar de la Triennale jeune création, mais tout de même!

Si l’on se réfère à l’élan de Marc Hostert, proclamant que ce salon est «fidèle à l’état de la création moderne du Luxembourg et de la Grande Région», ce dernier assemblage reviendrait à dire que l’art est l’apanage des anciens, à moins que le CAL, à peine dépoussiéré, peine toujours à attirer vers lui les plus jeunes. Le pire serait encore d’affirmer que ces derniers ne sont pas à la hauteur… D’ailleurs, la gagnante du prix Révélation, Nina Tomàs, 29 ans, ne s’y trompe pas. «On n’était que cinq de moins de 35 ans à concourir pour cette récompense. C’est un peu maigre, non?»

D’ailleurs, son œuvre L’Arrêt, subtil patchwork coloré, sorte de «cartographie mystérieuse» quadriptyque, détonnait déjà parmi les autres offres lors de la visite inaugurale, au même titre que le trapèze «piquant» imaginé par Chiara Dahlem (Fame). Une fraîcheur qui fait du bien parmi une large part d’œuvres convenues et d’autres aux airs de déjà-vu. Mais ne soyons pas partial. Parmi cette sélection – qui, saluons-le, dévoile une majorité d’artistes féminines (28) – l’accent a d’abord été mis sur la diversité, avec, certes, une seule petite installation et de rares sculptures, mais une généreuse offre picturale et photographique.

La photo supplante la figuration

Perspicacement agencée, celle-ci propose quelques appréciables démonstrations, comme l’approche méticuleuse de Doris Becker et ses «cocons» sculptés, de même que les boîtes épurées d’un blanc immaculé signées Jeannette Bremin. De leurs côtés, les personnages empreints d’ennui de la Hongroise Nora Juhasz (l’une des cinq artistes invités résidant à l’étranger) renvoient à ceux rêvant de hauteur et au mythe d’Icare, de Stéphanie Uhres. Rayon peinture, toujours, honorons les remises en question du régulier Joachim van der Vlugt, toujours innovant.

Outre les sculptures d’Andreas Hamacher et d’Ellen van der Woude – massives, terriennes pour l’un, délicates et aériennes pour l’autre – c’est bien la photographie qui trouve ses aises au CAL, de plus en plus représentées, et ce, au détriment de la figuration. Et dans cette orientation, ses ambassadeurs sont adroits, que l’on évoque les paysages «spatiaux» de Sébastien Grébille, les monuments «troublés» de Mikka Heinonen, les corps dénudés de Joël Nepper et encore les centres urbains de la Croate Karolina Pernar.

L’un d’entre eux, au même titre que tous les exposés, recevra très bientôt le prix Grand-Duc-Adolphe, décerné tous les deux ans à la meilleure œuvre d’art présentée lors du salon. En 2015, il avait récompensé le duo Carine Kraus-Isabelle Lutz. Gageons que le jury fera preuve d’audace et d’impertinence dans son choix. C’est aussi à ce titre que le CAL arrivera à sortir de sa sclérose et ses anciennes habitudes pour mieux coller à la réalité, et surtout, à ses besoins impérieux de reconnaissance.

Grégory Cimatti

Tramsschapp – Luxembourg.
Jusqu’à dimanche.
www.cal.lu

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