Les Photomeetings réunissent trois monstres sacrés de la photo

Les Photomeetings, douzièmes du nom, invitent, dès la semaine prochaine, trois grands dinosaures de la photographie du XXe siècle : John Stewart, William Klein et feu Lucien Clergue. Une réunion d’exception à Luxembourg.

Respectivement âgés de 97 et 88 ans, John Stewart et William Klein animeront même une lecture sur leur riche carrière, tandis que Lucien Clergue, décédé il y a deux ans, sera honoré par sa fille Anne. Trois expositions de 120 clichés témoigneront de leur apport majeur à la discipline.

Les Photomeetings ont toujours visé large. D’abord en invitant des étudiants de toute l’Europe, ensuite en s’intéressant aux nouvelles techniques de l’image, sans oublier les artistes nationaux, mis en lumière dans de grandes largesses, notamment l’année dernière. Comme dans une fin de cycle, l’évènement revient aux sources de ceux qui ont fait la photographie du XXe siècle, ces révolutionnaires de l’objectif ayant marqué leur temps par leur personnalité, leur talent, leur œil singulier.

Marita Ruiter, directrice de la galerie Clairefontaine qui organise cette manifestation depuis 2005, explique ce choix : «Dernièrement, certaines personnes se sont interrogées sur les anciennes techniques photographiques. S’il est encore possible de les utiliser aujourd’hui, rien n’indique qu’il en sera de même dans quelques années.» D’où la nécessité, de ce bond en arrière dans l’histoire en compagnie de ces «dieux» de la discipline, finalement les dernières figures de proue d’un art entièrement métamorphosé par le développement du numérique.

En intitulant cette rentrée culturelle «Big Shots» (NDLR : une expression américaine qui qualifie une personne très importante), la galerie Clairefontaine se devait d’inviter de sacrés clients. Et c’est le cas avec le Britannique John Stewart, âge de 97 ans, dont l’œuvre s’aborde comme une «symphonie». «Ses photographies sont douces et poétiques», explique Marita Ruiter, sous le charme de ce vénérable artiste qui a immortalisé notamment Vladimir Horowitz, John Cage mais également Picasso, Matisse et Braque, avant de se spécialiser dans la photographie d’art et les natures mortes. «Il a même connu, durant la Seconde Guerre mondiale, le pont de la rivière Kwaï!», prisonnier alors des Japonais, précise la galeriste, tout en sifflant l’air popularisé par le film.

Lucien Clergue et les férias

Des anecdotes, la star William Klein en a aussi à la pelle, lui qui révolutionna la photographie en faisant de son objectif l’outil d’un face-à-face sans concession avec son sujet, en introduisant le hasard et la déformation dans des cadrages toujours audacieux. Le rapport entre ces deux monuments? Pas grand-chose, en dehors de leur connexion au monde de la mode (Harper’s, Vogue…) et ces clichés réalisés sur Mohamed Ali.

«Les deux ont en effet fait son portrait. Ça n’a rien à voir avec le reste de leur travail, mais c’était apparemment un personnage incontournable dans les années 70.» Pour le coup, la galerie réunira leurs témoignages visuels sur le boxeur de légende, disparu cette année. À cela s’ajoute un troisième monstre, Lucien Clergue, fondateur des Rencontres d’Arles, mort en 2014 et représenté ici par sa fille Anne et associé, du côté de la galerie Beim Engel, à Karin Székessy pour une exposition célébrant le nu et la nature, dans un esprit un peu «hippie».

«C’est triste qu’il ne soit plus là, témoigne-t-elle. Je l’ai invité à plusieurs reprises au Luxembourg, mais il me répondait à chaque fois : « Voyons, pas en septembre, c’est la période des férias! »» Au total, durant un gros mois et sur trois lieux différents, le public pourra découvrir 120 originaux, très difficiles à réunir. Un espoir? «J’espère qu’il va suivre, apprécier et qu’il sera conscient qu’il voit là quelque chose d’exceptionnel.»

Grégory Cimatti