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[Livres] Janine Boissard se raconte : « L’écriture m’a sauvé la vie »


Janine Boissard à propos d'Une femme : «Il y a tout un pan de ma vie que j'avais oublié. Que je cachais. Des choses douloureuses. Oui, pendant l'écriture, j'ai versé des larmes.» (photo John Foley / Opale)

Avec plus de cinquante romans, elle cumule les succès. À 83 ans, Janine Boissard quitte la fiction et se raconte. Avec sincérité. C’est Une femme, le roman d’une vie.

Janine Boissard a le don d’écrire, depuis près de 40 ans, des romans qui captivent dès les premières lignes. Dans Une femme, l’auteur se raconte. Pas de date, de récit chronologique, juste du vécu, des souffrances, du bonheur, et surtout de l’écriture.

Dans son appartement parisien, elle montre une commode. Et dit : «Le tiroir du haut, ça a été mon berceau… Je suis née un mois avant terme, mes parents n’avaient pas prévu…» Elle parle encore et encore de sa famille, celle qu’elle peint dans ses romans à succès.

À 83 ans, frappée par un drame, Janine Boissard a enfin accepté d’écrire son histoire à la première personne. Sans se cacher derrière les artifices de la fiction. C’est Une femme – sous-titre : «Le roman d’une vie.»

janineRomancière parmi ceux qui vendent le plus dans la littérature francophone, elle avoue se sentir plus légère avec ce livre. Au fil des pages, il y a donc la famille, les amours et désamours, la littérature… Rencontre exclusive avec une femme de lettres et de bienveillance.

Le Quotidien : Franchement, vous étiez en panne d’imagination, ce qui vous a menée à écrire Une femme?

Janine Boissard : Ah! non, pas le moins du monde. Ça faisait un bon moment que des éditeurs me sollicitaient, me demandant d’écrire mes Mémoires, de raconter ma vie. Je l’avais déjà fait dans le passé avec un livre sur mon enfance, un autre sur mon adolescence et ma jeunesse. Mais je ne trouvais pas nécessaire de raconter ma vie. Puis j’ai connu un drame – la mort de mon fils aîné. Là, je me suis dit que le moment était venu d’écrire le roman d’une vie.

Dans ce livre de près de 340 pages, à aucun moment vous ne faites dans le sensationnalisme. Ce qui ne vous a pas empêchée d’évoquer des épisodes douloureux : un mariage difficile, un avortement, le drame de votre fils…

Mais pour moi, il n’y avait pas de doute possible : si j’acceptais d’écrire Une femme, il me fallait être sincère. Aujourd’hui, le livre est là. Ça m’a fait un bien fou de le dire, de l’écrire. Et je crois qu’il devrait aider un grand nombre de femmes. Je dois quand même avouer qu’il y a tout un pan de ma vie que j’avais oublié. Que je cachais. Des choses douloureuses. Oui, pendant l’écriture, j’ai versé des larmes. Mais dans ma vie, il y a aussi des choses et moments agréables.

Ce roman d’une vie bouclée est imprimé et maintenant en librairie. Comment vous vous sentez?

Une femme a eu le résultat que j’espérais. Je dois préciser qu’avant de l’écrire, j’ai demandé l’autorisation à mes proches, mes sœurs et mon frère, mes enfants. Avec ce livre, on va me voir telle que je suis. Parce qu’il faut oser se montrer tel qu’on est. D’ailleurs, dans mes livres, les personnages de femmes, c’est moi!

Comme ça, dans votre bibliographie, quel numéro a Une femme?

Le 54! Oui, c’est mon cinquante-quatrième livre! Bon, je ne les ai pas comptés, des amis l’ont fait pour moi. Mais ce qui m’importe le plus, c’est quand je rencontre des lectrices. Elles me disent : «Quand vous parlez de vous, vous parlez de nous.» Rien ne peut me faire plus plaisir…

Vous avez publié votre premier roman en 1977, c’était L’Esprit de famille

Ça, c’est signé de mon nom de jeune fille! Mais auparavant, j’avais écrit, sous mon identité de femme mariée, des romans et quelques polars. Et je me permettrais de rappeler que j’ai été la première femme éditée dans la célèbre Série noire! Bon, on me demande aussi pourquoi je dure depuis si longtemps…

Mais tout simplement parce que je change de genre, de style. Pour chaque livre, je prends la peine de bouger, d’aller sur les lieux, je ne laisse rien au hasard, à l’approximation. Et puis, il y a sûrement une autre raison à ma longévité littéraire : j’ai dix petits-enfants et même un arrière-petit-enfant. Avec eux, je suis obligée d’aller toujours de l’avant. En plus, j’ai une imagination débordante. Là, je viens de boucler mon prochain roman qui paraîtra en février 2017, j’ai déjà le sujet pour celui qui sera publié en 2018 et j’ai deux, trois autres idées prêtes à être écrites!

Enfant puis adolescente, vous auriez pu devenir pianiste puis chanteuse…

Dans la famille, j’étais « l’anormale ». Alors, il a bien fallu se distinguer… Être virée de plusieurs établissements scolaires, par exemple. Oui, il y a le piano, le chant… en fait, je voulais la célébrité. Montrer que je n’étais pas la nulle qu’on croyait. J’aime beaucoup la phrase du peintre George Braque : « L’art est une blessure devenue lumière… ».

Cette célébrité est venue avec la parution de L’Esprit de famille, vous aviez alors 45 ans…

… et ça m’a totalement libérée. Dès lors, j’ai pu vivre exclusivement de ma plume.

Évidemment, le succès étant là, vous avez été ignorée longtemps par la critique littéraire!

Mais je n’ai jamais écrit pour plaire! Je sais bien qu’on m’a classée dans un genre que les «bien-pensants» de la critique appellent la littérature populaire. Mais qu’écrivaient Balzac et Zola, si ce n’est de la littérature populaire? L’essentiel, pour moi, ce sont mes lecteurs. Et je n’arrêterai pas d’écrire tant que le désir sera là.

Votre définition de l’écriture?

C’est d’abord un bonheur. La page blanche ne m’a jamais fait peur. J’ai juste peur de mal la remplir… Elle m’a sauvé la vie – et pas seulement financièrement! Je me fiche d’être lue plus tard, j’espère seulement mourir la plume à la main comme on meurt en scène!

Serge Bressan

Une femme, de Janine Boissard. Flammarion.

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