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Salman Rushdie de retour avec l’excellent « Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits »


La romancier Salman Rushdie est président du prestigieux PEN American Center. Son roman paraît quatre ans après son autobiographie, Joseph Anton. (photo Syrie Moskowitz)

Avec Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, Salman Rushdie signe l’évènement littéraire de cette rentrée. Un roman assaisonné à la sauce piquante avec djinns et humains ordinaires, sans oublier quelques déesses.

Une citation des Mille et Une Nuits : «Elle vit l’aube approcher et discrètement elle se tut.» Une autre d’Italo Calvino : «Au lieu de m’efforcer d’écrire le livre que je devais écrire, le roman qu’on attendait de moi, j’ai préféré imaginer le livre que j’aurais aimé lire, le livre trouvé dans un grenier d’un auteur inconnu, d’une autre époque et d’un autre pays.» Et voilà le lecteur lancé dans Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, de Salman Rushdie.

Un calcul rapide et, oui, deux ans huit mois et vingt-huit nuits, ça donne bien mille et une nuits! Interrogé sur l’idée qui lui avait envie d’écrire ce roman – un des évènements de cette rentrée – le Britannique né à Bombay et installé à New York depuis 2000 a expliqué : «J’avais envie d’écrire au sujet d’un homme qui serait détaché de la Terre. Pas qui volerait, mais qui se déplacerait à un centimètre du sol, ce qui est plus drôle. Je pensais beaucoup à Kafka : dans La Métamorphose, il n’essaie pas d’expliquer la cause de la métamorphose, mais se concentre sur la façon dont tout le monde va devoir faire avec…»

Un face-à-face entre science et croyance

Dès lors, résumer Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits prend des allures de mission (quasi) impossible. Rushdie est maître dans l’art d’entremêler les histoires en un seuil roman, de faire cohabiter djinns et humains ordinaires, sans oublier quelques déesses, le tout assaisonné avec une sauce piquante : «Quand j’ai commencé à écrire, je n’avais pas toute la trame. Je voulais écrire sur ce philosophe du XIIe siècle, Ibn Rushd dit Averroès, qui tomberait amoureux d’une déesse, parce que la rencontre du rationnel avec l’irrationnel m’intéressait. Puis, bizarrement, l’idée des djinns m’est venue, c’est devenu l’idée centrale qui a orchestré tout le livre!»

Et quand il parle méthodologie, l’auteur des Versets sataniques ou de Joseph Anton rappelle que, d’ordinaire, il a «besoin d’une forme, d’une structure à l’avance pour écrire». Mais là, pour cette fresque alimentée au djinn tonic, il s’est autorisé des expériences. «J’ai voulu une approche souple, avec des personnages qui disparaissent, d’autres qui changent… Oui, j’ai découvert une nouvelle façon d’écrire. Quarante ans après la parution de mon premier livre, j’ai l’impression d’avoir enfin appris à écrire!»

À 69 ans, Salman Rushdie semble surtout avoir éprouvé un immense plaisir à l’écriture de ce Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits. Il nous offre ainsi un kaléidoscope avec grandes et petites histoires. C’est luxuriant, exubérant. Ça tourne autour d’une guerre philosophique qui a opposé au XIIe siècle Ibn Rushd, le penseur de la raison, et Al-Ghazâli de Tûs, le théologien de la ferveur. Et avec ce pivot, Rushdie se laisse aller.

C’est joyeux, ça met en opposition la foi et le savoir, la science et la croyance. Attention! Le romancier est un malin : pas question d’harasser le lecteur – alors, il nous sort Geronimo Menezes, c’est un vieux jardinier originaire de Bombay qui vit à New York depuis de nombreuses années. Un matin, il se lève, il constate que ses pieds ne touchent plus le sol. Oui, Geronimo flotte. Et on va apprendre qu’il n’est pas le seul.

Le bizarre, l’irrationnel a pris le pouvoir – c’est le temps du paranormal, avec pour conséquence des lignes de la société sacrément bousculées. Une fois encore, Salman Rushdie s’amuse, mixe allégorie politique et imagination à l’air libre. Et en moins de deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, il éclaire le monde d’aujourd’hui et la vie qui va mieux que personne!

Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, de Salman Rushdie. Actes Sud.

2 plusieurs commentaires

  1. Je suis tout à fait d’accord avec ce commentaire. J’ai eu bien du mal à arriver à la moitié du livre et, m’étant promis d’arriver au bout, je sais que ce sera très difficile. Effectivement ce qui domine pour moi, ce n’est pas le plaisir d’un style luxuriant, mais l’ennui devant les digressions dans les digressions dans des digressions qui m’intéressent rarement. Très souvent, au bout de quelques pages j’ai complètement perdu le fil. Pourtant, autant que je me souvienne, j’avais adoré les versets sataniques et Joseph Anton, mais ça, c’est facile, c’est de l’autobiographie. Je suis un peu sidéré de lire tous ces commentaires plus qu’élogieux sur ce livre.

  2.  » Rushdie est maître dans l’art d’entremêler les histoires en un seuil roman  »

    Vraiment ?
    Je dirais qu’on se perd dans des digressions interminables et sans intérêt.

    C’est rare que je laisse tomber un livre. Celui-ci m’a ennuyé au plus haut point.

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