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[Théâtre] « Où on va papa ? » : dans la tête de Jean-Louis Fournier au TNL


Le comédien Norbert Rutili (à g.) et le metteur en scène, Claude Frisoni feuillettent Hara Kiri, un des rares accessoires présents dans la pièce. (photo Tania Feller)

La relation d’un père avec ses deux enfants lourdement handicapés est au cœur de Où on va papa?, l’adaptation théâtrale du roman de Jean-Louis Fournier (prix Femina 2008) proposée par Claude Frisoni au TNL.

Jean-Louis Fournier et Claude Frisoni étaient faits pour s’entendre. Le premier était complice de Pierre Desproges, le second considère le présentateur de La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède, comme son maître spirituel. Voilà donc les deux hommes réunis autour de cette adaptation théâtrale par l’ancien directeur de l’abbaye de Neimënster du roman du lauréat du prix Femina 2008. Une adaptation à découvrir à partir de ce vendredi au Théâtre national de Luxembourg.

Si on a un enfant handicapé, c’est qu’on ne l’a pas volé», disent certains. «Un enfant handicapé, c’est un cadeau du ciel!», semblent répondre d’autres. «Et ils ne le disent pas pour rire. Ce sont rarement des gens qui ont des enfants handicapés. Quand on reçoit ce cadeau, on a envie de dire au ciel : « Oh! fallait pas! »», rétorque avec intelligence et humour Jean-Louis Fournier.

L’écrivain, humoriste et réalisateur raconte dans son roman largement autobiographique, sa relation avec ses enfants dont les deux premiers sont lourdement handicapés, aussi bien au niveau physique que mental.

«C’est extraordinaire! C’est fou un mec qui arrive à te faire rire avec ça; et pas du tout de manière cynique», lance Claude Frisoni qui a travaillé sur l’adaptation théâtrale du livre. Un roman qui vaudra à son auteur le prestigieux prix Femina et qui connaîtra un joli succès public, avec plus de 500 000 exemplaires vendus. Parmi les lecteurs, le comédien Norbert Rutili. C’est lui qui lancera Frisoni sur ce projet.

«Le livre traite d’un sujet tabou : le handicap, et surtout les enfants handicapés», note le comédien. «Les gens sont toujours gênés d’en parler, d’en rencontrer, de rencontrer des gens qui en ont. La façon dont Fournier en parle est fabuleuse. Il n’y a rien de pathétique dans son texte. Au contraire, on ne sent tout au long du livre que de l’amour, de la dérision et de l’humour.»

Un sujet qu’il a porté pendant des mois avant de convaincre le metteur en scène de se l’approprier et de proposer une adaptation à l’auteur. Un auteur qui, de son côté, non seulement a accepté toutes les propositions des deux hommes de théâtre, mais qui fera même le déplacement à Luxembourg pour assister à la première.

Sur scène il découvrira, en même temps que les autres spectateurs, un Rutili devenu Fournier qui s’appropriera les propos que l’auteur a tenu dans le livre. «D’habitude quand on monte une pièce on se fout royalement de l’auteur, souligne le metteur en scène. Mais là, au contraire, on a beaucoup travaillé sur sa psychologie.»

Certains risquent de ressortir en miettes

Sur la scène du TNL transformée en garage du père de Fournier, le comédien sera seul avec son texte. Un texte qu’il ne dira pas «pour les spectateurs» comme le veut la tradition de l’art de la scène, mais pour lui-même. «C’est le paradoxe de cette pièce, reprend Claude Frisoni, le comédien ne doit pas jouer pour le public, tout en jouant pour lui bien sûr! Il est là affairé avec des maquettes de voitures et il y a des gens qui se trouvent là par hasard et qui, à travers ce qui pourrait être un trou de serrure, voient ce que Fournier est en train de faire et de se raconter.»

Ses mots sont, en fait des pensées, des bulles de son cerveau alors qu’il repense à ses enfants handicapés. Il leur parle même, en son for intérieur. Ça passe donc parfois du coq à l’âne, Fournier – le personnage – s’énerve même, de temps à autre, du monde extérieur dont les bruits arrivent à travers un soupirail ouvert, etc.

«Ce qui me rassure, c’est que les enfants normaux empêchent aussi leurs parents de dormir. Bien fait pour eux», glisse alors celui qui a connu bien des tuiles dans sa vie et qui, malgré tout l’amour qu’il a pu porter à ses fils, a eu l’honnêteté de raconter à quel point ils pouvaient devenir insupportables ou à quel point tout cela l’éprouvait : «C’était dur de les aimer.» Des sentiments contrastés, humains! «C’est un message d’amour terrible, sans pathos ni pleurnicheries stupides», résument comédien et metteur en scène en stéréo.

Bref, ceux qui ont lu Où on va papa? savent à quoi s’attendre. Metteur en scène et comédien se sont bien permis quelques libertés, ont prévu quelques rares effets scéniques, mais c’est bien le roman de Fournier qui reste le centre de la pièce. Les autres risquent «de sortir en miettes de la représentation», reconnaît Claude Frisoni. Car si c’est souvent drôle, «le spectateur souffre avec le personnage, on l’aime, on a envie de l’embrasser».

La pièce sera jouée à cinq reprises au TNL de Luxembourg. Ses deux «papas» espèrent bien l’exporter ensuite, pourquoi pas au Off d’Avignon. Ils espèrent surtout toucher profondément les spectateurs. «En plus de faire une bonne pièce, mon but, reprend le metteur en scène, est de faire en sorte que les gens ne regardent plus jamais un handicapé comme avant. Que les scolaires qui vont venir ne se moquent plus jamais d’un enfant handicapé!»

Pablo Chimienti

TNL – Luxembourg. Jeudi 20 octobre (complet) et samedi 22 octobre à 20 h. Dimanche 23 octobre à 17 h. Puis les 11 et 12 novembre à 20 h. Infos sur le site du TNL.

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