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48 milliards d’euros belges dans des boîtes aux lettres luxembourgeoises


«Le Luxembourg est le jardin fiscal des Belges» les plus riches, affirme l'enquête du journal Le Soir. (illustration Jean-Claude Ernst)

Le journal Le Soir révèle ce mardi que la plupart des cent Belges les plus riches disposent de sociétés au Grand-Duché. «Un tremplin vers d’autres paradis fiscaux», estiment nos confrères.

Après les LuxLeaks, voici les LuxFiles. Le jour même de l’ouverture du nouveau procès en appel du lanceur d’alerte Antoine Deltour, à l’origine du scandale LuxLeaks, la presse belge vise une nouvelle fois le Grand-Duché. L’enquête publiée dans l’édition de mardi du Soir révèle que la plupart des cent Belges les plus riches ont créé une société au Luxembourg. Et la Place financière du Grand-Duché serait selon l’interprétation de nos confrères «parfois un tremplin vers d’autres paradis fiscaux». Le drapeau luxembourgeois était d’ailleurs visible en grand sur la Une du Soir.

La manne financière dans des sociétés qui n’existeraient que sous forme des fameuses boîtes aux lettres – pourtant combattues par le gouvernement luxembourgeois sortant – serait de 48 milliards d’euros (capitaux propres). Leurs actifs frôleraient les 54 milliards d’euros. La fiduciaire Alter Domus, déjà au cœur du scandale LuxLeaks, serait une nouvelle fois au centre de ces LuxFiles.

Sur trois pages, nos confrères présentent les conclusions de leur enquête qui confirme que «le Luxembourg est le jardin fiscal des Belges». «En effet, pour la première fois, l’examen d’une gigantesque masse de fichiers extraits du registre de commerce du Luxembourg» a permis aux journalistes du Soir «d’objectiver la présence belge au Luxembourg». Et cette présence serait «massive». Le mot-clé «Belgique» livre ainsi 78 000 résultats. «Cette présence n’est pour autant pas illégale», tiennent à préciser nos confrères, qui ont notamment interrogé un fiscaliste qui enseigne à l’université de Liège.

«Une belle brochette d’escrocs»

L’enquête conclut que «la majorité des cent personnalités et familles les plus riches du pays, des entreprises qui ont pignon sur rue, des sportifs, des artistes, un homme politique influent, et une belle brochette d’escrocs» utilisent la «législation financière plus permissive» du Grand-Duché.

Le premier volet de l’enquête, publiée et menée avec le journal De Tijd, se penche sur le top 100 des Belges les plus riches. Ce serait 60% d’entre eux qui «ont créé au moins une société au Grand-Duché». Selon nos confrères, «deux fois sur trois, il s’agit d’une boîte aux lettres n’ayant d’autre activité que la détention de parts dans d’autres sociétés, parfois situées à l’étranger et ne payant généralement que peu d’impôts». Le Soir cite les îles Vierges britanniques et le Panama, connus comme paradis fiscaux hors pair.

Dans la liste on retrouve notamment les actionnaires clefs du brasseur AB Inbev, les managers de l’année néerlandophone et francophone, Michèle Sioen (Sioen Industries-groep) et Eric Everard (Artexis Group) ou encore Alexandre Van Damme, dont la société Cesto détient une part du club de football RSC Anderlecht.

L’ancien Premier ministre Yves Leterme est épinglé dans ces LuxFiles. Avant même son départ de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où il officiait de 2011 à 2014 comme secrétaire général, le politicien flamand a été nommé administrateur de Tele Columbus Holding, une société de participation établie au Luxembourg. Il s’agirait d’une «boîte aux lettres». Détail piquant : en 2013, l’OCDE publiait un document «épinglant précisément le Luxembourg et son système de boîtes postales soustrayant des montants astronomiques aux administrations fiscales nationales», comme le rappelle Le Soir.

Pavé dans la mare pour Gramegna

«Sa petite Suisse et la vallée de la Moselle font les délices des touristes d’un jour. Mais des dizaines de milliers d’entreprises belges et étrangères ont surtout été séduites par le bon accueil fiscal du Grand-Duché de Luxembourg. Au point d’y réserver leur séjour sur le long terme», conclut Le Soir dans le premier volet de son enquête. Quatre autres vont suivre cette semaine.

Au lendemain du satisfecit qu’il s’est accordé, cette nouvelle attaque venant de Belgique constitue un pavé dans la mare du ministre des Finances, Pierre Gramegna, tout comme pour le gouvernement sortant dans son ensemble. Les démarches pour calmer le jeu et se rendre plus transparent après le scandale LuxLeaks, qui a éclaté en novembre 2014, sont aujourd’hui remises en question.

Il y a quelques semaines, le commissaire européen, Pierre Moscovici, avait déjà épinglé le Grand-Duché pour sa politique fiscale trop agressive. Le débat sur une harmonisation de l’assiette fiscale, concernant notamment l’imposition des géants de l’internet, est encore loin d’être clos. Et le Grand-Duché pourrait sortir affaibli de cette nouvelle semaine de révélations.

David Marques

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