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Airbnb, roi de l’optimisation fiscale


Le site de location de logement entre particuliers très florissant en France, n'a payé que 69 168 euros d'impôts en 2015. (Photo AFP)

Airbnb, le site de location de logement entre particuliers très florissant en France, n’a payé que 69 168 euros d’impôts dans l’Hexagone en 2015 grâce à des techniques d’optimisation fiscale, au grand dam des hôteliers.

La plateforme, qui se targue de proposer plus de 300 000 annonces en France, ne fait rien d’illégal à proprement dit, rappelle Le Parisien qui a révélé l’information. Mais quand ils utilisent les services d’Airbnb dans le pays, son deuxième marché après les États-Unis, les clients versent l’argent à deux sociétés étrangères, l’une irlandaise, l’autre britannique, explique le quotidien. La filiale hexagonale du site, la SARL Airbnb France, ne s’occupe elle que du marketing et de la promotion de la marque, une prestation pour laquelle elle a dégagé en 2015 un chiffre d’affaires de 4,96 millions d’euros et un bénéfice de 166 373 euros, détaille Le Parisien.

Or selon une note du cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel réalisée en mai pour le compte de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (Ahtop), les commissions récupérées par Airbnb sur la location de logements en France s’élèveraient, selon les critères retenus, à un montant annuel compris entre 60 millions et 160 millions d’euros.

Airbnb se défend d’agir dans l’illégalité. Une porte-parole assure que la société «se conforme aux lois fiscales dans les pays» où elle exerce son activité. «Notre bureau en France fournit des services de marketing et paie toutes les taxes applicables», ajoute-t-elle. Mais pour le président de l’Ahtop, qui a déposé une plainte au parquet de Paris en novembre 2015 afin de dénoncer la «concurrence déloyale» des plateformes de location de meublés en ligne, cet argument ne tient pas.

La collectivité flouée

«Le fait d’encaisser des commissions en Irlande alors que la prestation se déroule en France entre Pierre et Paul, si ce n’est pas illégal, je ne sais pas ce que c’est», s’indigne Jean-Bernard Falco. «Si on se contente tous de dire c’est l’Irlande, l’Europe, on a le droit de le faire, on va tous s’y mettre dans ce cas-là, menace-t-il. Mais alors qui va payer notre système social ?» Pour Hervé Becam, vice-président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, Airbnb ne commet pas de fraude au sens strict. Mais le montage fiscal choisi par la société «pointe bien toutes les contradictions dans ce qui se passe aujourd’hui sur toutes ces plateformes, à savoir que c’est de la TVA ou des impôts sur les sociétés qui échappent à la collectivité», note-t-il.

Se retranchant derrière le secret fiscal, le ministère des Finances n’a pas souhaité commenter les pratiques fiscales d’Airbnb. «Quand des sociétés mènent leurs activités en France et cherchent à échapper à l’impôt, nous les redressons», tient tout de même à faire savoir Bercy. Plusieurs grandes multinationales américaines sont régulièrement blâmées pour vouloir échapper aux impôts en choisissant de s’installer dans des pays à la fiscalité plus favorable. Le fisc français a notamment dans le collimateur des groupes comme Google et McDonald’s à qui sont reprochés des transferts entre leurs filiales opérant en France et celles établies en Irlande ou au Luxembourg.

Fréquemment accusé de concurrence déloyale et de participer à la flambée des prix du logement dans les grandes agglomérations, Airbnb a mis en place l’an dernier la collecte de la taxe de séjour à Paris et à Chamonix, puis depuis le 1er août dans 17 autres villes françaises. Le groupe, valorisé selon la presse américaine à 30 milliards de dollars, assure avoir collecté au total dans le monde plus de 110 millions de dollars de taxes de ce type.

L’équivalent de deux grands hôtels luxembourgeois

Au Luxembourg, le site Airbnb recense un peu plus de 300 annonces, surtout localisées sur la capitale. Avec un prix moyen de 65 euros la nuit, l’offre du site de partage est largement inférieure au prix moyen d’une nuitée dans un hôtel luxembourgeois, qui est de 125 euros selon le classement du World Hotel Index, plaçant le Grand-Duché à la 67e place des villes aux nuitées les plus chères dans le monde.

Si pour le moment le nombre d’annonces au Luxembourg représente l’équivalent de deux grands hôtels entiers, la pratique inquiète tout de même l’Horesca (fédération des hôteliers, restaurateurs et cafetiers au Luxembourg), qui a déjà souligné vouloir un cadre légal adapté à cette économie de partage, allant jusqu’à décrire les sites tels qu’Airbnb comme de la concurrence déloyale, dans la mesure où ces sites et les loueurs ne sont pas taxés comme un hôtel.

En effet, selon la loi luxembourgeoise, pour être considéré comme une activité commerciale, il faut proposer des services supplémentaires au logement, par exemple un repas ou le petit-déjeuner. Si ce genre de site permet aux vacanciers d’opter pour un logement privé au lieu d’une chambre d’hôtel, certaines personnes l’utilisent également pour contourner les prix élevés des loyers au Luxembourg. En cherchant sur internet, on peut lire des commentaires de frontaliers (surtout des stagiaires) expliquant louer un logement par Airbnb, plus flexible qu’un contrat de location et moins cher qu’un hôtel, afin de réduire les longs trajets en train après huit heures de travail.

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