Accueil | Dossiers | AssurTech : l’assurance passe en mode digital [dossier]

AssurTech : l’assurance passe en mode digital [dossier]


L'application Game of Roads Experience de la Bâloise assurances guide l'automobiliste et lui permet de "devenir un meilleur conducteur". (photos archives LQ et captures d'écran)

Le monde de l’assurance est chamboulé depuis l’avènement de l’AssurTech, qui voit de jeunes entreprises innovantes transformer l’expérience client dans les domaines de l’assurance-vie et non-vie.

Les compagnies d’assurances aujourd’hui ne doivent pas seulement faire face à des changements réglementaires. La digitalisation est en train de bousculer le secteur. Elle est même de plus en plus pressante, selon des spécialistes.

Derrière cette digitalisation se cache un autre terme : AssurTech, ou InsurTech en anglais. Il désigne des «sociétés innovantes qui travaillent dans le domaine de l’assurance-vie et non-vie», explique Alexandre Rochegude, partenaire chez KPMG et patron du Khube, le hub pour l’entrepreneuriat du cabinet d’audit. L’AssurTech fait partie de la famille des technologies financières (FinTech). Selon Thierry Flamand, partenaire chez Deloitte, et Carlo Duprel, directeur du cabinet d’audit, «les technologies à la base de l’émergence des InsurTech sont souvent similaires à celles des FinTech». Par «technologies», on entend des applications mobiles «qui permettront d’offrir aux preneurs d’assurance une meilleure expérience client en amont de la souscription, à travers la conclusion du contrat jusqu’à la déclaration d’un sinistre», disent Thierry Flamand et Carlo Duprel.

L'assureur français Axa propose au client de gérer son sinistre en direct.

L’assureur français Axa propose au client de gérer son sinistre en direct.

Le client au cœur de la révolution

Il existe déjà des comparateurs d’assurance en ligne et des sites d’information. Ils permettent de faire un choix surtout sur le prix et «dans une moindre mesure, sur les couvertures offertes», précisent les deux membres de Deloitte. «L’avenir est maintenant de réussir à offrir via un site internet une expérience qui couplerait le meilleur prix et le meilleur conseil, notamment grâce aux robots conseillers», ou robot advisors, ajoutent-ils. Avec l’AssurTech, la manière dont le client «consomme» les produits d’assurance se transforme.

Le rendez-vous chez son «cher agent général» n’est pas nécessaire. Une tablette, un ordinateur ou un téléphone suffisent pour contracter une assurance. La génération des Millennials (personnes nées entre le début des années 80 et le milieu des années 90), qui sont aussi des digital natives, est plus encline à «aller sur un comparateur». Certains même ne veulent plus acheter de voiture, préférant en louer une et contracter une assurance pour une journée.

«Au Royaume-Uni, raconte Alexandre Rochegude, 40% des assurances sont prises sans intermédiaire.» Il s’agit souvent de contrats d’assurance non-vie. «Et aujourd’hui, cela touche de plus en plus d’assurances-vie», complète-t-il. En fait, les besoins des clients évoluent et «cela implique de gros changements» chez les assureurs.

Le groupe luxembourgeois Foyer Assurances propose Assisto.L'application permet de déclarer son accident sur son smartphone.

Le groupe luxembourgeois Foyer Assurances propose Assisto.L’application permet de déclarer son accident sur son smartphone.

Le Grand-Duché en observateur

Au Luxembourg, le marché des assurances est «très spécifique», concède Alexandre Rochegude. Visiblement, «les demandes (des clients) restent très classiques et commencent à évoluer», annonce-t-il. D’après le chef du Khube, au Grand-Duché, «on est au tout début» de l’AssurTech. La taille du pays est un facteur à ne pas négliger. Le fait de connaître personnellement un agent d’assurance «est quelque chose qui joue et on a tendance à aller le voir», relève-t-il. Pour l’instant, l’AssurTech ne bouleverse donc pas encore le marché. Alexandre Rochegude prévoit cependant «que de gros changements auront un impact sur le business model des assureurs».

Chez Deloitte aussi, on constate que les AssurTech ne perturbent pas l’écosystème. Et pour différentes raisons : en assurance-vie ou non-vie domestique, un assureur qui baserait son développement commercial uniquement sur l’AssurTech serait «confronté au problème de la masse critique et par conséquent à une capacité de mutualisation limitée», disent Thierry Flamand et Carlo Duprel, de Deloitte.

En clair, «il ne parviendrait pas à couvrir ses frais généraux». Dans le domaine de l’assurance-vie transfrontalière, «la nature des clients (très riches) et les solutions sur mesure sont un peu moins propices aux InsurTech».

Pour l’instant, comme d’autres pays européens, le Luxembourg se comporte en observateur, «il suit les développements qui se font, notamment aux États-Unis», notent Thierry Flamand et Carlo Duprel. Les trois autres gros «hubs» en la matière sont la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne qui sont en avance, selon Alexandre Rochegude.

Aude Forestier

«Un must pour notre métier»

Les assureurs présents au Luxembourg, comment perçoivent-ils le phénomène ? Les réponses sont diverses tant les expériences dans le domaine de l’AssurTech sont variées.

Chez Bâloise par exemple, on affirme que les AssurTech constituent «clairement une opportunité qui permet de rebattre les cartes» via trois leviers, dont celui du digital comme «force de redéfinition du produit». La compagnie cite le projet de voiture connectée avec la start-up Motion-S, mais aussi «les profils et applications de gestion de police d’assurance à l’usage du client et de l’intermédiaire (en assurance), aussi bien pour le domaine des assurances-vie que non-vie». La firme suisse a noué des partenariats avec des start-up au Grand-Duché. Les applications Game of Roads (de 2015) et Game of Roads Experience (de 2016) existent déjà. Cette dernière a été développée avec Motion-S.

De son côté, Marc Lauer, le patron du Groupe Foyer, perçoit l’innovation comme un «must pour (son) métier et (son) entreprise». «Nous voyons les AssurTech comme une aubaine pour découvrir de nouveaux usages, activités ou services générateurs de valeur pour nous et nos clients», continue-t-il. Foyer a développé l’application Assisto qui permet de remplir un constat d’accident à l’amiable depuis son smartphone.

Des liens avec les autres

Dans le domaine de la santé, Foyer vient de lancer mymedicis, une application destinée à «simplifier la demande de remboursement » des frais de santé. L’assureur luxembourgeois dit aussi avoir investi dans des projets. «Nous lançons régulièrement des pilotes d’expérimentation», fait aussi remarquer Marc Lauer.

L’entreprise française AXA voit les AssurTech comme «une opportunité». Elle a lancé en 2013 AXA Factory, un «accélérateur de business» destiné aux start-up innovantes à fort potentiel dans l’assurance mais aussi dans l’épargne, la banque et la gestion d’actifs. Au niveau du Luxembourg, la compagnie dit échanger et être en relation avec «des incubateurs de start-up dans des domaines divers où le lien avec l’assurance doit encore se faire». Les branches suisse et allemande d’AXA «recherchent aussi des impulsions venues de l’extérieur», nous a assuré AXA Luxembourg.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.