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Face aux populismes, « remettre la finance au service de l’économie réelle »


Aux yeux de Romaric Godin, il faut remettre la finance au service d'une croissance de qualité. (photo Isabella Finzi)

Pour Romaric Godin, rédacteur en chef adjoint du journal français La Tribune, l’Europe ne retrouvera une croissance de qualité qu’à condition de se servir à nouveau de l’économie réelle dissimulée sous l’endettement. Le journaliste était de passage à Luxembourg, mardi.

« Remettre la finance au pas pour échapper au piège de l’extrême droite». C’est sous ce titre que sur invitation des associations Etika et Attac Luxembourg, Romaric Godin, rédacteur en chef adjoint à La Tribune , a parlé mardi à la salle Rheinsheim à Luxembourg de la crise du capitalisme comme une des clefs pour comprendre la montée des populismes en Europe et ailleurs dans le monde.

La crise des subprimes de 2007, qui a plongé le monde dans une crise économique profonde, a été suivie d’une reprise «faible et insatisfaisante, de très mauvaise qualité» , a expliqué le journaliste financier, pour qui cette reprise équivaut tout au plus à une «consolidation après crise» . Le taux d’inflation est resté stable et la demande reste faible dans la zone euro, alors que les inégalités sociales sont en croissance.

La «paupérisation», après avoir touché les plus démunis, concerne aujourd’hui les classes moyennes, dont le rêve d’ascension sociale se brise contre la réalité. En l’absence d’alternative, on assiste au retour des populismes et des solutions simples ou alors de visions nostalgiques prônant un retour aux Trente Glorieuses, à un âge d’or hypothétique.

Relancer l’investissement public

Pour comprendre les origines de cette évolution, Romaric Godin nous fait remonter aux années 70 et aux débuts d’une politique d’endettement, c’est-à-dire la financiarisation croissante de l’économie stagnante pour combler son besoin de liquidités. Et où on choisit de satisfaire les actionnaires plutôt que de privilégier les investissements.

Pacte avec le diable, qui signera le début de ce qu’on appelle la mondialisation, la baisse des coûts de production, des salaires et des impôts sur les sociétés. Tout cela suivi d’une «déconstruction de l’État social pour donner de la marge aux sociétés» . Le résultat  : une «dissimulation de l’économie réelle» qui a une production moindre, comme l’a expliqué Romaric Godin.

En même temps, l’extrême droite est présente dans les régions touchées par la désindustrialisation depuis bien avant la crise de 2007, notamment «sur les anciennes terres de la gauche» , parmi les plus touchés par cette «croissance tirée par la finance», comme l’appelle le rédacteur en chef adjoint de La Tribune , les politiques d’austérité et de dérégulation du marché du travail en l’absence de croissance de la productivité .

Romaric Godin révèle également le rôle ambigu joué par les Banques centrales qui accordent des subventions sous forme de prêts et qui, par-là même, ne font qu’alimenter le système de la financiarisation.

Mais il y a des pistes de sortie  : le journaliste français exige une «réflexion à un nouveau type de capitalisme» , un capitalisme qui remettrait la finance au service d’une «croissance de qualité» . Mais avant d’y arriver, il faudrait des investissements. Malheureusement, avec les propositions politiques qui courent, rien ne laisse présager un changement d’orientation. Si bien que, comme le dit Romaric Godin, «les populations ont toutes les raisons de se désintéresser de la politique et donc de laisser la voie aux populistes» .

Pour que l’on constate un changement, il faudrait déjà, comme le propose Romaric Godin, retourner à l’investissement public, réformer l’État, contrôler l’utilisation des fonds qui bénéficient de garanties d’État, et réduire de manière générale l’attrait pour la liquidité, à côté de la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales.

Frédéric Braun

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