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Fonds responsables : « Tout le monde peut investir dans les énergies renouvelables »


"Il ne suffit pas d'avoir un département "développement durable" au sein d'une entreprise, il faut que cela fasse partie de la stratégie globale, ce n'est pas un truc à part", dit Raymond Schadeck (Photo : Claude Lenert).

Raymond Schadeck, le président d’Investing for Development, a eu l’occasion de sensibiliser le public aux investissements durables lors d’une conférence sur la réalité des réfugiés climatiques.

Administrateur indépendant, Raymond Schadeck est le président de Luxexpo The Box. Il est aussi très engagé dans le domaine social et environnemental. Mercredi dernier, il avait organisé une conférence qui proposait, entre autres, d’investir dans les fonds responsables, ce que chacun de nous pourrait faire.

Les études parlent de 143 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050. C’est inéluctable ?

Raymond Schadeck : Oui, dans l’hypothèse d’un réchauffement climatique de 1,14 °C. Si nous atteignons les 2 °C, ils seront plus nombreux. Certaines études parlent de 250 à 500 millions de réfugiés climatiques, essentiellement originaires d’Afrique et du Moyen-Orient qui tenteront de gagner l’Europe, tandis que les réfugiés d’Amérique latine se tourneront vers les États- Unis.

L’engagement des pays à limiter la hausse de la température en dessous des 2 °C n’a donc toujours rien donné de concret ?

Aucun pays n’y est préparé. L’objectif visait à mettre en place pour chaque pays une stratégie qui respecterait cet engagement, mais il n’y a toujours rien de concret. Une étude suisse a révélé à travers une analyse d’un échantillon représentatif de fonds de pension et d’assurances-vie que l’alignement des investissements par rapport à cet objectif montre au contraire que le réchauffement se situera entre 4 et 6 °C. Tout le monde sait que l’on ne va pas y arriver, d’autant que les stratégies existantes ratent l’objectif à 67 %.

Quelle est l’urgence absolue aujourd’hui ?

Trouver 1,3 milliard de milliards d’euros, soit 1,3 trillion par an pour régler le problème. L’ensemble des subventions accordées par la totalité des pays de la planète aux énergies fossiles est de 5,3 trillions d’euros.

Ce que le client désire c’est un bénéfice à court terme, alors que le développement durable c’est du long terme

C’est un problème de volonté politique ?

Pas seulement. La citation qui me motive en ce moment est celle-ci : « I always wondered why somebody does not do something to fix climate change until I realized, as by the way all of us, I am somebody (Je me suis toujours demandé pourquoi quelqu’un n’avait pas encore trouvé de solution avant de réaliser que j’étais, comme d’ailleurs nous tous, ce quelqu’un). » La place financière luxembourgeoise gère des actifs pour une somme proche de 5 trillions d’euros. Que font les banques? Elles investissent là où le client le désire et ce qu’il désire c’est un bénéfice à court terme, alors que le développement durable c’est du long terme. Il faut amener tout le monde à penser différemment. Il faut aller voir son banquier et dire que l’on ne veut plus investir dans des produits nocifs pour l’environnement, comme les énergies fossiles ou le plastique. Il faut être réaliste, ces placements ne rapporteront pas 3, 4 ou 5 %.Ils n’éviteront pas les réfugiés climatiques non plus…
Non, même si on parvenait à limiter le réchauffement aujourd’hui, il y aura encore et toujours 143 millions de personnes qui ne peuvent plus continuer à vivre dans leur région à moins de les aider à résoudre leurs problèmes, c’est-à-dire combattre la sécheresse et leur assurer un habitat.

Et pour cela, il existe des produits financiers ?

Oui. Tout le monde peut investir dans des produits qui visent le dessalement de l’eau ou l’agriculture de précision mais aussi les énergies renouvelables, la reforestation ou encore l’économie circulaire. Et avec cela, il y a des solutions. Le Pr Ravi Fernando les a exposées mercredi dernier en citant l’exemple des Pays-Bas, deuxième exportateur mondial de fruits et légumes alors que le pays n’a pas d’eau. Il s’agit d’agriculture de précision qui permet, par exemple, de réduire de 90 % la consommation d’eau pour produire des tomates, le tout fonctionnant à 100 % avec de l’énergie solaire. Il faut amener cela dans les pays qui en ont besoin, il faut que quelqu’un ait un intérêt économique pour le faire. Il y a de belles initiatives qui se créent, mais pas massivement au niveau des fonds d’investissement.

Le Luxembourg est déjà spécialisé dans les obligations de développement durable…
Oui, le Grand-Duché a lancé le Luxembourg Green Exchange il y a deux ans, la première Bourse verte au monde entièrement dédiée aux investissements destinés à lutter contre le réchauffement climatique. Le gouvernement envisage dans son programme un fonds climatique également. Mais chacun doit jouer un rôle. Comme le dit le Pr Ravi Fernando, il faut créer des coalitions, donc trouver des financiers qui prennent le lead, puis des solutions technologiques qui existent déjà et ouvrir l’investissement au plus grand nombre. Pourquoi ne pas offrir à Noël une part dans un fonds climatique comme je l’ai suggéré lors de la conférence. Alors bien sûr, 1,3 trillion d’euros, c’est énormément d’argent, mais tous ensemble on peut y arriver.

Entretien avec Geneviève Montaigu

Retrouvez la grande interview du lundi en intégralité dans l’édition papier de ce 3 décembre.

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