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Revenu universel : une facture trop lourde


Muriel Bouchet, à gauche, à côté de Marc Wagener, directeur de la Fondation IDEA, et Michel-Édouard Ruben, lui aussi économiste au sein du think tank. (Photo Fabrizio Pizzolante)

Un économiste de la Fondation IDEA a évalué la viabilité économique de l’instauration du revenu universel au Luxembourg, sur la base du projet pilote finlandais. Il en arrivé à la conclusion qu’un revenu universel de 1000 euros au Grand-Duché serait tout simplement impayable sur le long terme.

Le concept d’une allocation universelle a été remis au goût du jour récemment par la Finlande. Cela a eu pour effet de réveiller certains politiques luxembourgeois sur la faisabilité d’un tel revenu au Grand-Duché. Politiquement parlant, le Parti pirate soutient depuis longtemps ce concept, qui, selon Sven Clement, le président des pirates, serait à la base un concept libéral. Ce qui n’est pas faux, puisqu’en 1976 c’est un certain Milton Friedman, prix Nobel d’économie de cette même année et économiste libéral influent du XXe siècle, qui proposa d’introduire un revenu de base. Mais aujourd’hui est-ce qu’une telle mesure est économiquement viable au Luxembourg ?

C’est ce qu’a tenté de démontrer l’économiste Muriel Bouchet, de la Fondation IDEA, think tank indépendant de la Chambre de commerce. Pour cela, Muriel Bouchet s’est basé sur le projet pilote régional de la Finlande – très proche du Grand-Duché en termes de coût de la vie – consistant à verser une allocation de 1 000 euros, sans distinction d’âge, de santé ou de situation sociale, le tout en remplacement de certaines aides sociales existantes.

Un coût de près de 14 % du PIB

L’économiste a donc sorti la calculette afin d’envisager la faisabilité du revenu universel. Le calcul de base est relativement simple, il consiste à multiplier le nombre de résidents (558 000 en 2014) par 12 000 (soit 12 mois fois 1 000 euros). Le coût annuel pour les administrations publiques serait de 6,7 milliards d’euros, ce qui équivaut à 13,6 % du PIB de 2014 ou encore à 32 % du total des dépenses actuelles de l’administration publique.

«Une telle facture de 13,6 % du PIB semble assez réconfortante à première vue, puisque les prestations sociales totales représentaient, selon le Statec, 20,3 % du PIB en 2014. Ainsi, si l’allocation universelle avait vocation à remplacer les prestations sociales, l’État réaliserait une économie, de surcroît énorme puisqu’elle équivaudrait à 6,7 % du PIB», souligne Muriel Bouchet.

En effet, même les plus libéraux ne sont pas prêts à supprimer les soins de santé ou l’assurance dépendance sous prétexte que chaque individu dispose d’une allocation universelle de 1 000 euros, ou à diviser par trois la pension d’un salarié isolé touchant 3 000 euros par mois. L’économiste a considéré uniquement 6,83 % de prestations sociales comme étant des prestations sociales «remplaçables». Toujours d’après Muriel Bouchet, le coût net du revenu universel serait dans un premier temps aux alentours de 7 % du PIB (les 13,6 % moins les 6 % d’aides remplaçables).

Les frontaliers font exploser la facture

Le Luxembourg est un pays atypique en termes de population active et de marché du travail, dans la mesure où il repose également sur la main-d’œuvre des frontaliers. «Le Luxembourg se caractérise par la présence de quelque 160 000 travailleurs non-résidents (les « frontaliers »). Il serait pour le moins délicat, pour des raisons morales mais aussi économiques et juridiques, de les exclure du bénéfice de l’allocation universelle. De même que les membres de leurs familles, puisque les enfants des résidents bénéficieraient pour leur part, par définition, de l’allocation universelle», souligne l’économiste.

Toujours dans un raisonnement d’économie-fiction, il continue son équation en prenant en compte les 160 000 frontaliers, soit un ajout de 1,92 milliard sur la note, représentant 3,9 % du PIB, faisant passer la note totale à 17,5 % du PIB (13,6 % + 3,9 %). Muriel Bouchet va plus loin, et décide de distribuer l’allocation aux frontaliers et aux membres de leurs familles, soit plus ou moins 400 000 personnes et un coût supplémentaire de 4,8 %. La facture se monte alors à 23,3 % du PIB (13,6 % + 9,7 %). À cela, nous pouvons y soustraire les 7,9 % représentant les prestations sociales actuelles pouvant être supprimées à la suite de l’instauration d’une allocation universelle. L’addition reviendrait alors à 15,4 % du PIB.

Là encore, la différence est relativement faible entre les 20,3 % du PIB que coûtent les prestations sociales et les 15,4 % de facture d’une allocation universelle. Sauf s’il faut encore insérer cette dépense dans une vision à long terme.

«Comme les administrations publiques luxembourgeoises sont actuellement plus ou moins en équilibre (un léger excédent a été enregistré en 2014), le déficit public serait du même ordre de grandeur, soit environ 15 % du PIB. À long terme (sur 30 à 40 ans) et même si la croissance nominale du PIB était de 5 % l’an (3 % en réel et 2 % d’inflation par exemple), un tel déficit donnerait lieu à un endettement des administrations publiques de… 300 % du PIB, ce qui ‘enfoncerait’ allègrement les actuelles performances de la Grèce», conclut-il, tout en précisant que ce calcul ne prend pas en compte le coût futur du vieillissement démographique.

Le revenu universel n’est donc pas pour demain au Luxembourg, à moins que l’expérience grandeur nature de la Finlande n’ouvre d’autres pistes de réflexion et démontre des bienfaits venant impacter positivement le coût de cette allocation qui doit, il faut bien le dire, faire rêver pas mal de citoyens.

Jeremy Zabatta

4 plusieurs commentaires

  1. Désolé pour les fautes d’orthographie, prière/autorisation de corriger. Merci 🙂

  2. qu’une tentative de discréditer le système du revenu de base.
    Quant à l’application, condition(s):
    habiter au Luxembourg depuis un certain temps – p.ex. 5 années – , les adresses ‘fictives’ étant à éliminer.
    Rajoutons que ça rapporterait des avantages s’un côté aux employeurs – salaire moins 1000€ – de l’autre côté aux emplyés – moins de nécessité d’accepter plein de restrictions – ce qui relancerait en fin de compte la compétitivé du Luxembourg.
    Bref: la dame ne vaut pas son salaire car son ‘analyse’ est incompétente!!

  3. Calcul bête et méchant qui ne prends en aucun cas les effets positifs du revenu de base et les éconnomies dans d’autres domaines que cela peut engendrer. Franchement faut être un économiste renomé avec plein d’années d’études pour sortir un calcul aussi idiot et limité?
    Enfin bref, le luxembourg fait ce qu’il veut.

    • Vous avez raison: elle ne prend pas en considération:
      diminuation RMG, aides sociales Communes, chômage, frais ADEM, augmentations à la consommation (TVA) et d’autres.
      En plus le BIP luxembourgeois par tête de pipe dépasse les 100.000£ depuis 2007.
      Payer 12.000€ par citoyen ne constituerait donc qu’à peine 12% du BIP. En y rajoutant les dépenses de frais du système de santé – 14% du BIP, probablement sensiblement diminués en cas de revenu de base (p.ex. CNS en cas de maladie) – consituerait aussi une baisse sensible de ce côté-là.
      Rajoutons que ceux qui veulent/peuvent gagner plus en travaillant – diminué du revenu universel – rapporteraient aussi des impôts.
      Ce ‘calcul’ n’est donc rien d’autre

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