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La farce de la déchéance

Vendredi, les députés français ont commencé l’examen de la révision constitutionnelle et de la déchéance de nationalité. Près de trois mois après les attaques du 13 novembre, c’est le début de la fin de la polémique. Le texte sera voté, ou non, mais aura coûté cher à l’exécutif français qui a montré, une nouvelle fois, son incapacité à réunir autour d’un projet.

Et quel projet. Celui de rendre possible, en modifiant la Constitution, la déchéance de la nationalité française. Dans un cadre extrêmement précis, les binationaux nés français pourront perdre leur passeport tricolore «pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation». Le code civil l’autorisait déjà pour les binationaux naturalisés.

Si le texte était voté, et rien n’est moins sûr tant la majorité des trois cinquièmes semble s’éloigner pour le gouvernement, il créerait de fait deux catégories de Français. Ceux de souche, expression ô combien marquée politiquement, et les autres, ceux issus de l’immigration. Ces derniers savent qu’ils ne risquent rien s’ils «n’atteignent pas à la vie de la Nation». Mais le symbole est fort, sans doute trop.

Imaginons, un instant, le même type de loi au Luxembourg, pays d’intégration où près de la moitié de la population est étrangère et dont une partie aspire à acquérir la nationalité luxembourgeoise. Quel sens aurait, au cœur de l’Europe, la possibilité de retirer la nationalité de quelques citoyens en jetant l’opprobre sur une grande partie de sa population? Aucun.

Car ce texte sur la déchéance de nationalité ne concerne que quelques individus potentiels, des terroristes prêts à se sacrifier pour leur cause. La nationalité n’a pas de sens pour eux, alors qu’elle en a tant pour les autres, ceux qui tentent, jour après jour, de s’intégrer, de faire partie de la communauté nationale, en France, au Luxembourg ou ailleurs.

La déchéance de nationalité est une attaque au bon sens. Et, un à un, les députés français s’en rendent compte, quelle que soit leur couleur politique.

Christophe Chohin (Cchohin@lequotidien.lu)

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