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Le chemin est-il tout tracé ?

Au jeu de la divination électorale, tout le monde prédisait en 2013 une déculottée au Parti socialiste qui venait de propulser Étienne Schneider en tête de liste. Mais au soir du 20 octobre, le LSAP maintenait ses 13 députés, ouvrant le chemin à une alliance inédite avec le DP et déi gréng qui évinçait le CSV au pouvoir depuis 34 ans.

En 2018 à nouveau, les socialistes se voient promis à l’opposition, selon le même postulat : ils ont vendu leur âme au libéralisme triomphant, se coupant de leur électorat traditionnel. Pour autant, Étienne Schneider, apprécié des patrons, présente un bon bilan économique. Et le LSAP compte, pour faire le plein de voix, sur des individualités marquées à gauche, comme Nicolas Schmit, Romain Schneider et bien sûr sur le très populaire Jean Asselborn. Néanmoins, les communales de 2017ont apporté leur lot de traumatismes au LSAP qui a notamment perdu son fief d’Esch-sur-Alzette.

Le score des socialistes n’est pas la seule inconnue d’un scrutin clôturant une campagne sans passion. Qu’en sera-t-il des verts après une première expérience gouvernementale où leurs 6 députés étaient le pivot de la majorité ? Le changement climatique est devenu très concret et le thème de la croissance a polarisé le débat ces derniers mois. Cela devrait profiter à déi gréng, sauf que les écologistes version 2018 ont renoncé à nombre de leurs fondamentaux, convaincus que le marché jugulera la tragédie environnementale. Des figures historiques comme Jean Huss, garantes d’une ligne ancrée à gauche, ont claqué la porte et le pari des écolos est dès lors d’avoir su convertir une part de l’électorat libéral à leurs nouveaux préceptes.

L’écologie est devenue un axe majeur pour déi Lénk dont le programme sur ce sujet – comme sur d’autres – est salué comme le plus pertinent par les organisations de la société civile. Pour la Gauche, le salut passe par la rupture avec l’économie marchande capitaliste et son dogme de la croissance, responsables de la spirale destructrice de l’environnement. L’abolition du capitalisme demeure aussi le credo du KPL, le Parti communiste, qui dit enregistrer un nombre croissant de membres dans un pays où 16 % de la population vit à la limite ou sous le seuil de la pauvreté.

Plus indéterminés idéologiquement, les pirates espèrent transformer leur essai des communales en envoyant au moins un élu au Parlement. L’ADR ne laisse en revanche planer aucun doute sur son enracinement idéologique. Jouant de la peur des étrangers, le parti veut surfer sur la vague nationaliste et identitaire qui mine l’Europe et interprète trop facilement comme un vote d’adhésion à ses idées le rejet massif du droit de vote pour les étrangers au référendum de 2015. Dans les faits, l’ADR est en constante perte de vitesse depuis 2004 et rien ne dit qu’il sera le réceptacle d’un suffrage protestataire.

Grand favori des sondages et premier parti en nombre d’élus, le CSV voit son retour au pouvoir déjà tout tracé. Sa nouvelle figure de proue est Claude Wiseler. Plutôt consensuel, il veut gouverner au centre, quand bien même il n’hésite pas à l’occasion à sacrifier à la démagogie droitière ambiante, comme ce fut le cas sur la loi antiburqa ou le droit de vote des étrangers.

Reste le DP et son charismatique leader, installé Hôtel de Bourgogne depuis cinq ans. Xavier Bettel est une entreprise de relations publiques à lui tout seul et a compris avant tout le monde le bénéfice à tirer des réseaux sociaux, terrain sur lequel se jouent désormais en partie les élections. Populaire, se prêtant inlassablement au jeu des selfies et du serrage de pognes, il achève aussi son mandat avec un bilan étayé, ayant notamment tenu ses promesses de grandes réformes sociétales.

Les pronostics voient le DP en junior partner d’une future coalition avec le CSV, avec qui Bettel aurait déjà négocié son poste de chef de la diplomatie. Pourtant, ces derniers jours, c’est aux chrétiens-sociaux qu’il a réservé ses coups les plus durs. En 2013 aussi, le DP était promis à un score important qui ferait de lui le pivot de la future coalition. Au soir même du scrutin, les résultats confirmaient Bettel dans ce rôle de faiseur de roi. Mais finalement, c’est lui qui était devenu le roi.

Fabien Grasser

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