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Que faire du paradis ?

Après le Luxembourg et ses LuxLeaks, c’est à Malte de faire face à la tempête avec la révélation par treize médias européens des «Malta Files».

Ces documents illustrent comment l’île méditerranéenne attire les entreprises avec sa fiscalité minimaliste et comment son régime de sociétés offshore permet de blanchir l’argent sale. La Valette se défend de ces accusations comme Luxembourg le fait avec les rulings illégaux accordés aux multinationales. S’il arrive aux petits pays de l’UE de faire bloc, rien de tel cette fois. La Valette attribue les divulgations à un complot germano-luxembourgeois dans le but de dissuader les sociétés britanniques de mettre le cap sur Malte après le Brexit. Pourtant, ces deux pays ont tout intérêt à avancer unis sur la fiscalité. Non pour défendre des pratiques devenues réellement insupportables pour leurs partenaires européens, mais pour placer ces partenaires face à leurs responsabilités.

Nul besoin de refaire l’histoire de la sidérurgie pour comprendre comment son déclin a précipité l’émergence de la place financière luxembourgeoise. Faute d’autres ressources, Malte et Luxembourg ont joué de la concurrence fiscale pour survivre et assurer le bien-être de leurs populations. Cela au su et avec la complicité de grands voisins comme l’Allemagne et la France dont les banques, par exemple, prospèrent au Luxembourg. Nul besoin aussi de s’écharper sur ce qu’est ou n’est pas un «paradis fiscal», étant entendu que c’est bien de la fiscalité que le pays fait son miel.

Le problème, au fond, est européen. Quelle place l’UE accorde-t-elle à ces nations au poids démographique et territorial minime à l’échelle du continent ? Démanteler du jour au lendemain le «paradis fiscal» luxembourgeois serait ruine pour le pays et les régions frontalières voisines. Il y a un an, en plein procès LuxLeaks, Le Quotidien avait posé la question à l’eurodéputée française Eva Joly, grande pourfendeuse de l’évasion fiscale. «Ils n’ont qu’à faire de la drogue», avait-elle ironisé. Oui, mais encore ? Pas grand-chose et à vrai dire personne ne semble y réfléchir sérieusement. À l’heure où la relance de la construction européenne est sur toutes les lèvres, voilà pourtant un bon sujet de travaux pratiques, au-delà des déclarations de bonnes intentions.

Fabien Grasser

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