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Triste jour pour la démocratie

L’Assemblée nationale française a adopté, mardi, en première lecture une nouvelle loi antiterroriste qui consiste à faire entrer dans le droit commun les principales mesures d’un régime qui est censé demeurer exceptionnel, à savoir l’état d’urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre 2015. Le pouvoir de la justice est rogné au profit de l’administration et de la police dans une nouvelle atteinte à l’État de droit et aux libertés publiques et individuelles.

Cette loi ne répond qu’à une logique purement politicienne : montrer au bon peuple effrayé que l’on agit pour le protéger car l’état d’urgence n’a aucune utilité dans la lutte contre le terrorisme et la France possède déjà un arsenal antiterroriste préventif depuis le milieu des années 1990. Sur les 5 000 perquisitions administratives (sans l’aval d’un juge et sans preuves) effectuées depuis le 14 novembre 2015, seulement… 20 (soit 0,4 %) ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête liée au terrorisme (et rien ne dit que ces enquêtes aboutiront à une condamnation). C’est-à-dire que près de 4 980 portes d’appartement ont été enfoncées au milieu de la nuit, que près de 4 980 pères ou mères ont été plaqués au sol une arme sur la tempe et parfois blessés devant leurs enfants… pour rien. Sans oublier les militants écologistes empêchés de manifester pendant la COP21 au nom de l’état d’urgence, certainement des terroristes en puissance…

Au «pays des droits de l’homme», l’absence de débat public sur la question et l’indifférence de la majorité silencieuse étonnent. C’est que l’état d’urgence, dans les faits, n’affecte pas tout un chacun de la même manière. Il aboutit à criminaliser une minorité : les musulmans. À l’instar des perquisitions, qui sera concerné par les contrôles d’identité désormais autorisés sans justification ni aval de la justice? Certainement pas le petit blondinet aux yeux bleus, même s’il porte une grosse barbe.

Et sans même parler du Front national, qui peut dire qui sera au pouvoir dans 20 ans en France? Avec cette nouvelle loi antiterroriste et la surveillance électronique généralisée entérinée sous le mandat de François Hollande, toutes les dérives sont possibles.

Nicolas Klein

2 plusieurs commentaires

  1. Sans polémiquer sur la pertinence de cette nouvelle loi et ce qu’elle apporte ou pas, c’est le titre de votre édito qui m’interpelle : « Triste jour pour la démocratie ».

    Là, je ne comprends pas. Je ne suis pas Français mais – dites moi si je me trompe- cette loi a fait l’objet d’un débat au parlement et d’un vote on ne peut plus démocratique et que la principale opposition est venue… des LR, parce qu’ils trouvent qu’elle ne va pas assez loin ! On ne peut donc plus démocratique.

    Donc c’est un triste jour pour ceux qui comme vous s’inquiètent de ces mesures mais, svp, laissez la démocratie en dehors de ça (d’ailleurs, comme vous le soulignez, la rue ne moufte pas et approuve donc de facto le processus).

    Si maintenant, vous estimez que c’est le système démocratique à la française qui est en cause et que le parlement ne reflète pas le paysage politique français, ça c’est un autre débat. Mais là c’est pareil : peu de voix s’élèvent pour modifier un système qui, jusqu’à nouvel ordre, fait partie intégrante de l’Etat de Droit.

    Donc, la démocratie, elle a bon dos et il vaut mieux là laisser en dehors du débat.

    Purée Nicolas, vous nous avez habitués à plus de pertinence.

  2. « 1984 » n’était pas censé être un mode d’emploi …
    On est plus dans un mélange de « 1984 » et de « Le Meilleur des mondes ».
    http://ritholtz.com/wp-content/uploads/2011/11/rrxW1.png
    https://pbs.twimg.com/media/C3qqCgXWYAAHnfH.jpg

    Les anglais passent au niveau supérieur, en cherchant à instaurer pré-crime …
    Bientôt Minority Report !

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