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Trafic de drogue à Wasserbillig : une journée à l’hôtel du «tyran»


Le parquet a requis une amende et 40 mois de prison à l'encontre du prévenu de 46 ans. (photo d'illustration LQ)

D’après les enquêteurs, la gérante du «G33» à Wasserbillig profitait de la précarité de ses locataires et menaçait de dénoncer leur activité à la police.

Parmi les 21 prévenus de ce procès se trouve une seule femme. Lors de la quatrième audience vendredi, les enquêteurs se sont penchés sur le rôle clé de Bekky T. dans le réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig : elle n’est pas connue pour avoir importé ou proportionné de la drogue au «G33». Mais c’est elle qui avait en main la gestion du «Sleep well hotel» et contrôlait son accès.

Le soir, à l’heure d’arrivée des derniers trains à Wasserbillig, Bekky T. ouvrait la porte, elle jetait un coup d’œil en direction de la gare. Et les protagonistes entraient dans le « G33 » ». Entre début juillet et fin octobre 2015, l’entrée du 33 Grand-Rue à Wasserbillig avait fait l’objet d’observations policières durant des journées entières. La maison était aménagée de telle façon que personne ne pouvait y pénétrer à l’insu de Bekky T. ou Joseph E. Les fenêtres étant obstruées, aucun regard ne pouvait être porté vers l’intérieur depuis l’extérieur.

Longtemps les enquêteurs avaient dû se contenter des mouvements sur le pas de la porte. Ils avaient pu voir comment Bekky T. contrôlait l’accès, sortait les poubelles et allait faire les courses. « Si elle n’ouvrait pas, l’individu sortait son portable et composait un numéro. Quelques instants plus tard, elle arrivait pour lui ouvrir », relate l’enquêteur de la police judiciaire section crime organisée.

Les écoutes effectuées à partir du 23 octobre 2015 confirment que pour entrer et sortir au «G33» il fallait appeler Bekky T. « On était surpris de sa capacité d’accueil. Cela dépassait les neuf chambres qu’on avait vues », poursuit l’enquêteur. Ce n’est que le 27 octobre 2015 que les unités spéciales de la police ont pénétré dans l’immeuble. Mais déjà en novembre 2012, le bâtiment avait fait l’objet d’un contrôle « beaucoup moins spectaculaire ».

À l’époque, un café était exploité à cette adresse avec, à l’étage, neuf chambres louées à des personnes touchant le RMG. « Un procès-verbal pour exploitation de la main-d’œuvre avait été dressé », se souvient l’enquêteur. Le café avait fini par fermer. La vitrine fermée avec des toiles. Et une succursale du Ministère de la montagne de feu et des miracles s’était installée.

C’est fin novembre 2014 que Bekky T. aurait pris les rênes du fameux «Sleep well hotel» à Wasserbillig. Les enquêteurs se basent sur un contrat de location de la maison établi par le propriétaire Joseph E. où le «G33» est loué au Luxembourg International Freedom Center (LIFC). Dans ce document, Bekky T. est nommée coordinatrice.

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Comme le propriétaire Joseph E., elle aurait profité de la situation précaire des locataires menaçant de dénoncer leur activité à la police. Certains des occupants l’ont décrite comme un véritable « tyran» et «sévère et dure ». La maison avait 77 couchettes. Une nuit était facturée 20 euros. Mais les conditions étaient lamentables et insalubres. Des fois ils étaient obligés de dormir à plusieurs sur un même matelas. Bekky T., quant à elle, disposait d’un appartement équipé d’un lit et d’une salle de bains individuelle propre.

«Les revendeurs se relayaient 24 h/24»

Au «G33», il y avait des règles strictes à respecter. Aucune visite n’était tolérée avant 12 h, sauf le livreur de drogue Henry P. Les locataires étaient aussi obligés d’acheter leur nourriture dans le magasin dans l’immeuble et d’utiliser sa buanderie en payant cinq euros pour leurs lessives. Enfin, Bekky T. gérait la chambre VIP. Au moyen d’un supplément de 20 euros, les locataires pouvaient y passer la nuit avec leur invité. Dans un classeur vert, elle tenait les listes de présence de tous les locataires de l’hôtel.

En fin d’audience, le tribunal a entendu trois consommateurs de drogue. Un trentenaire qui a passé cinq mois dans le quartier de la Gare en 2015 affirme avoir acheté sa drogue chez pratiquement tous les 18 revendeurs qui se trouvent sur le banc des prévenus. «Pour moi, il n’y en avait qu’un qui avait la meilleure cocaïne.» Il explique avoir payé 10 ou 20 euros pour une boule ou 50 euros pour trois. Selon le témoin, les revendeurs étaient bien équipés. «Ils se relayaient. Ils étaient là 24 h/24 et sortaient les boules de leur bouche. »

Les deux témoins suivants ont été moins affirmatifs que lors de leur audition à la police. « Je viens de tous les regarder. Mais je ne les reconnais pas. Pour moi, ils se ressemblent tous» , a fait comprendre l’homme qui est détenu actuellement comme les 18 revendeurs à Schrassig.

Le procès se poursuit mardi matin à 9 h avec la suite de l’audition des enquêteurs et la visualisation de certains de leurs enregistrements vidéo.

Fabienne Armborst

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