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[Entretien] André Urbing : « Je donnerais ma culotte »

André Urbing et son bureau aux murs couverts de souvenirs dédiés à MSF, posant avec le trophée du fair-play remis l'an dernier lors du gala de la presse sportive. (Photo Jean-Jacques Patricola)

L’arbitre de football luxembourgeois André Urbing a reçu à Bakou le World Fair Play Award. Et ce pour avoir reversé, depuis 1995, toutes ses primes d’arbitre à Médecins sans frontières. Soit plus de 160 000 euros !

Attention, ceci n’est pas un scoop. En 1997 déjà, Paul Béchet, journaliste au Républicain Lorrain, contait l’initiative peu commune d’André Urbing. Celle-ci consistait à reverser l’intégralité de ses primes d’arbitre à Médecins sans frontières. À l’époque, l’intéressé espérait pouvoir «arbitrer des rencontres jusqu’à 60 ans, toujours au bénéfice de Médecins sans frontières». L’homme, qui compte 70 printemps, consigne méthodiquement dans un carnet à spirales, petits carreaux, toutes les rencontres qu’il a dirigées depuis le 1er septembre 1985 et un fameux Bourscheid – Grevels en Scolaires.

Le 9 octobre, vous avez reçu à Bakou le World Fair-Play Award. C’est quoi au juste ?

André Urbing : C’est un prix qui récompense quelqu’un pour son activité et son esprit fair-play.

Quand avez-vous su que vous deviez aller en Azerbaïdjan pour recevoir ce prix ?

Il y a deux mois je crois, j’ai reçu une lettre m’expliquant que j’étais convié à Bakou. Sur le coup, je n’y croyais pas, j’ai cru tomber à la renverse. J’avais la chair de poule. C’est incroyable, non ? Quand même, moi, me retrouver en Azerbaïdjan pour recevoir un prix mondial…

Pourquoi avoir un jour décidé de reverser tout ce que vous gagniez grâce à l’arbitrage à Médecins sans frontières ?

Issue d’une famille de six enfants, je n’ai pas connu mon père, mais l’après-guerre. Et dès l’âge de trois ans, avec ma plus petite sœur, on a été placés à l’orphelinat au Château de Sanem. Ma mère venait nous rendre visite les week-ends. Attention, je n’ai pas eu une enfance malheureuse. Au contraire, je garde de très bons souvenirs. Moi, je n’étais pas à plaindre. Par contre, des camarades, eux, étaient pupilles de la nation. C’est terrible ça… À mes 50 ans, je me suis dit que ce serait peut-être bien de faire quelque chose à mon tour pour les enfants qui en avaient besoin. Alors je suis allé voir mon oncle écrivain et c’est lui qui m’a parlé de Médecins sans frontières. C’est comme ça que j’ai commencé et, aujourd’hui, j’ai dû reverser un peu plus de 160 000 euros.

Quelle fut la réaction dans le monde de l’arbitrage ?

Certains ont compris ma démarche. D’autres non. J’ai essuyé quelques critiques, mais ça n’a pas d’importance.

N’avez-vous jamais songé à arrêter cette donation ?

Non. En 96, un an seulement après avoir commencé, j’ai reçu le prix du fair-play de la part de l’association européenne. C’était pour moi un encouragement à continuer…

Qu’est-ce qui vous fait encore courir ?

Si tu ne bouges plus, tu rouilles. Et puis, je le fais pour MSF.

Savez-vous justement ce que deviennent vos dons ?

Une fois par an, il y a une petite réception au siège de MSF Luxembourg à Gasperich. Entre un café et un morceau de gâteau, on nous présente les différents projets.

Vous êtes-vous déjà rendu sur le lieu même d’un projet ?

J’aurais pu. MSF me l’avait déjà proposé, mais cela voulait dire qu’ils m’auraient payer le billet d’avion, l’hébergement, etc. Et cet argent, je préfère qu’il soit utilisé plus utilement.

Vous n’avez jamais arbitré en DN ?

En tant que juge de touche, quelques fois, mais au centre, à l’époque on m’a dit que j’étais trop vieux… Mais ce que je préfère, c’est arbitrer les enfants. C’est l’esprit du foot, même si les parents sont terribles parfois avec les jeunes arbitres. Je comprends que certains soient vite dégoûtés.

Quel est votre meilleur souvenir ?

Je n’en ai pas de particulier… Ah si, peut-être ce tournoi international U13 à Wardenburg où il y avait de grands clubs représentés comme le Bayern, Paris SG, Helsinki, Mönchengladbach…

Le pire est sans doute cette agression dont vous avez été victime le 26 avril 2014 entre Wincrange et CeBra…

Oui. Le match était fini, je quittais la pelouse et prenait la direction des vestiaires quand une joueuse a couru vers moi et m’a mis un coup de pied au visage, puis dans les jambes, avant de me mettre un coup de boule.

Vous n’avez pas porté plainte. Pourquoi ?

Parce qu’au vu de sa fonction, cette demoiselle aurait sans doute perdu son emploi. Elle a quand même écopé de trois ans de suspension. Par contre, je regrette que la fédération n’ait pas pu poursuivre son entraîneur qui, lui, criait «vas-y recommence !». Mais comme ce jour-là, il ne figurait pas sur la feuille de match, il ne pouvait pas être poursuivi. Du moins, c’est ce qu’on m’a dit.

D’où vous vient ce besoin de donner ?

J’ai toujours été comme ça. Enfant, quand j’avais un paquet de bonbons, j’en donnais d’abord aux autres et je me retrouvais souvent le paquet vide entre les mains. C’est comme ça. Je donnerais ma culotte…

Entretien avec Charles Michel

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