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Campagne d’affichage dans le Nord mosellan : la pub qui pique les yeux


La publicité en question, telle qu’était visible avenue des Nations à Yutz ces derniers jours. (Photo : Philippe Neu / Le Républicain Lorrain)

Des affiches en 4 par 3 vantant les « charmes » d’une maison close à Sarrelouis en Allemagne ont fleuri la semaine dernière dans le pays thionvillois. Une offensive commerciale discutable à plus d’un titre.

De mémoire de Mosellan du Nord, c’est la première fois qu’une telle publicité est pratiquée sur le territoire. Depuis quelques jours, des affiches en 4 par 3, à Yutz ou encore à Terville, font en effet la promotion pour une certaine Villa Venezia. Jusque-là, rien de choquant. Le logo central du visuel montre une sorte de femme-sirène en train de réajuster sa chevelure. Rien de bien méchant non plus. Là où ça se corse, c’est quand on lit le slogan : « Ton rêve de la nuit dernière… » On peut dès lors s’imaginer qu’il est plus question ici d’un songe érotique d’une nuit d’été que de la victoire du FC Metz en Ligue des Champions… Mais on n’a encore rien vu puisque le pire est à lire dans la manchette, en haut à gauche : « 35 femmes internationales, changement hebdomadaire ! » est-il stipulé.

Et pourquoi pas « nouvel arrivage de viande fraîche tous les vendredis » tant qu’on y est ?
Sans vouloir faire sa vierge effarouchée ou se prendre pour M. et Mme la Morale, on peut quand même être interloqué par ce manque de finesse. Surtout de ce côté-ci de la frontière où, depuis le 13 avril 1946 et la loi dite Marthe Richard, les maisons closes, également appelées de tolérance, sont interdites. Qu’il faille s’en réjouir ou le regretter n’est pas le sujet. En revanche, ce qui est philosophiquement discutable, c’est le paradoxe : comment peut-on faire de la publicité pour quelque chose (nous n’aurons pas l’indécence d’appeler ça un service…) qui est interdit en France mais autorisé en Allemagne. Soit à quelques dizaines de kilomètres de là.

On peut comprendre la volonté du tenancier de cet établissement d’élargir sa zone de « chalandise ». Mais en a-t-il seulement le droit ? S’imagine-t-on un instant un coffee-shop de Maastricht faire pareille publicité pour sa dernière « récolte » de weed fraîchement coupée ? Pas un moment. Alors comment est-ce possible ?

Flou juridique

Début de réponse par la voix de Me Pierre Amadori, avocat au barreau de Thionville : « En droit, la prostitution n’est pas sanctionnée par la loi pénale mais constitue la condition préalable des divers délits de proxénétisme et le racolage actif et passif également interdits par la loi. Le statut de la prostitution en France est donc celui d’une profession libérale interdite de toute publicité et de tout démarchage », rappelle-t-il.

À savoir que depuis le 14 avril 2016, selon l’art. 611-1. du Code pénal, le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

En d’autres termes, le client est pénalisé quand il sollicite ou accepte les services d’une prostituée.

« Par conséquent, une telle publicité, vantant et incitant au recours à la prostitution pourrait tomber sous le coup de la loi si elle est bien identifiée comme telle. Il y a une marge d’appréciation » admet l’avocat thionvillois qui émet cependant un bémol : « L’activité est basée en Allemagne où le recours à la prostitution est autorisé ».

Chez Publimat, la société qui a accepté de diffuser pareille publicité, on se veut résolument apaisant. « Il n’y a aucun message qui pourrait interpeller un mineur. Et le visuel est plutôt soft. » Et même si le commercial interrogé admet avoir eu vent de quelques « remontées » de personnes un tantinet choquées, la « grenade » a vite été désamorcée. Et pour cause : « la campagne, qui comprenait une vingtaine d’affiches sur Thionville et sa région, était prévue pour une d urée d’une semaine. Lundi, tout aura disparu », assure notre homme.

Le plus étonnant dans cette histoire, c’est de n’avoir entendu aucune association féministe crier au scandale. Peut-être ne l’ont-elles simplement pas vu. Pourtant avec cette promesse ô combien dégradante de « changement hebdomadaire » , on s’attendait un peu plus à les voir monter au créneau. Qu’à cela ne tienne, il existe encore fort heureusement quelques hommes pour prendre leur relais…

Olivier Menu / Le Républicain Lorrain

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