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Équité transfrontalière : le maire de Villerupt écrit à Emmanuel Macron


Lassé du dialogue impossible avec les voisins, le maire de Villerupt interpelle directement le président français sur la question des compensations fiscales et de la prise en charge de la main d'oeuvre frontalière avec le Grand-Duché (Photo d'archives : Alain Rischard).

Le maire de Villerupt, qui rendra son tablier en mars, a adressé une lettre solennelle au président de la République française mercredi.  Il y met en lumière les profonds déséquilibres dans la répartition des charges publiques avec le Grand-Duché, du fait du phénomène frontalier.

« Depuis votre élection, il y a déjà eu 14 000 frontaliers français supplémentaires de plus. La charge pour nos communes a augmenté de 15%. D’ici l’élection présidentielle de 2022, il y aura encore 19 000 frontaliers de plus.  Sur la durée de votre mandat, la charge pour les communes françaises aura augmenté de 35% ». C’est autour de ce constat d’élu de terrain, que le maire de Villerupt interpelle le président de la République française. Les communes frontalières du Luxembourg accueillent « 106 000 frontaliers et assument les coûts de prise en charge sans percevoir la fiscalité sur les entreprises », précise l’élu. Puisque par définition, les entreprises où travaillent ces actifs sont situées de l’autre côté de la frontière. « Ce système érigé autour des failles de la construction européenne permet finalement au Luxembourg d’exporter chez ses voisins la moitié de ses charges en toute légalité (NDLR : 46% de frontaliers parmi le total des actifs au Grand-Duché). Les communes frontalières sont progressivement devenues les plus pauvres de France et doivent malgré elles suppléer à l’offre de services publics du pays le plus riche d’Europe », écrit l’élu.

« La compensation fiscale n’est pas une option parmi d’autres »

Alain Casoni note bien les initiatives de coopération transfrontalière lancées ces quinze dernières années (opération d’intérêt national sur Micheville-Belval, instances transfrontalières type GECT etc.). Mais il explique qu’elles n’ont eu pour effet que de solliciter « de toutes parts les communes à des cofinancements » (ex. avec les futures écoles qu’il faudra construire sur les reconversions de friche) alors que ces communes ne sont pas « devenues plus riches pour autant ». « Toutes ces initiatives louables n’ont pas réglé la question de fond : de quels moyens disposons-nous ? », interroge t-il.

Le maire de Villerupt déplore que la France cherche « avec constance » des solutions alternatives à une compensation financière de la part du Luxembourg, « au motif que ce dernier ne souhaite pas assumer ses responsabilités », et qu’il n’existe donc « que des solutions qui mobilisent le contribuable français ». En effet, le manque à gagner des communes françaises sur la part entreprise est compensé par des dotations étatiques liées à la pauvreté des communes, ou encore, par l’augmentation des impôts locaux sur les personnes.

Alain Casoni, qui rendra son tablier en mars après 37 années d’engagement municipal, estime enfin que « la compensation fiscale n’est pas une option parmi d’autres, c’est le préalable à toute négociation sur le codéveloppement ».

Hubert Gamelon

Vers une zone franche fiscale dans le Pays-Haut ?

Selon nos informations, au début du mois de février, le ministère français des affaires étrangères a évoqué la « mise en œuvre d’un projet territorial spécial concernant le Haut-pays lorrain, autour de mesures propres à en renforcer l’attractivité et la compétitivité. » S’agirait-il d’une zone franche fiscale française, ou d’une zone franche partagée avec le Grand-Duché ? Dans le premier cas, on pourrait y voir l’instauration d’une sorte de rapport de force avec le Grand-Duché, à petite échelle, pour tenter de stopper la fuite des actifs. Dans le deuxième cas, on pourrait y voir une fenêtre idéale pour le Luxembourg pour conserver dans son giron des entreprises gourmandes en espace, qu’il ne peut plus accueillir sur son territoire (logistique, industrie… cf  « Yaourtgate » de Bettembourg et affaire Knauf Illange).

Quoiqu’il en soit, si une telle zone permettrait de créer de l’emploi du côté lorrain, elle ne résoudrait pas le problème de l’appauvrissement des communes voisines. Et ceux pour deux raisons :

  1. On ne peut pas mettre en balance l’enjeu d’une compensation financière concernant 106 000 frontaliers, avec une zone franche qui créerait au maximum quelques centaines (milliers ?) d’emplois. Pour donner un ordre d’idée, le canton de Genève reverse chaque année environ 250 millions d’euros aux communes françaises frontalières, pour qu’elles assument la prise en charge de 95 000 frontaliers. La France reverse, sur un autre modèle, des dizaines de millions d’euros chaque année à l’Allemagne concernant le partage de la fiscalité des frontaliers.
  2. Une zone franche, par définition, consiste à taxer faiblement les entreprises pour les inciter à s’implanter. Or, c’est justement de taxes sur la richesse créées qu’ont besoin les communes frontalières, dépourvues du nombre d’entreprises correspondant à leurs nombres d’actifs.

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