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Le paradoxe du Grand Est : un très fort vote FN malgré un taux record de frontaliers


Le vote FN est très important dans la vallée de la Fensch. (photo AFP)

On se rend souvent dans le pays voisin pour y faire ses courses et chacun ou presque connaît un travailleur frontalier: dans le Grand Est, l’Europe est ancrée dans la vie quotidienne et, pourtant, on vote Front National plus qu’ailleurs.

Au premier tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen est arrivée en tête dans les dix départements de la région, qui compte 800 km de frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse. La candidate du FN a capté 27,8% des voix, contre 21,3% à l’échelle nationale. Une situation paradoxale, car le Grand Est concentre 44% des travailleurs frontaliers français, soit près de 160.000 personnes, selon les chiffres de l’Insee de 2012.

Des frontaliers qui ont tout intérêt au maintien de la France dans un espace de libre circulation et dans la zone euro. Le vote Front National divise les familles et les amis. « On essaye d’aborder le sujet le moins possible pour ne pas créer de problème dans la famille », soupire Damien, 37 ans, employé dans l’informatique au Luxembourg, dont la belle-soeur, ancienne travailleuse frontalière, vote FN.

Consultant en informatique au Grand-Duché, Eric, se dit, lui, « dans l’incompréhension » devant des proches qui votent FN tout en étant frontaliers. « L’une de ces personnes est petit-fils d’immigré polonais, son grand-père est arrivé en France avec un sac à dos pour fuir la Pologne. Aujourd’hui, ce petit-fils critique les migrants qui sont trop aidés ». La région est toutefois loin d’avoir uniformément donné des scores très élevés à Marine Le Pen.

À Thionville – dans une zone où plus de 30.000 personnes travaillent au Luxembourg – elle arrive seulement en troisième position. En Alsace, elle récolte 48% dans le village de Werentzhouse, mais 21% 20 km plus loin, à Saint-Louis, à la frontière suisse, et 12% à Strasbourg. « Les scores de Marine Le Pen sont élevés dans le Grand Est comme dans les Hauts-de-France, une autre région frontalière, mais si on regarde plus en détails, canton par canton, on ne retrouve pas du tout de corrélation entre frontaliers et vote FN », tranche Bernard Schwengler, de l’Observatoire de la vie politique en Alsace.

« Dans le Grand Est, le critère de vote élevé pour le FN, c’est la ruralité: les départements les plus ruraux, comme la Haute-Marne, ont les scores les plus élevés », souligne-t-il en relativisant l’idée d’un vote FN lorrain « social » et d’un vote FN alsacien plus « identitaire ». « En Alsace, le vote à gauche est très faible depuis longtemps: les ouvriers à la campagne ne votent pas à gauche, ce qui laissait une place plus importante pour le FN », précise-t-il.

« Pas le mur de Trump »

Voter FN ne pose pas de problème pour de nombreux électeurs de la région, car ils sont convaincus que Marine Le Pen ne mettra pas en oeuvre toutes les mesures de son programme. « Faut pas se voiler la face, il y a plein de choses qu’elle dit, mais qu’elle ne pourra pas faire », commente une commerçante de Sundhouse, dans la bucolique région alsacienne du Ried.

« Personne, aucun candidat, ne peut tenir tout ce qu’il promet et ce que promettent les autres, c’est encore plus irréel. Le président, il faut que ce soit une personne qui a du charisme, de la prestance, une personnalité ». « Elle est plus honnête que l’autre, plus de notre côté. Mais on ne repassera pas au franc, ça c’est sûr », abonde un autre électeur FN, qui demande aussi l’anonymat. Sundhouse se trouve à 6 km à vol d’oiseau d’Europa-Park, parc d’attraction installé de l’autre côté du Rhin, grand employeur de la région avec ses quelque 3.500 salariés, dont une moitié de Français.

« Nous n’allons pas construire le mur de Trump! », tente de rassurer le seul maire FN du Grand Est, Fabien Engelmann, élu à Hayange (Moselle), dans une vallée de la Fensch où le chômage avoisine les 20% et où des milliers de gens vivent de la proximité du Luxembourg. « Nous n’allons pas tout bloquer du jour au lendemain, nous aurons des discussions avec les gouvernements des pays frontaliers », plaide l’ancien syndicaliste, qui souhaite « développer le ferroviaire, le télétravail et le covoiturage ».

Le Quotidien /AFP

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