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Lorraine : la colère d’un réanimateur contre son confrère qui prescrit la chloroquine


Un praticien hospitalier de Saint-Dié a confié en début de semaine au Républicain-Lorrain qu’il soignait ses patients avec succès à la chloroquine. Prescription de son propre chef et hors cadre. Le Dr Damien Barraud, médecin-réanimateur au CHR de Metz-Thionville, s’oppose à ce comportement Et regrette les divisions que cela crée dans la communauté médicale.

Le Dr Damien Barraud, médecin-réanimateur au CHR Metz-Thionville, est en colère.« Le Code de santé publique et le code de déontologie nous interdisent de proposer des traitements non éprouvés. Ce n’est pas éthique de faire cela de manière sauvage et de se fier à ses impressions.»
En prise directe avec l’épidémie de coronavirus depuis plusieurs semaines, le Dr Damien Barraud, médecin-réanimateur au CHR Metz-Thionville, est en colère. Le témoignage anonyme lundi, dans nos colonnes, d’un praticien hospitalier lorrain qui a finalement levé le voile sur son identité ce mardi après-midi -Dr Gonzague Retournay- et qui se prévaut d’un bilan très positif après avoir prescrit de son propre chef de la chloroquine à ses patients, le fait bondir : « Le Code de santé publique et le code de déontologie nous interdisent de proposer des traitements non éprouvés. Ce n’est pas éthique de faire cela de manière sauvage et de se fier à ses impressions. Nous serions face à une maladie qui tue 100 % des patients diagnostiqués, je m’alignerais sur cette campagne de prescription, mais ce n’est pas le cas. Ce virus tue 1 % des malades. L’urgence ne justifie pas de faire n’importe quoi. Je veux bien qu’il y ait du stress, mais il faut garder la tête froide et travailler dans des cadres clairs », estime ce praticien qui a vingt ans de métier derrière lui.

Un appel à la raison

En préambule, il tient d’ailleurs à préciser qu’il n’a pas de lien d’intérêt, comme il est possible de le constater sur la base de données publique Transparence, et qu’il ne prêche donc pour aucune paroisse pharmaceutique. Il souhaite juste appeler certains de ses confrères à la raison : « Quelle que soit la molécule étudiée, nous devons absolument nous assurer qu’on ne fera pas plus de mal que de bien en l’administrant. On n’aura rien gagné si les effets indésirables sont plus problématiques que les effets bénéfiques. L’histoire de la médecine regorge de cas qui nous incitent à la prudence. Des hôpitaux suédois viennent de stopper la chloroquine en raison des effets secondaires », explique le réanimateur.

Une faillite scientifique

Il en veut beaucoup au professeur marseillais Raoult, à l’origine de ce traitement : « Il faut tenter, mais de manière claire, rigoureuse. En s’asseyant sur la méthode, il ne répond à rien. C’est une faillite scientifique, méthodologique et éthique. Cette fuite en avant du scoop scientifique ne produit que de la science de mauvaise qualité. Sa communication effroyable nous a fait perdre du temps, elle a aussi désorganisé nos services. »

Aucune preuve d’efficacité

Ce médecin de terrain se serait bien passé de ce débat qui déchire les établissements hospitaliers : « Des infectiologues et des pharmaciens ont été harcelés par des confrères pour prescrire la chloroquine. Des patients ont menacé de porter plainte si on ne leur en donnait pas. Dans mon hôpital, cela nous a poussés à une réunion de crise. Entre infectiologues, pharmaciens et réanimateurs, nous avons décidé de nous en tenir aux prescriptions préconisées. Mais il reste toujours un ou deux irréductibles. Chaque médecin reste responsable de ses prescriptions. »

À titre personnel, lui ne croit pas en la chloroquine : « On n’a à l’heure actuelle aucune preuve de son efficacité. J’ai reçu en réanimation des patients qui avaient pourtant reçu ce protocole. »

Philippe Marque (Le Républicain Lorrain)

 

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