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Belgique : des ONG dénoncent le financement de Socfin par ING


Des militants ont mené une action devant le siège belge d'ING, à Bruxelles, mardi, sur le modèle des manifestations organisées plusieurs années de suite à Luxembourg, lors de l'assemblée générale annuelle de Socfin. (Photo : Lode Saidane)

Des ONG ont manifesté devant le siège d’ING à Bruxelles, mardi, pour dénoncer l’octroi de
financements à des producteurs d’huile de palme controversés, en premier lieu la multinationale  luxembourgeoise Socfin, filiale du groupe Bolloré.

La journée de mardi a plutôt bien commencé pour Hubert Fabri, le président du conseil d’administration de Socfin. La Cour d’appel de Bruxelles a acquitté l’homme d’affaires belge dans une affaire de fraude fiscale portée sur deux sociétés satellites de la multinationale qu’il détient à 50,2 % et dont le groupe français Bolloré est actionnaire à hauteur de 38,7 %.

Mais le ton a quelque peu changé vers 12h30 quand plusieurs dizaines de militants d’ONG belges et internationales ont mené une action devant le siège belge d’ING à Bruxelles pour dénoncer le financement accordé par la banque à des entreprises d’huile de palme controversées, en premier lieu le groupe luxembourgeois Socfin, spécialisé dans les plantation de palmiers à huile et d’hévéas, l’arbre dont est extrait le caoutchouc.

Accusée d’accaparer des terres

«Sur papier, la banque s’engage à respecter toute une série de critères sociaux et environnementaux, notamment dans des secteurs sensibles tels que l’huile de palme», rappelle Florence Kroff au nom du collectif d’ONG à l’origine du rassemblement. «Mais dans la réalité, nous avons pu constater que ces engagements ne sont pas respectés et passent loin derrière les soucis de rentabilité», a poursuivi la responsable, estimant qu’«il faut arrêter de nous mener en bateau».

Les ONG ont indiqué être en discussion avec ING depuis deux ans sur les financements qu’elle octroie à Socfin, géant de l’agroalimentaire qu’elles accusent de ne pas respecter les règles environnementales et le droit des communautés riveraines de ses douze plantations africaines et asiatiques. Socfin est depuis plusieurs années dans le collimateur des ONG, y compris au Luxembourg où elle est notamment visée par l’Initiative pour un devoir de vigilance, lancée par douze ONG et le syndicat OGBL. Ces organisations accusent entre autres Socfin d’accaparement de terres, ce que l’entreprise conteste en poursuivant régulièrement en justice des médias et associations qui s’en font l’écho. À ce jour, Socfin a perdu l’ensemble de ces procès qualifiés de «poursuites-bâillons» car destinés à faire taire les critiques.

Cascade de filiales

Hier, à Bruxelles, les militants locaux ont été rejoints par les membres de deux ONG de Sierra Leone où Socfin contrôle 18 000 hectares dont 12 500 sont plantés de palmiers à huile. «Socfin est arrivée en 2011 et a accaparé 18 000 hectares de nos terres, nos chefs n’ont pas eu le choix», a témoigné une représentante de Maloa, qui défend les droits des communautés affectées par la multinationale en Sierra Leone. «À présent, nos villages sont entourés de palmiers. Nous n’avons plus de terres pour cultiver notre nourriture. Nous n’avons plus d’argent pour envoyer nos enfants à l’école. Nos leaders sont criminalisés et beaucoup de jeunes sont en prison car ils sont accusés à tort de voler des noix de palme», a-t-elle raconté.

Les mêmes faits sont, d’après les ONG, constatés en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au Liberia, autant de pays où Socfin est implantée à travers une cascade de filiales, toutes coiffées par la maison mère luxembourgeoise. Mais elle n’était pas seule visée hier, le collectif d’ONG incriminant également ING pour le financement d’un autre mastodonte de l’huile de palme, le singapourien Wilmar, mis en cause par Amnesty International pour des violations des droits humains.

La Banque mondiale ne prête plus

Publiquement, ING s’engage à appliquer des standards internationaux reconnus, notamment ceux préconisés par la Banque mondiale. Mais en 2016, cette dernière avait refusé de prêter 150 millions d’euros à Socfin en raison de l’inadéquation «entre les pratiques de l’entreprise et les bonnes pratiques internationales», rappellent les ONG dans un communiqué. Cela n’a pas empêché, quelques mois plus tard, ING d’assister Socfin dans l’émission d’un emprunt obligataire de 80 millions d’euros et serait sur le point de lui prêter 15 millions d’euros, affirment encore les ONG.

«ING refuse de répondre à nos questions concernant la responsabilité sociale et environnementale de Socfin en prétextant systématiquement le secret bancaire», a déploré Sébastien Mortier de l’association belge FairFin. Dans le seul éclaircissement obtenu par les ONG, les dirigeants de la banque néerlandaise affirment cependant avoir appliqué leurs critères sociaux et environnementaux à Socfin qui aurait répondu de «manière pleinement satisfaisante» aux questions d’ING.

Mais l’argument ne satisfait pas les ONG pour qui «ING doit cesser tout nouveau financement au groupe Socfin, responsable d’accaparement de terres et d’abus de droits humains», selon un communiqué diffusé après la manifestation. Pour appuyer leur action, les organisations ont mis mardi en ligne le site greenwash-ing.be afin de permettre aux «clients, employés et citoyens concernés» de s’informer et se plaindre.
Les membres des ONG sierra-léonaises présents hier à Bruxelles seront au Luxembourg jeudi où ils seront reçus au ministère des Affaires étrangères.

49 000 salariés dans le monde

Héritière d’une société coloniale française, Socfin est implantée depuis 1959 au Luxembourg où est établi son siège mondial. Elle y emploie une dizaine de personnes sur un total de 49 000 salariés revendiqués dans douze pays.

Dans son rapport annuel 2017, Socfin fait état d’un chiffre d’affaires de 625 millions d’euros et d’un résultat net après impôts de 25,6 millions d’euros, dont 8,4 millions redistribués en dividendes. Selon le même document, Socfin a en outre alloué 10,8 millions d’euros ses six administrateurs, dont Hubert Fabri et le milliardaire français Vincent Bolloré.

Fabien Grasser

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