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L’Allemagne redoute un enracinement de la xénophobie


Les pompiers allemands tentent d'éteindre l'incendie qui a ravagé le 21 février 2016 un foyer pour migrants à Bautzen, près de Dresde, dans l'ancienne RDA. (Photo : AFP)

L’Allemagne s’inquiète d’une forme de dérive xénophobe dans l’ancienne RDA, amplifiée avec l’arrivée des migrants et aiguillonnée par des mouvements politiques comme Pegida, après plusieurs incidents dont l’incendie d’un foyer sous les vivats de la foule.

«La honte de Saxe», titre lundi le quotidien de gauche TAZ en résumant un sentiment largement partagé: le pays est scandalisé par les événements survenus dans cet Etat régional oriental, qui ont réveillé de mauvais souvenirs. Il s’agit en premier lieu de l’incendie vraisemblablement criminel d’un bâtiment devant accueillir des réfugiés à Bautzen. Au-delà de l’acte -il s’en est produit beaucoup de ce type ces derniers mois- ce sont les quelques dizaines de badauds «manifestant une joie non dissimulée», selon la police, voir gênant l’intervention des pompiers, qui ont choqué.

L’Allemagne se remémore le traumatisme causé par la vague de violence anti-immigrés de la période post-réunification, lorsqu’un foyer à Rostock, déjà dans l’ex-RDA, avait été pris d’assaut en août 1992 et incendié sous les applaudissements d’une foule de 3 000 personnes.

« On se réjouit quand ça brûle »

«De nouveau on se réjouit quand ça brûle» en Allemagne, déplore lundi le quotidien populaire berlinois B.Z. L’incendie de Bautzen est survenu après qu’un bus de réfugiés arrivant dans un autre foyer, à Clausnitz toujours en Saxe, eut été accueilli jeudi soir par une centaine de manifestants très remontés. Les images d’un policier évacuant de force un adolescent du car et les révélations sur l’appartenance du responsable du foyer au parti anti-réfugiés Alternative pour l’Allemagne (AfD) ont ajouté à la polémique.

La chancelière Angela Merkel, par la voix de son porte-parole Stefan Seibert, a parlé lundi d’un événement «profondément honteux» et accusé la foule de «lâcheté». Ces actes soulignent une nouvelle fois l’écho particulier que rencontre le discours hostile aux migrants auprès d’une frange radicalisée de l’opinion dans l’ex-RDA. «La haine et la violence sont davantage visibles à l’Est», a reconnu lundi l’ancien président de la chambre des députés, Wolfgang Thierse, issu lui-même de RDA et figure morale très respectée en Allemagne.

«Ceux qui au cours des 25 dernières années» depuis la chute du Mur de Berlin «ont dû surmonter tant de changements ont manifestement des convictions démocratiques et morales moins solides» qu’à l’Ouest, a-t-il indiqué au groupe de presse régional Funke. Le phénomène n’est pas nouveau mais prend avec l’afflux d’un nombre record de migrants une nouvelle dimension.

Pegida ‘s’est emparé’ de l’espace public

Sur les 231 agressions d’extrême droite recensées depuis le début de l’année dans le pays, 47 se concentrent en Saxe, selon un décompte de deux ONG allemandes. Globalement, selon les statistiques officielles pour 2015, les actes de violences d’extrême droite en Allemagne ont doublé par rapport à 2014, à environ un millier. Et si la répartition par régions n’est pas encore connue, la tendance affichée en 2014 était claire: près la moitié de ces actes avaient été commis à l’Est, pourtant nettement moins peuplé.

Électoralement, c’est dans l’ex-RDA que l’AfD, voire le mouvement néo-nazi NPD au niveau communal, font leurs meilleurs scores. L’AfD est créditée de 17% des voix par un sondage pour les prochaines élections régionales de mars en Saxe-Anhalt (est).

Manque de contact avec les étrangers et de culture démocratique du temps de la RDA? Retard économique ou sentiment de déclassement exacerbé à l’Est? Les tentatives d’explication sont nombreuses, sans qu’aucune à elle seule ne suffise. Le facteur économique par exemple ne tient que partiellement en Saxe, région économiquement la plus dynamique de l’ex-RDA avec la Thuringe voisine. «Il y a dans l’Ouest de l’Allemagne une société civile forte avec une culture du débat solide, qui montre clairement aux extrémistes de droite qu’ils sont à la marge», estime le sociologue spécialiste de l’extrême droite Matthias Quent.

A l’Est en revanche, le mouvement islamophobe «Pegida et d’autres groupes se sont emparés de l’espace public et l’ont déplacé vers la droite. Les slogans d’extrême droite sont acceptés (…) les gens économiquement déclassés ont moins à perdre et il y en a plus actuellement à l’Est», ajoute-t-il dans une récente interview à l’hebdomadaire Die Zeit.

AFP/M.R.

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