Accueil | Monde | Syrie : l’EI a détruit les plus beaux vestiges de Palmyre

Syrie : l’EI a détruit les plus beaux vestiges de Palmyre


De l'Arc de triomphe, datant de l'empereur romain Septime Sévère (IIIè siècle) ne subsiste que deux piliers mais la partie centrale et les arches sont à terre. (photo AFP)

Chapiteaux renversés, colonnes démantelées, linteaux brisés, dans le magnifique site antique de Palmyre, le groupe jihadiste Etat islamique a dévasté les ruines les plus fameuses, massacré les statues du musée et truffé la ville syrienne d’engins explosifs. Reportage.

À l’entrée du temple de Bêl, le plus beau monument de cette cité surnommée la « perle du désert », les jihadistes ont écrit à la peinture noire: « Etat islamique. Entrée interdite aux civils et aux frères » (c’est-à-dire les combattants). Si l’enceinte et les cours du temple n’ont pas été touchées, la cella, la partie fermée et la plus importante du temple, n’est plus qu’un amas de gravas, à l’exception de la porte monumentale, depuis que l’EI l’a fait exploser en août 2015.

A general view taken on March 31, 2016 shows a photographer holding his picture of the Temple of Bel taken on March 14, 2014 in front of the remains of the historic temple after it was destroyed by Islamic State (IS) group jihadists in September 2015 in the ancient Syrian city of Palmyra. Syrian troops backed by Russian forces recaptured Palmyra on March 27, 2016, after a fierce offensive to rescue the city from jihadists who view the UNESCO-listed site's magnificent ruins as idolatrous. / AFP / JOSEPH EID

La majeure partie du temple de Bêl a été détruite. (photo AFP)

Sur le podium s’amoncellent les blocs de pierre beige et ocre typique de la région qui formaient les murs, et la colonnade de huit pilastres finement cannelés de 16 m de haut gît sur le sol tout comme les merlons et créneaux qui surmontaient le toit.

« Plus jamais comme avant »

« Le temple de Bêl ne sera plus jamais comme avant. D’après nos experts, nous allons pouvoir certainement restaurer un tiers de la cella détruite et peut-être plus après des études complémentaires avec l’Unesco. Cela prendra cinq ans de travail sur le terrain », a affirmé le directeur des Antiquités syriennes Maamoun Abdelkarim.

Sur les ruines, des soldats russes, qui ont joué un rôle déterminant dans la reprise dimanche de la ville, montrent à des journalistes de leur pays ce qui reste des trésors antiques.

Ce qu'il reste du temple de Bêl : un amas de gravats. (photo AFP)

Ce qu’il reste du temple de Bêl : un amas de gravats. (photo AFP)

Dans le théâtre romain, intact, des jihadistes ont écrit leurs noms et un mur est criblé de balles. C’est dans cet édifice, datant du IIe siècle, que l’EI a procédé à des exécutions publiques de soldats par des enfants de membres du groupe jihadiste.

Le théâtre romain est resté intact. (photo AFP)

Le théâtre romain est resté intact. (photo AFP)

Sur le site, de la cella du temple de Baalshamim, il ne reste plus rien en dehors de quatre colonnes, et de l’Arc de triomphe, datant de l’empereur romain Septime Sévère (IIIè siècle) ne subsiste que deux piliers mais la partie centrale et les arches sont à terre.

Cependant pour M. Abdelkarim, « l’ériger à nouveau n’est pas compliqué car tous les blocs sont là et l’arche avait déjà été remonté dans les années 30 ». « J’invite les archéologues et experts du monde entier à venir travailler avec nous car ce site fait partie du patrimoine mondial de l’humanité », dit-il.

TOPSHOTS

Selon le directeur des Antiquités syriennes, il devrait être possible de reconstruire l’Arc de triomphe. (photo AFP)

« Sauvagerie »

Quant au Musée national, il ressemble au musée des horreurs. Les jihadistes, qui l’avaient transformé en tribunal religieux, se sont livrés à un vandalisme inouï. Des statues typiques de l’art palmyrien, comme les bustes de femmes aux yeux globuleux et aux lourdes parures ont été jetés à terre, les portraits ont été mutilés et les scènes de banquets funéraires avec le visage des convives tourné vers le spectateur ont été brisés ou martelés, visiblement avec rage.

A general view shows destruction in Palmyra's museum in the ancient Syrian city on March 31, 2016. Syrian troops backed by Russian forces recaptured Palmyra on March 27, 2016, after a fierce offensive to rescue the city from jihadists who view the UNESCO-listed site's magnificent ruins as idolatrous. / AFP / JOSEPH EID

Le musée national ressemble au musée des horreurs. (photo AFP)

 

« Les experts estiment que 30% de la cité antique de Palmyre a été détruite », a affirmé sur place Talal Barazi, le gouverneur de la province de Homs, où est située Palmyre. « J’ai vu les preuves de l’obscurantisme de l’EI. Les dommages causés aux antiquités seront les témoins de leur sauvagerie », a-t-il dit.

« Je suis content que les plus belles pièces du musée aient pu être évacuées avant leur arrivée », a-t-il ajouté, faisant allusion à 400 pièces d’une valeur inestimable qui ont été transférées par le service des Antiquités vers Damas, sous contrôle du régime.

L'intérieur du musée. (photo AFP)

L’intérieur du musée. (photo AFP)

 

Dans le musée. (photo AFP)

Dans le musée. (photo AFP)

La ville nouvelle porte, elle aussi, les stigmates d’une guerre sans pitié entre les forces du régime, aidées par l’aviation et les artilleurs russes, et les jihadistes.

Les hôtels près du musée n’ont plus de devanture, des matelas pendent dans le vide. Une église a été transformée par l’EI en un centre de recrutement et le palais de justice était devenu une prison.

Dans son sous-sol, sur une porte est écrit « centre d’interrogatoire » et le sol d’une grande pièce est jonché de matelas. Sur les murs, les prisonniers ont écrit leur nom ou des messages à leur bien-aimée ou à leurs proches, comme un grand coeur dans lequel est inscrit « Farah ».

La ville moderne de Palmyre a subi des dégâts considérables. (photo AFP)

La ville moderne de Palmyre a subi des dégâts considérables. (photo AFP)

« J’étais employé municipal et j’ai passé 14 jours dans cette cellule. Mes interrogateurs étaient saoudiens, irakiens et tunisiens. Il me questionnaient avec un sabre sur la gorge », explique Abou Mahmoud, qui a fui aussitôt libéré et qui est aujourd’hui un milicien pro-régime. « J’ai eu la chance de pouvoir m’en sortir mais j’ai des amis fonctionnaires qui ont été exécutés, leurs corps jetés dans le désert et dévorés par les chiens ».

Les chaussées des rues sont défoncées par l’explosion de mines artisanales. « Palmyre l’a échappé belle. L’EI avait planté 4.500 engins explosifs artisanaux dans la quasi-totalité de la ville, reliés par des téléphones portables à la centrale téléphonique. Un des nôtres s’est déguisé en jihadiste et a tué celui chargé de déclencher un feu d’artifice », explique Abou Mamoud. Une version confirmée par le gouverneur.

Chaque demi-heure, une explosion retentit. « C’est l’unité du génie de l’armée syrienne, en attendant l’arrivée des démineurs russes dans les prochains jours », affirme M. Barazi.

SYRIA-CONFLICT-PALMYRA

Photo prise le 27 mars à Palmyre. (photo AFP)

Le Quotidien / AFP

 

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.