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Des réfugiés sportifs de haut niveau et SDF


Après avoir représenté avec brio le Luxembourg à un tournoi de karaté en Turquie, Muhannad et Mohamad Al Ali (à g.) ont perdu leurs places au foyer de Bourscheid. (Photo DR)

Bénéficiaires de la protection internationale depuis février, Muhannad et Mohamad Al Ali, tous deux karatékas de haut niveau, peinent à trouver un pied à terre.

« Nous faisons le maximum pour nous intégrer. Nous avons appris le français, nous allons commencer l’allemand. Nous voulons rester au Luxembourg.» Arrivés au Grand-Duché il y a un peu plus d’un an et bénéficiaires de la protection internationale depuis février dernier, Muhannad (21 ans) et Mohamad (20 ans), membres du Karaté Club de Differdange, ont également séduit le monde du karaté luxembourgeois : Muhannad a terminé deuxième en kata des derniers championnats nationaux. Fin juillet, les deux frères syriens ont représenté avec succès le Luxembourg à un tournoi à Gallipoli (Turquie) : Muhannad a remporté le tournoi kata et Mohamad a décroché la deuxième place en kumite. «Ce sont des recrues de haut niveau, juge Fred Charlé, le président du Karaté Club de Differdange. Ils s’intègrent bien dans le club et donnent des conseils aux plus jeunes. Et ils vont certainement s’illustrer lors de prochains championnats du monde de Linz, en Autriche (du 20 au 30 octobre).»

Muhannad et Mohamad participeront à ces championnats du monde «en tant que membres de la délégation réfugié avec le soutien financier et logistique du Luxembourg», précise Fred Bertinelli, le président de la fédération luxembourgeoise de karaté.

Tout a l’air d’aller pour le mieux sauf que… Muhannad et Mohamad n’ont actuellement pas de logement fixe. «Quand nous sommes arrivés, nous avons été hébergés quelques jours au foyer Lily Unden (à Luxembourg), raconte Muhannad. Ensuite, on a rejoint le foyer Guantanamo de Bourscheid. Nous y sommes restés environ dix mois, jusqu’en juillet dernier. Là-bas, les conditions de vie sont un peu difficiles. Nous étions deux dans une chambre d’un mètre sur deux. Le foyer se situe dans la forêt à deux kilomètres de la première maison. C’était vraiment difficile pour aller à l’entraînement à la Coque (NDLR : l’équipe nationale luxembourgeoise de karaté s’y entraîne deux fois par semaine) et à Differdange. On marchait, on prenait le bus et le train. On mettait des fois 3h30 pour aller aux séances. Mais on le faisait.»

«On nous a dit de retourner à Luxexpo…»

Tout change fin juillet à leur retour du tournoi en Turquie. «Au foyer de Bourscheid, on nous a dit qu’il n’y a plus de place pour nous, avance le Syrien de 21 ans. On nous a dit de retourner au hall 6 de Luxexpo (NDLR : le centre de primo-accueil) ou d’aller chez des amis ou dans la rue.» Ce sera d’abord quelques jours chez des amis, puis le hall 6 de Luxexpo. Deux places se libèrent au foyer Michelau, mais les deux frères refusent : «C’est trop loin.»

Le 28 septembre, ils reçoivent une lettre de l’OLAI (Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration) leur indiquant «qu’à défaut d’accepter votre relogement à Michelau et de signer le règlement d’ordre intérieur dans les 5 jours à partir de la notification de la présente, vous serez interdit d’accès avec effet immédiat à l’ensemble des structures d’hébergement gérées par l’OLAI ou un de ses partenaires». «Il y a des procédures et des principes derrière toutes nos décisions, dit-on à l’OLAI. Concernant les bénéficiaires de protection internationale (NDLR : le statut depuis février des frères Al Ali), même si nous ne les mettons pas à la rue en leur laissant l’accès à certains de nos foyers jusqu’à ce qu’ils trouvent un nouveau logement, nous ne sommes plus responsables en matière social et au niveau de leur logement, les Offices sociaux ou le Lisko (Lëtzebuerger Integratiouns- a Sozialkohäsiounszenter) prennent le relais.» Mais pour le moment, rien n’avance pour Muhannad et Mohamad Al Ali, qui ne peuvent pas non plus bénéficier du RMG (Revenu minimum garanti) puisqu’ils ont moins de 25 ans. Aujourd’hui, Muhannad dort toujours au hall 6 de Luxexpo. Pas Mohamad, pour qui «les conditions de vie là-bas sont difficiles pour sa santé», vadrouille d’ami en ami.

«Leur situation est difficile, estime Fred Charlé. J’espère que l’on va pouvoir leur trouver une solution pour les mettre dans de bonnes conditions pour vivre, travailler et s’entraîner ici.» Le président de la fédération luxembourgeoise de karaté et également échevin à Differdange, Fred Bertinelli, indique que «nous sommes en train de chercher quelque chose pour eux, mais ce n’est pas simple». Avis aux propriétaires acceptant de loger deux jeunes karatékas de haut niveau…

Guillaume Chassaing

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