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Luxembourg : des restaurateurs au bord de l’asphyxie


Les tables des restaurants restent désespérément vides. Trois restaurateurs témoignent (photo : designermikele/pixabay.com).

Le secteur subit de plein fouet le confinement. Si certains établissements ont stoppé net leurs activités, d’autres tentent – ou ont tenté – de survivre grâce à la livraison à domicile.

Au Clairefontaine : «On est morts si cela doit continuer»

Au centre-ville de Luxembourg, le chef du Clairefontaine, un restaurant étoilé, souligne avoir dû tout de suite complètement fermer son établissement, car il ne dispose ni du matériel ni de la possibilité d’effectuer des livraisons à domicile. «La priorité a d’emblée été de mettre mon personnel et nos clients en sécurité», explique Arnaud Magnier.

Dès le lundi matin suivant l’annonce du Premier ministre, faite la veille, le patron a contacté ses employés afin de stocker et de récupérer une partie de la marchandise et d’en distribuer le reste. «Avant, pour tout le monde, de rester chez soi et d’attendre de voir ce qui se passera.»

Toutefois, le chef indique déjà avoir «une grosse perte financière au niveau de la marchandise. Quant à mes 17 employés, ils ont tous été mis au chômage partiel; je pense que c’était la meilleure solution à court terme», estime-t-il. Cependant, pour sa part, «en tant qu’indépendant, il n’y a rien, et donc pas de solution pour l’instant», poursuit-il.

«On est complètement dans l’inconnu» 

De manière générale, le patron du Clairefontaine s’inquiète à juste titre : «On ne sait pas du tout où on va; on est complètement dans l’inconnu. Je n’ai rien entendu par rapport à la fin du confinement. On devait aussi changer la carte en fonction de la saison… mais étant donné qu’on n’a aucune date… De plus, nous connaissons une perte de notre chiffre d’affaires de 100 %, vu que nous n’avons plus aucune rentrée d’argent depuis la fermeture. Quant au report des taxes à payer, cela va être – d’un point de vue financier – très, très compliqué pour nous, tout comme pour beaucoup d’établissements qui jouent leur survie, même si l’on sait que les clients reviendront manger chez nous dès la réouverture, car les clients nous appellent pour nous épauler et savoir comment ça se passe.»

Forcément dépité, Arnaud Magnier explique encore qu’«entre tous les frais (la sécu, la TVA, les impôts, le loyer, les salaires du personnel), on en arrive à 110 000 euros par mois, en termes de frais fixes… sans parler de la marchandise. Juste en foie gras et en truffes, cela représente un sacré montant. En plus, on avait des travaux de rénovation en route…» Le chef tente néanmoins de garder un certain optimisme, mais cela dépendra évidemment du futur plus ou moins proche : «Ce restaurant est mon gagne-pain, il faut qu’on continue à travailler. Mais comment va-t-on faire pour s’en sortir? Il faudra emprunter forcément de l’argent, mais c’est compter sans les taux d’intérêt… Bref, on est morts si cela doit continuer sur le long terme.»

À l’Opéra : «Content d’être ici et pas en France»

Du côté du restaurant l’Opéra, situé à Luxembourg-Rollingergrund, son patron, Étienne-Jean Labarrère-Claverie, explique avoir essayé de se tourner vers l’option des livraisons à domicile, malheureusement sans succès : «En ce moment, nous ne nous occupons que de la paperasse par rapport à notre personnel qui est au chômage partiel. On est huit, en tout, dès le début. L’annonce a été faite le dimanche, le lundi nous effectuions déjà les demandes en ce sens. On a commencé à faire des livraisons pendant une semaine, et puis, avec mon associé, Mathieu Morvan, on s’est dit qu’il fallait rester confinés pour laisser passer cette crise, par rapport à la santé de notre personnel, notamment. Et puis c’était tout au début des mesures de fermeture des établissements Horeca, donc les gens ont commencé à remplir leurs frigos.

Cela dit, actuellement, d’après les échos que j’ai pu avoir de la part de mes confrères, le secteur est en pleine évolution; il y a une demande.» Ainsi, Étienne-Jean Labarrère-Claverie estime qu’il faut absolument «rester optimistes».

«Le report des taxes est une bonne chose» 

Le patron du restaurant l’Opéra nourrit l’opinion suivante : «En tant que Français, cela fait 26 ans que je suis ici, c’est quand même mon pays d’accueil. Pour ne rien vous cacher, je suis content d’être au Luxembourg, et pas en France, car on est plus soutenus que de l’autre côté de la frontière.»

D’un point de vue des affaires, le restaurateur est d’avis qu’«on a une belle économie ici, (et) j’espère que le gouvernement va nous aider. Car nous n’avons plus aucune activité et nous avons tous les frais fixes qui courent, et de surcroît, sans rentrée d’argent en contrepartie».

De plus, ce dernier juge que «le report des taxes est une bonne chose, et je remercie bien le gouvernement qui fait des gestes comme le versement de la prime de 5 000 euros pour les PME de moins de neuf employés, car cela est toujours le bienvenu. Toujours est-il, nous aimerions déjà savoir quand ce confinement sera fini, on pourra aviser pour l’avenir. Nous verrons ensuite quelles sont nos dettes et s’il le faut vraiment, nous serons dans l’obligation de réduire notre effectif. Pour l’heure, la santé prime. Tous mes employés se portent bien : c’est la seule bonne nouvelle.»

Au Lion d’or : «Plus de 100 % de pertes»

Dans la proche périphérie de la capitale, à Strassen, le restaurant du Lion d’or est également en souffrance. Son patron, Jeremmy Parjouet a tenté l’«expérience» de la livraison à domicile durant deux à trois jours, juste après l’annonce de la fermeture des établissement du secteur Horeca, avant de se rendre à l’évidence : «Nous n’étions pas équipés en termes de matériel et d’infrastructures et la demande n’était pas assez forte à cette période. Ce n’était donc pas rentable; les « purs restaurants » ne sont pas des traiteurs ou autres restaurateurs plus ou moins spécialisés dans ce domaine. Certes, maintenant ça commence à bouger, mais on ne peut plus rouvrir la cuisine pour faire quelques plats par jour. C’est trop tard!»

Cela dit, le chef précise qu’il va exceptionnellement reprendre du service pour concocter un menu, à emporter, pour le dimanche et le lundi de Pâques. Ses employés, au nombre de trois, sont, quant à eux, également au chômage partiel. Par rapport aux mesures gouvernementales de report du paiement des taxes, le chef se montre… pragmatique : «Un report, c’est bien… mais disons qu’une annulation provisoire de celles-ci, le temps du confinement, aurait été aussi très bien! Cela va nous soulager pour un temps, mais il faudra bien qu’on paie un jour ou l’autre…et finalement cela va peut-être nous compliquer encore plus la vie quand on pourra rouvrir le restaurant.»

«Les clients auront encore peur» 

Plus globalement, Jeremmy Parjouet est sur la même ligne que ses confrères : «On vit dans le noir, car on ne sait pas quand on pourra rouvrir et il ne faut pas croire que les clients vont se ruer sur les restaurants dès la fin du confinement. La peur du virus sera toujours présente. Cela va redémarrer tout doucement. Il y aura des mois très compliqués. Je pense d’ailleurs que 2020 sera très compliqué de bout en bout. On ne sait pas comment les clients vont réagir et ce sont eux qui nous font vivre. De plus, nous avions des grands rendez-vous de réservés, tels des banquets. J’estime donc la perte de notre chiffre d’affaires à plus de 100 %.»

Pour autant, le chef reste relativement optimiste, car «(il) n’a pas vraiment le choix» et parce qu’il indique que les restaurateurs «restent soudés entre eux».

Claude Damiani

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