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Luxembourg : une Asbl pour tisser du lien entre les générations


Sortons nous la tête du confinement... ce dimanche, on vous raconte la belle aventure de l'Asbl Mamie et moi ! (Photo d'illustration : Didier Sylvestre).

Née autour du tricot, à Luxembourg, l’ASBL Mamie et Moi contribue à tisser du lien entre les différentes générations par la valorisation et la transmission du savoir-faire de nos aînées.

Dans une société en quête de sens et souvent jugée individualiste, des initiatives comme celles de Mamie et Moi réchauffent les cœurs. Avec le tricot comme fil conducteur, l’ASBL permet à des mamies et des personnes plus jeunes de se rencontrer, de nouer des liens, et d’apprendre les unes des autres.
L’idée a germé dans l’esprit de Camille Alexandre et Cristina Picco voici bientôt dix ans, alors que toutes deux attendaient leur premier enfant. «Nous vivions dans le même quartier et nous avons commencé à sympathiser quand nous étions enceintes. On s’est vite rendu compte que ni l’une ni l’autre ne voulait acheter des vêtements fabriqués à l’autre bout de la planète avec des produits toxiques.»

Elles évoquent alors les couvertures de laine tricotées par les grands-mères pour leurs petits-enfants et décident de partir à la recherche de celle qui pourra leur confectionner un set de maternité. La boutique Bastelkiste, à Luxembourg, les met en contact avec Renée, une caissière pensionnée, qui de son côté ne savait plus pour qui tricoter.

À partir de là, l’histoire s’enchaîne : conscientes de ne pas être les seules à rechercher ce type de produit de qualité pour leur nouveau-né, et mues par une volonté de changer leur façon de vivre, Camille et Crisitina décident de s’associer autour d’un projet qui va redonner une place active aux seniors. «Nous avions en outre cette volonté d’avoir un impact positif sur l’économie du Grand-Duché, de rendre un peu quelque chose à ce pays qui nous a accueillies (NDLR : Camille vient de France, Cristina d’Italie).»

Accent sur le social

Les deux jeunes femmes profitent du parcours 1,2,3 Go Social (aujourd’hui Impuls) pour créer leur entreprise qui voit le jour en 2013. Elles quittent le salariat (Cristina était urbaniste et économiste, Camille avait une formation dans la communication et l’événementiel) et se lancent à fond dans ce projet, qui au départ est seulement axé sur la vente de vêtements en laine (100 % laine et laine bio dans la mesure du possible), fabriqués par des mamies du Grand-Duché. «L’accent est mis sur le social, mais nous voulons avoir le plus petit impact environnemental possible», précise Camille Alexandre. De fait, «les emballages sont minimalistes : du papier, du carton…»

Les visages de l'Asbl ! (Photo : Mamie et moi).

Les visages de l’Asbl ! (Photo : Mamie et moi).

Un mot d’ordre toutefois : «Pas de stress pour les mamies! Ça doit rester un plaisir.» Du coup, il faut compter environ trois semaines avant de recevoir sa pièce (souvent moins). L’occasion pour les mamies qui collaborent de gagner un petit complément de revenu mais aussi et surtout de nouer des contacts, car Mamie et Moi met en place à ses débuts des tricottis, des rencontres entre les mamies.

Cafés-tricot pour tous

Mais l’aspect humain va très vite prendre le dessus, et peu à peu, la vente de produits devenir marginale – elle sert surtout à financer les différentes activités de Mamie et Moi. Le lien intergénérationnel et le lien interculturel constituent désormais le cœur de l’entreprise qui devient en 2019 une ASBL, «pour faciliter l’organisation des rencontres».

«Beaucoup de personnes ont souhaité bénéficier du savoir-faire des grands-mères et apprendre à tricoter. Ça a démarré avec la tendance du DIY. Comme nous avions envie de répondre à cette demande et de valoriser les seniors, nous avons alors mis en place des afterworks consacrés au tricot, qui sont ensuite devenus des cours particuliers. Et c’est bien mieux qu’un tutoriel sur YouTube, la mamie peut reprendre la maille! », souligne Camille Alexandre.
En parallèle, le concept de tricotti évolue lui aussi pour devenir les cafés-tricot. Ces rencontres collectives, qui se tiennent tout au long de l’année, sont organisées une fois par mois au sein des musées de la Ville de Luxembourg (le City Museum ou la Villa Vauban) et se tiennent une fois par semaine à la Villa Vauban lors du Villa Plage durant la saison estivale.

Moyennant cinq euros (ou l’adhésion de 45 euros à l’association pour ceux qui viennent régulièrement), tout le monde peut participer aux cafés-tricot. «On essaie que cette rencontre soit accessible, parce que c’est l’intergénérationel et l’interculturel qui nous intéressent», explique Camille Alexandre.

Une certitude : le concept séduit! Une trentaine de mamies, âgées de 40 à 88 ans, collaborent aujourd’hui avec l’ASBL, dont Renée (toujours active au sein de Mamie et Moi à ce jour!), et 200 à 250 femmes participent très régulièrement aux différents ateliers. «L’association n’est absolument pas fermée aux hommes. D’ailleurs certains papis font montre de leur talent de pâtissier lors des cafés-tricot», précise Camille Alexandre.

Un succès qui témoigne du désir visiblement croissant de la société de se retrouver autour de certaines valeurs, ce qui va bien au-delà d’une simple tendance ou d’un phénomène de mode, comme le confirme la cofondatrice de Mamie et Moi : «Il n’y a pas d’essoufflement, au contraire. Ce qui semblait n’être qu’une tendance se rationnalise. Contrairement au macramé ou à la mode qui sont éphémères, la couture, le tricot, la cuisine, le jardinage, s’inscrivent dans une démarche plus profonde : les gens veulent redonner du sens à leur façon de fonctionner et avoir un impact positif sur l’environnement.»

Et puis, ça fait du bien à tout le monde : aux mamies d’abord, ravies de sortir de l’isolement, mais aussi aux plus jeunes. «Au Luxembourg, 70 % des habitants sont étrangers, ils n’ont donc souvent pas leurs grands-parents près d’eux. Ici plus qu’ailleurs, le fossé intergénérationnel peut se creuser. Ce n’est certes pas votre vraie grand-mère, mais parfois elle peut le devenir. On a des exemples de jeunes femmes qui ont trouvé leur mamie d’adoption. Elles se voient en dehors de l’association.»

Plaisir et partage

Source de plaisir et de partage, Mamie et Moi est aussi l’occasion pour les grands-mères (et les créatrices) de relever des défis. À cet égard, un formulaire est disponible via lequel les clients peuvent faire des demandes spécifiques : un pull comme celui tout élimé qu’on adore par exemple, ou cette robe en laine qu’on a vue portée sur internet. «On prend un maximum d’informations et on transmet le tout à nos mamies. C’est un projet unique à chaque fois, et cela plaît beaucoup», savoure Camille Alexandre.
Récemment, l’ASBL a également collaboré avec une marque de cosmétique allemande qui lance le premier dissolvant pour vernis à ongles en crème. «L’entreprise cherchait une alternative aux cotons. Après divers essais, nous avons produit 500 petits carrés de tricot qui sont actuellement envoyés aux influenceurs beauté», se réjouit Camille Alexandre. «Les mamies ont encore leur mot à dire en matière de beauté!»
Mamie et Moi ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, annonce par ailleurs la jeune femme : «On explore des pistes, mais on ne veut pas faire de « concurrence » à d’autres associations, ce n’est pas le but, et le tricot prend déjà beaucoup de temps. Mais on réfléchit aux opportunités, comme par exemple la lecture de contes par nos mamies dans les écoles. On a également répondu à un appel à projet du ministère de l’Intégration, dont on aura très prochainement la réponse. Il s’agit d’un projet d’envergure que l’on déploiera en 2020 autour du tricot!»

Tatiana Salvan

Pensons aux mamies confinées

Plus que jamais, en cette période de confinement imposé, les seniors peuvent se retrouver complètement isolés. Pour Camille Alexandre, cofondatrice de Mamie et Moi (dont les activités sont mises en suspens le temps de la crise), il est essentiel de maintenir un contact avec les personnes âgées, «mais sans les mettre en danger bien sûr !»

Lever les nez dans la rue

Pas de visite donc, mais il existe des alternatives. La jeune femme invite ainsi tout un chacun à mettre en place des initiatives montrant aux aînés que l’on pense à eux : du coup de fil à l’envoi de messages voire de cartes, en passant par un simple sourire ou un salut de la main lorsqu’on se trouve à l’extérieur. «Quand on marche dans la rue, on peut lever un peu plus le nez et faire un petit geste ou sourire si on voit une personne âgée à sa fenêtre», suggère Camille Alexandre, qui propose aussi de s’inspirer de ce qui se fait déjà ailleurs : «Partout en Europe, de nombreux jeunes se rendent disponibles pour aller faire les courses des personnes âgées vivant dans leur quartier, ou passer à la pharmacie pour eux. Dans un village en France, des enfants ont écrit des cartes pour les résidents dans les Ehpad ; à Turin, des jeunes affichent dans le hall de leur immeuble des annonces destinées aux personnes âgées…»

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