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Steinfort : bol d’air frais en lisière de forêt


Aurélie d'Incau, étudiante en art à Maastricht, a rassemblé douze créateurs dans un «dialogue artistique» réussi sur le site industriel de Steinfort. (Photo HG)

Douze jeunes artistes ont créé un parcours d’œuvres éphémères sur le site du Mirador. Un art cent fois plus engagé que les «contre-cultures» urbaines dont on voudrait gaver la jeunesse.

On ne ressort pas indemne de ce parcours. A fortiori quand c’est Aurélie d’Incau, l’artiste à l’origine du projet Antropical, qui fait la visite. Casque audio vintage sur les oreilles, lunettes de soleil, sourire permanent : la Luxembourgeoise, étudiante à la Maastricht Academy of Fine Arts and Design (Mafad), a réussi son pari. Rassembler douze artistes internationaux, jeunes et plutôt fauchés, pour réaliser quelques œuvres aussi éphémères que philosophiques sur l’ancien site de Steinfort. Sans le vouloir, sans trop en dire. Mais quelle claque ! L’envie de renouveau qui règne ferait passer n’importe quel musée pour une télé en noir et blanc. «J’ai écrit une annonce sur une page Facebook, explique Aurélie d’Incau. J’ai reçu une quarantaine de réponses, donc j’ai fixé des conditions : dix jours de résidence au milieu du site (NDLR : dont une couchette dans un wagon désaffecté !), pas d’idées fixes, un thème amené au dernier moment… pas de moyens, juste les éléments de la nature.» Les objets techniques (enregistreurs, peintures) n’ont servi qu’à souligner les éléments du site.

Au final, les 23 œuvres répondent à des interrogations précises. Le Luxembourgeois Bob Erpelding a réalisé une peinture primitive sur un tas de scories de la sidérurgie. On y voit la vie moderne entre une console de jeux, des couverts de table, un bonhomme qui pousse un chariot de course. Le Lascaux du XXIe siècle. Nika Schmitt, également luxembourgeoise, a mis au point une sorte de Pokémon Go naturel. Ici, personne n’attrape des montres à l’aide d’un portable. L’artiste a copié la nature au premier sens du terme, en dupliquant des jolies pierres par moulage et en gardant les originaux. Les moulages sont dispersés dans un jeu de piste. Celui qui en trouve repart avec l’œuvre de l’artiste, qui vaudra peut-être cher un jour de façon abstraite, si Nika Schmitt devient Jeff Koons. «Une question plus importante est sous-entendue derrière chaque œuvre, précise Aurélie d’Incau. Dans le cas des pierres de Nika, nous sommes sur la question artistique fondamentale de la copie. Qui mérite ? Qui a inspiré qui ? Cette bataille a toujours intrigué. On sait que beaucoup de choses sont reprochées à un artiste comme Picasso par exemple… Nika a choisi de copier la nature, on verra bien le résultat !»

«Le partage est une idée noble»

Les dix jours de résidence artistique ont laissé des traces. Sur le site, la comptoir bariolé du bar éphémère (qui visiblement a bien servi) tranche avec les palissades abruptes taguées de slogans surréalistes. «Nous avons vécu ces dix jours comme dans un laboratoire. Il faut arrêter d’être arrogant par rapport à qui fait quoi, etc. La conclusion, c’est que le partage est une idée noble.»

On ressent derrière chaque œuvre une puissance intellectuelle, un réseau de cerveaux connectés. L’idée fait sourire Aurélie d’Incau. «Nous n’avons pas recherché un travail si qualitatif que ça. La question de la qualité est également centrale dans l’art. Qu’est-ce qu’une œuvre qualitative au final ? Faut-il vraiment que tout dure 100 ans ?»

Les totems chamaniques des jeunes artistes d’Antropical ne résisteront pas à l’érosion du temps. Ils retourneront à la nature dans un cercle merveilleux de création gratuite.

Hubert Gamelon

Renseignements complémentaires sur antropical.com
Jusqu’au 19 août. Visite libre, au départ du site dit du Mirador de Steinfort. Dépliant du parcours disponible à l’accueil.

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